Par Jean-François Veilleux
Vous n’avez même pas encore atteint la moitié de votre mandat (2014-2018), mais je tenais à vous écrire quelques mots, car je suis ultra déçu de votre orientation austéritaire et des décisions hautement impopulaires de plusieurs de vos sinistres ministres. Ayant à cœur l’avenir du Québec, laissez-moi vous expliquer ma vision d’étudiant et de citoyen-militant.
Environnement
Tout d’abord, même si TransCanada vient tout juste d’abandonner l’idée d’un port pétrolier au Québec, votre gouvernement a quand même autorisé cette compagnie albertaine de procéder à des relevés sismiques dans notre beau fleuve Saint-Laurent, tout en lui imposant une amende minimale prévue par la loi (5000$) pour des relevés semblables à Cacouna.
Je connaissais déjà l’incompétence incomparable de votre soi-disant ministre de l’environnement qui a laissé Ottawa gérer la crise du «Flushgate», ces huit milliards de litres d’eau usées. Au lendemain d’un déraillement de wagons (heureusement vides) au sud-ouest de Montréal – le 29 octobre, le troisième depuis 2011 – Heurtel a aussi rejeté l’idée de mandater le BAPE d’étudier la question du transport du pétrole par train et a même annulé l’évaluation prévue! Il a également balayé de la main un BAPE pour la cimenterie Port-Daniel (19 février), pour l’agrandissement du port de Québec (12 aout) ainsi que pour les trois projets d’exploitation des hydrocarbures en Gaspésie (5 octobre).
Sérieusement, j’ai vraiment de la misère à vous suivre. Privatiser la moitié de l’expertise du ministère du Tourisme comme vous l’envisagez n’est pas non plus en accord avec ma conception de la protection et de la valorisation du patrimoine vivant et de notre territoire.
Éducation
Ensuite, il faut l’avouer, ça va assez mal dans les 48 cégeps du Québec. Et pas besoin de parler de ces alertes à la bombe dans 61 écoles au nom du collectif «Sceptre Rouge», dont le communiqué rempli de fautes ne fait que confirmer l’urgence de réinvestir en éducation.
Au lieu de négocier de bonne foi les conventions collectives, vous vous entêtez à défendre vos ministres du trésor et de la finance qui refusent, au moment d’écrire ces lignes, une augmentation minimale équivalente au taux d’inflation (2%). Autrement, vous ne faites que proposer à ces milliers de gens un «appauvrissement sous contrat»…
Pendant ce temps, votre gouvernement offre une augmentation de salaire de 55% en un an pour les 125 députés de l’Assemblée nationale (passant de 86 000$ à 136 000$ par an), 34% pour les médecins sur huit ans (négocié d’ailleurs par un autre médecin), 26% pour votre secrétaire général personnel pour un an, réservant à peine 3% sur cinq ans (donc rien pendant deux ans) pour les infirmières, les professeurs et les fonctionnaires de l’État.
Et votre super ministre de l’éducation ne fait que continuer de refuser une hausse de la taxe sur la masse salariale des entreprises, ce qui apporterait un milliard supplémentaire au trésor public. Soyez plus sérieux! Votre investissement de 1 à 2 milliards dans un projet controversé de Bombardier, plutôt que dans la compagnie mère elle-même, est une autre gifle aux visages des manifestants. Cela culminera le 1er, 2 et 3 décembre avec plus de 435 000 personnes en grève selon le Front commun qui espère «renverser l’austérité».
Justice sociale
Non seulement vous refusez de tenir une enquête indépendante sur les allégations de sévices visant la SQ, préférant attendre que le gouvernement fédéral fasse le travail à votre place, mais votre timide rencontre du 4 novembre avec les chefs amérindiens en a déçu plus d’un. Alors que la marginalisation et l’appauvrissement des communautés autochtones sont bien réels, le racisme et la discrimination continuent de miner la relation de confiance essentielle entre la population et les autorités policières.
J’ose espérer que vous saurez vous tenir debout pour défendre un Québec plus fort et plus juste.
Vous n’êtes pas non plus un leadeur dans le dossier de l’Unité permanente anticorruption (UPAC). Non seulement le patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, réclame le prolongement de son mandat de cinq ans (qui se termine en mars 2016), mais il refuse d’être nommé par les deux tiers des membres de l’Assemblée nationale, comme le sont d’ailleurs d’après Bryan Miles de l’Actualité, le DGE, le vérificateur général et le protecteur du citoyen. En attendant, c’est le ministre de la Sécurité publique qui garde ce mandat de renouvèlement.
Cela est très préoccupant depuis que Denis Lessard, de La Presse, a révélé le 22 octobre qu’une demi-douzaine d’enquêtes complétées par l’UPAC dorment depuis plusieurs mois au bureau du directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Sur ces dossiers, deux touchent directement les réseaux de financement occulte du Parti libéral du Québec.
Oui, j’attends impatiemment le rapport de la commission Charbonneau le 30 novembre prochain. Évidemment, vous tenez à protéger votre parti, mais au détriment de la vérité.
Dans son bilan de 2014, l’UPAC paraissait avancer avec un total de 15 arrestations pour l’année, un recul par rapport aux 66 en 2013. Depuis le début 2015, on est à 16 arrestations. Or, l’UPAC a pourtant effectué des dizaines de perquisitions à la permanence du PLQ et au sein d’entreprises réputées proches de celui-ci. Mais les arrestations ne viennent pas.
Le Québec de demain se construit dès aujourd’hui et je suis tenté de croire que vous êtes à la solde de la privatisation de notre État. J’ose espérer que vous saurez vous tenir debout dans les semaines à venir pour défendre un Québec plus fort et plus juste, pour tous, ainsi qu’un Québec vert et fier de ses investissements en énergies renouvelables ou alternatives.
Autrement, à l’instar des 22 000 enseignants qui ont voté six jours de grève (en rotation), des 1300 organismes communautaires qui ont manifesté le 3 novembre dernier, des 50 000 étudiants de l’ASSÉ en grève le 5 novembre, et de tous les autres gens indignés du secteur public, du Front commun ou de la Fédération autonome de l’enseignement, nous continuerons de descendre dans la rue pour vous rappeler à l’ordre et exiger le bon sens.