Plusieurs savent déjà que je rédige actuellement un mémoire de maitrise sur la catharsis dans le concert de musique métal, mais peu d’entre vous ont un véritable contact avec mon domaine d’étude: la philosophie. Je viens d’entamer ma 6e année d’étude à l’UQTR dans ce programme qui a ouvert en même temps que l’université, en 1969, et qui vient de créer un intéressant partenariat avec le département des Arts. Voici quelques clés pour mieux comprendre la philosophie.
Qu’est-ce que la philosophie?
Tout d’abord, le mot philosophie vient de philo-sophia, c’est-à-dire «l’amour de la sagesse». Cela n’est pas vraiment élitiste car, à mon avis, à peu près tout le monde fait de la philo sans le savoir.
Les Anciens savaient il y a longtemps que l’étonnement est la première attitude du philosophe: celui qui constate les caractéristiques de l’environnement qui l’entoure et qui tente d’expliquer le cours de la vie afin de répondre rationnellement aux plus grandes questions humaines.
De nos jours, il existe différentes sortes de philosophie: la logique (analyse de l’argumentation), la rhétorique (l’art de gagner un débat sans nécessairement avoir raison), l’esthétique (philo de l’art, du beau, de la création et de la réception), la métaphysique (réflexion sur les composantes ultimes de la réalité et la structure de l’univers; l’être, le temps, le néant, Dieu), l’épistémologie (étude de la connaissance scientifique), la philo analytique (analyse logique du langage), la philo de la connaissance (sommes-nous des cerveaux dans des cuves?!), la philo de l’esprit (étude du mental et des fondements de la psychologie), l’ontologie (l’étude de l’être en tant qu’être), la phénoménologie (étude des phénomènes tels qu’ils se présentent à nous), la philo politique (étude des systèmes de pouvoir, formes d’autorité légitime, justice), la philo du droit (interrogation sur la cohérence du discours tenu, droits et libertés), l’anthropologie philosophique (étude de l’évolution humaine, sa place dans l’univers, liberté vs détermination), les théories des valeurs comme l’éthique (réflexion sur la morale), la philo de l’éducation, alouette! J’ajouterai ma spécialité, la philosophie de la musique…
La philo est-elle une religion?
Une religion est un ensemble de croyances et de dogmes définissant le rapport de l’être humain avec la puissance divine ou avec le surnaturel, bref un système de pratiques et de rites propres à chacune de ces croyances, habituellement gardées par une institution précise.
La théologie est la branche philosophique qui se rapproche le plus des religions, car c’est un discours rationnel sur Dieu dans un donné révélé, comme les textes sacrés. La principale distinction est que l’autorité des textes sacrés est centrale en théologie, alors qu’elle n’a aucun poids en philosophie ou même en histoire.
Or, la philosophie n’impose aucun dogme, sauf peut-être l’usage suprême de la raison dans la recherche de vérité et de ses outils (le doute, la pensée critique, l’analyse logique). Il serait donc faux de croire que la philosophie est une religion. Toutefois, il est possible de se ranger dans certains groupes: l’hédonisme, le scepticisme, le stoïcisme (Marc-Aurèle), le rationalisme fondationaliste (Descartes, Spinoza), l’empirisme (Locke, Hume, Berkeley), l’utilitarisme (Mill, Bentham), l’existentialisme (Nietzsche, Sartre, Camus), le positivisme (Auguste Comte), le cohérentisme (Quine, Rawls), l’intuitionnisme, etc.
La philo est-elle une science, alors?
D’emblée, la science repose sur un dogme: l’univers est organisé de façon rationnelle et est partout pareil. Toutefois, il est intéressant de noter que la différence fondamentale entre la science et la philosophie, c’est que la première se contente parfois de demander «comment?», alors que l’autre se demande avec fascination «pourquoi?».
Même si toutes les deux partagent généralement un souci d’objectivité et de neutralité dans leurs démarches (esprit critique, usage du doute, exigence de la raison), la science ne s’occupe que de faits et d’explications, alors que la philosophie est aussi préoccupée notamment par la question des valeurs éthiques et morales (le bien et le mal, l’utile et l’inutile, le beau et le laid). Attention, la philosophie n’est pas supérieure à la science, mais celle-ci lui est complémentaire.
Quoique la science exige la démonstration par l’observation ou l’expérimentation, procédant à partir de données objectives, la philosophie tente surtout de s’affranchir de la tradition en rejetant non seulement les opinions et les dogmes, mais aussi les superstitions comme l’ésotérisme et les sciences occultes (astrologie, cartomancie, sorcellerie, divination, vaudou), afin de privilégier les méthodes de raisonnement et de pensée par lesquelles on peut atteindre la Vérité.
En résumé
Au fil des siècles, depuis l’Antiquité, l’ensemble des sciences humaines et sciences de la nature sont issues directement de la philosophie: les mathématiques, l’astronomie, la biologie, la zoologie, la physique, la chimie, la médecine, la psychologie, la psychanalyse, l’éducation, la littérature, l’histoire, la sociologie, la musicologie, etc. Ainsi, la philosophie est la mère de toutes les sciences.
La philosophie n’impose aucun dogme, sauf peut-être l’usage suprême de la raison dans la recherche de vérité.
Donc, si l’on vous demande à quoi sert la philosophie, vous pourrez dire que c’est réfléchir en suspendant temporairement son adhésion à une croyance ou à un système de valeurs aux fins d’évaluation. C’est aussi un processus qui diffère de l’acquisition de connaissance, car il y a auto-évaluation de notre savoir. De plus, cette réflexion critique est une entreprise rationnelle afin d’éviter les préjugés, d’agir avec cohérence en évitant les contradictions, d’être capable d’analyser des concepts et d’être capable de changer son point de vue en cours de route.
En d’autres mots, les philosophes sont habituellement des êtres très sensibles, plutôt ouverts d’esprit, tolérants comme on en rencontre rarement, passionnés par les détails de la vie et ses paradoxes, assoiffés de textes et de littérature (le savoir est la clé du salut disaient les Celtes), bref, de véritables bibliothèques vivantes.