C’est déjà la fin de l’année 2021. Et la fin de la session universitaire pour toutes les bêtes de somme éprouvées que vous êtes! L’on va donc (encore une fois me direz vous) se faire plaisir en cette fin d’année. En effet, j’aurai le plaisir, l’honneur et l’ambition de vous faire apprécier Charles Bukowski. Ce vieux poète souvent considéré comme vulgaire recèle une part de sensibilité indéniable. Tentons donc de redorer (certains diraient faire dégriser) le mythe pour le présenter sous un jour favorable.
Un écrivain aux effluves de bière et de cendre
Charles Bukowski est né en Allemagne en 1920. Rapidement naturalisé citoyen américain, il n’embrassera la carrière littéraire avec sérieux qu’à la fin de sa vie. C’est que Bukowski est loin du mythe de l’écrivain bourgeois et dandy. Et il doit travailler, notamment comme postier pour survivre.
Loin d’avoir été une enfance idyllique, celle de Bukowski fut marquée par la violence et le mépris. Son père était un alcoolique violent et sa mère lui était entièrement soumise. De plus, le jeune Charles avait le faciès ravagé par l’acné et les pustules. Il raconte d’ailleurs accorder une si grande place aux femmes dans son œuvre, car plus jeune, celles-ci le rejetait systématiquement. C’est par l’écriture et la poésie qu’il réussit, même en bas âge, à trouver un peu d’air et un sens à son existence miséreuse.
«Toi, tu es laid, et tu ne connais pas ta chance : au moins, si on t’aime, c’est pour une autre raison.» – Charles Bukowski, Contes de la folie ordinaire, 1967.
Un jour, alors que Bukowski avait 16 ans, il rendit les coups à son père qui le battait. Le tout devant sa mère. Il gagna l’affrontement et décida de quitter la maison pour entreprendre une carrière de journaliste.
Le maître de la nouvelle
S’il est un type de récit dans lequel excelle Bukowski c’est sans conteste la courte nouvelle littéraire. L’on peut nommer les Contes de la folie ordinaire, les Nouveaux contes de la folie ordinaire et Au sud de nulle part. La nouvelle est souvent reconnue comme un genre typiquement américain. En effet, plutôt que de se lancer dans d’interminables épopées, ces courts récits permettent une force de frappe plus efficace en allant droit au but.
« La poésie en dit long et c’est vite fait. La prose ne va pas très loin et prend du temps.» – Charles Bukowski, contes de la folie ordinaire, 1967.
Certaines personnes pourraient, de par ce fait, éprouver de la difficulté à apprécier l’œuvre de Bukowski. Car, son genre de récit exclu un important développement des personnages, de leur psychologie, de leurs motivation et une mise en scène riche et large. Mais les personnages de cet écrivain sont plus souvent qu’autrement les mêmes : un narrateur écrivain, crasseux et alcoolique; des femmes vénales et cruelles, des hommes qui n’ont a cœur que leur réussite et l’assouvissement de leurs basses pulsions. Le cadre est jeté. Si vous êtes rebutéE, restez tout de même encore un peu. Il y a de l’or sous la merde.
Un rapport aux femmes conflictuel
Bukowski aura souvent été critiqué pour son rapport aux femmes peu flatteur. Il est vrai que son alter ego littéraire pourrait facilement être considéré comme un simple connard misogyne. Mais cette façon de repousser, de maltraiter et de sous-considérer les femmes femmes provient d’une profonde blessure. En effet, Bukowski aura été rejeté par elles toute sa vie. Je ne tenterai donc pas de le défendre d’être misogyne, cela serait peine perdu. Mais à la lecture de son troisième roman, Women, l’on peut entrevoir toute l’affection caché qui leur porte.
« J’avais cinquante ans et n’avais pas couché avec une femme depuis quatre ans. Je n’avais pas d’amies femmes. Je les regardais quand j’en croisais une dans la rue ou ailleurs, mais je les regardais sans désir, avec une impression de futilité. Je me masturbais régulièrement, mais l’idée d’entretenir une relation avec une femme – même sans rapport sexuels – dépassait mon imagination. » — Charles Bukowski, Women, Grasset 1981, p. 7
De plus, les écrits de Bukowski sont entourés d’un tel ridicule qu’il est impossible de ne pas voir qu’il se met lui-même en scène. Il est bien rare, en effet, que le protagoniste principal ait le beau rôle dans l’histoire. Et les femmes qui l’entourent, aussi perfides et mesquines soient-elles, le sont souvent pour répondre au malfaisances de Bukowski lui-même. Toute une analyse freudienne pourrait être écrite sur Bukowski et les femmes. Mais ce ne sera pas le sujet d’aujourd’hui.
Problèmes de traduction
Je ne saurais que trop vous recommander de lire l’œuvre de Bukowski en langue américaine originale. Et je fais bien attention d’écrire « américain » et non « anglais », car l’œuvre de cet auteur est truffée d’argots et d’un style rapide et incisif purement américain. Les traductions française retranscrivent cet argot comme si Bukowski venait de la banlieue parisienne. Et cela chiquera l’œil et la langue le lectorat québécois.
Héritier de la Beat Generation, Bukowski aura su distiller et raffiner au possible cet « écrit comme je parle » pour en faire un diamant brute. À vous de lire maintenant, pour vous faire un avis. Si vous manquez de temps ou de motivation, allez écouter ce poème du grand maître. Il saura vous donner la motivation pour le dernier droit de la session.