Je me souviens… Au pouvoir, citoyens!: Le pays volé, 20 ans plus tard

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Il y a exactement vingt ans, le Québec était en pleine période référendaire afin de se prononcer une deuxième fois depuis 1980 sur son avenir politique. Comme des milliers de Québécois(es), j’aurais bien voté OUI, mais j’étais trop petit. Malgré tout, il est important d’exercer un retour réflexif sur ces évènements controversés.

À la suite d’une entente signée le 12 juin 1995 entre Jacques Parizeau (chef du PQ), Lucien Bouchard (chef du Bloc québécois) et Mario Dumont (chef de l’ADQ) pour une déclaration de souveraineté, le gouvernement du Québec convoqua la population pour entériner l’idée que «le Québec est un pays souverain» tout en lui accordant la mission d’offrir «formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique».

À l’origine, le référendum de 1995 fut un véritable exercice démocratique, salué partout dans le monde, qui respectait entièrement le droit des peuples à l’autodétermination. Plus de 55 000 citoyens ont participé cette année-là aux diverses commissions régionales, et le taux de participation du 30 octobre 1995 – avec plus de 4,7 millions de votants sur cinq-millions d’électeurs inscrits – a atteint un record inégalé avec 93,52%. Par contre, il est important de souligner que certaines irrégularités ont été soulevées.

Le référendum volé

Dès 2004, les députés bloquistes présents à Ottawa révèlent le fameux «Scandale des commandites» du PLC, ce qui force la tenue d’une commission d’enquête par le juge John Gomery. Se déroulant entre septembre 2004 et juin 2005, elle aura couté 35 millions de dollars en fonds publics. Publié le 2 novembre 2005, et intitulé Qui est responsable?, le rapport Gomery ébranle le gouvernement fédéral et provoque un véritable séisme politique. Or, parmi les acteurs impliqués dans ce système, seuls six ont été condamnés et à peine 6,7 millions de dollars ont été récupérés sur les 49 dépensés illégalement.

Des membres du gouvernement fédéral ont impliqué des agences publicitaires et des firmes de communication pour s’ingérer dans la campagne et sensibiliser la population québécoise aux «bienfaits du Canada» par l’entremise de matériel de promotion. Par exemple, pour défendre l’unité canadienne, le haut fonctionnaire d’Ottawa Chuck Guité a acheté tous les panneaux-réclames du Québec à la veille du référendum pour environ huit-millions!

Le 27 octobre 1995, des milliers de Canadiens ont convergé vers Montréal (aux frais de ViaRail, Air Canada et le Canadien Pacific) pour «déclarer leur amour» aux Québécois et les encourager à voter NON trois jours plus tard. Par l’intermédiaire de Patrimoine Canada, 4,8 millions de dollars auraient servi à cette marche. Ces évènements n’ont pas été comptabilisés dans les dépenses du camp du NON et tout indique, d’après un aveu en septembre 2014, que le p’tit gars de Shawinigan, Jean Chrétien, alors premier ministre du Canada, en fut l’organisateur principal avec ses ministres Sheila Copps et Brian Tobin.

À l’origine, le référendum de 1995 fut un véritable exercice démocratique, salué partout dans le monde, qui respectait entièrement le droit des peuples à l’autodétermination.

D’autres auteurs, notamment les journalistes Robin Philpot et Normand Lester (Radio-Canada), ont mis à jour en 2005-2006 le scandale d’Option Canada et d’autres manœuvres illégales du gouvernement fédéral pour contrer la menace séparatiste: détournement de fonds publics à des fins partisanes, entorses malhonnêtes et mépris de la démocratie. Factures à l’appui, leur enquête dévoile qu’Option Canada, organisme créé dans le plus grand secret le 7 septembre 1995, a dépensé clandestinement 5,2 millions en subventions du ministère du Patrimoine canadien dans le cadre d’un programme d’appui à la linguistique canadienne. Le DGE du Québec commanda aussitôt ce qui deviendra le rapport Grenier (2007) et qui confirma qu’Option Canada était une société paravent qui fut utilisée par le camp du NON en 1995 afin de contourner la loi électorale québécoise.

Tirer des leçons

D’après Jean-François Lisée, plusieurs erreurs ont été commises en 1995. Tout d’abord, il y a eu une mauvaise identification des électeurs (possibilité éventuelle de la tache d’encre sur les doigts). Ensuite, la loi québécoise ne peut pas s’appliquer directement sur le financement des libéraux fédéraux, même si la Cour suprême du Canada avait appuyé la «loi sur la consultation populaire» (1978). En fait, chaque camp au Québec a dépensé 4,8 millions alors que plus de 10 millions de dollars ont été investis par le gouvernement fédéral.

Une autre fraude a reposé sur l’accélération de délivrance de certificats de citoyenneté (surtout lorsque le PLC est au pouvoir) depuis 1977. Les chiffres sont éloquents: il y a eu 11 500 nouveaux citoyens en octobre 1995, c’est-à-dire 250% de plus que le mois précédent, 300% de plus qu’en octobre 1994 et 400% de plus qu’en octobre 1993…

La prochaine fois, il faudra des mesures pour empêcher les entreprises ou les organismes tant provinciaux que fédéraux d’agir sans l’accord des comités du OUI et du NON. Réfléchir à instaurer le critère de résidence (depuis 18 mois selon Lisée) pour l’obtention de la citoyenneté québécoise, ou encore prévoir une délégation internationale pour surveiller notre scrutin sera pertinent et essentiel. Sachant que 86 501 votes furent rejetés – soit davantage que la différence entre les deux camps, c’est-à-dire 54 288 voix – il faudra être sur nos gardes. Autrement, l’argent tue la démocratie.

Le match revanche

Considérant les résultats serrés (50,58% pour le OUI et 49,42% pour le NON) ainsi que les diverses fraudes soulevées plus haut, il faut littéralement considérer le référendum de 1995 comme un «match nul», et ce, même si 60% des francophones ont dit oui au pays!

Et si 1 700 000 personnes ne pouvaient pas voter en 1995, elles le peuvent aujourd’hui. Tous ceux qui sont nés au Québec depuis 1978, sans oublier tous les immigrants arrivés ici depuis vingt ans, n’ont jamais pu se prononcer sur leur avenir politique. Considérant que plus de 40% des électeurs sont toujours favorables au projet de l’indépendance du Québec, soit 2,4 millions de Québécois(e)s, il est primordial de réfléchir de nouveau à la nécessité d’un tel processus référendaire, pour forger notre avenir collectif.

2 COMMENTAIRES

  1. « Qu’on cesse de Tataouiner! » – Jacques Parizeau

    La décanadianisation du Québec s’accélère

    Plus que les sondages … il y a les tendances…
    • 1965, 15% pour la souveraineté (Trudeau arrive à Ottawa pour sauver le Canada!)
    • 1980 référendum, 40% pour la souveraineté!
    • 1995 référendum volé, près de 50% pour la souveraineté!
    …….. 2011 60%?????

    http://www.vigile.net/La-decanadianisation-du-Quebec-s

    http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/la-decanadianisation-du-quebec-saccelere/7024/

    Alors, commente Jack Jedwab, “ce qui m’inquiète est que la totalité des groupes de moins de 65 ans se sentent très détachés du Canada”. Jack est, comme chacun le sait, un fédéraliste convaincu. Il a de bonnes raisons d’être inquiet.

  2. Voir « Retour sur la Crise d’octobre: un ouvrage essentiel »

    Josée Legault, 20 septembre 2010

    http://voir.ca/josee-legault/2010/09/20/retour-sur-la-crise-doctobre-un-ouvrage-essentiel/#comment-25595

    Il y a un peu plus de quarante ans, le 16 octobre 1970, au milieu de la nuit, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau imposait les mesures de guerre à la suite de l’enlèvement par le Front de libération du Québec (FLQ) de deux personnalités politiques. Par ce coup de force, la constitution et toutes les libertés civiles furent suspendues. Douze mille cinq cents soldats furent déployés au Québec, dont 7500 rien qu’à Montréal. Près de 500 personnes furent arrêtées sans mandat, sans accusation et sans avoir le droit de recourir à une assistance juridique. Plus de 10,000 maisons furent fouillées sans autorisation.

    Trudeau et ses mesures de guerre: Un regard neuf du Canada anglais
    2011 chez Septentrion, ISBN papier : 9782894486832

    Par Guy Bouthillier (Author), Edouard Cloutier

    http://septentrion.qc.ca/catalogue/livre.asp?id=3483

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