La plume de travers : Frédéric Beigbeder, le plaisir du scandale

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Étienne Gélinas : La plume de travers. Crédit : Sarah Gardner.

Si vous faites la lecture de cette chronique, c’est que vous avez déjà un intérêt littéraire aiguisé. Il est donc impossible que vous n’ayez jamais vu passer le nom de Frédéric Beigbeder. Romancier, essayiste, éditeur et habitué de tous les pôles médiatiques français, Beigbeder n’est pas de ces écrivains reclus et discrets. Plutôt, il se lance de tout corps dans la sphère publique française, ayant pour but de se faire entendre et de critiquer celle-ci avec ses satyres acérées.

Crédit : 20 Minutes.

« J’écris ce livre pour me faire virer »

Voila ce qu’écrit directement l’auteur dans son premier grand succès : 99 Francs. Publiciste pour l’agence Young & Rubicam, Beigbeder ressort écœuré de cette expérience professionnel dont il dressera une satyre violente dans son roman. Violente c’est le cas de le dire, car l’auteur laisse sous-entendre toute l’agression mentale et économique effectué par cette strate professionnelle en dépeignant directement un meurtre gratuit et vicieux commis par les protagonistes.

« La publicité est l’une des plus grandes catastrophes des deux mille dernières années pour ceux qui aiment la littérature. » – Frédéric Beigbeder, 99 Francs.

Son vœu sera exaucé, car il sera licencié le jour suivant la parution de son roman – qui a dit que la littérature ne pouvait plus avoir d’impact social et faire peur aux autorités en place?  C’est que 99 Francs se veut une autofiction. En effet, le protagoniste, Octave Parango, colle à la réalité de son auteur. Ainsi, il est publiciste, désabusé, souvent drogué et enivré par l’argent. Mais ce ressenti glacial provient directement du milieu de la publicité à l’intérieur duquel Parango est plongé et d’où il tentera de s’extirper. L’on peut comprendre pourquoi ses patrons n’ont pas vraiment apprécié…

Une satyre de l’amour

Frédéric Beigbeder est un homme à femme, il s’agit presque là d’un euphémisme. Marié à plusieurs reprises, les personnages de ses romans sont également presque toujours des tombeurs prêts à tout pour une nuit d’amour. Mais il serait faux de dire que sur ce point, Beigbeder est un optimiste. Son roman L’amour dure trois ans illustre à merveille la défiance envers les sentiments romantiques qui habite l’auteur.

« L’amour est le problème des gens qui n’ont pas de problèmes.» – Fredéric Beigbeder, L’amour dure trois ans.

En effet, c’est avec cynisme que l’auteur traite l’un des plus vieux thème de la littérature. Le roman dépeint une histoire d’amour, échelonnée sur trois ans; il en présente la source, l’éclatement, l’effervescence, puis le long déclin avant la chute. Sans vouloir vous divulgâcher la fin, disons que Beigbeder nous laisse sur une note d’optimisme, ce qui n’est pas peu dire dans un roman où l’amour est la cible de tous les dards.

«  L’amour est fini quand il n’est plus possible de revenir en arrière. » – Frédéric Beigbeder, L’amour dure trois ans.

Crédit : Franceinter.fr

Le maître de l’aphorisme

Beigbeder a déjà écrit que les publicités c’était des aphorismes qui se vendent. Et l’on peut dire que son expérience dans le milieu publicitaire a porté fruit. En effet, il serait possible de faire un recueil – et pourquoi pas en plusieurs volumes! – avec toutes les phrases choc de cet auteur. Il traite de la société française, de la modernité, du rire (et de sa malheureuse omniprésence) et, bien entendu, de l’amour.

« Le plaisir présente un avantage : contrairement au bonheur, il a le mérite d’exister.» – Frédéric Beigbeder, Nouvelles sous Ecstasy.

Le summum de cet art est atteint dans le recueil de nouvelles : Nouvelles sous ecstasy. Outre l’attrait pour les drogues – qui n’a rien d’étranger à Beigbeder lui-même -, ce recueil se permet une liberté d’expression inédite. Entièrement rédigé sous influence, Nouvelles sous Ecstasy est pourtant loin de faire l’apologie de  la drogue. Ainsi, l’auteur déconseille a son lectorat l’usage de la MDMA qu’il qualifie volontiers de dur.

Pour bien comprendre le personnage de Beigbeder, je crois qu’il faut discerner l’hypersensible derrière le cynique, le grand romantique derrière le baiseur détaché et le cœur fidèle derrière le conquérant invétéré. Au fond, comme la majorité des cyniques, Beigbeder dit des atrocités pour cacher ce qu’il pense au fond de son âme : le monde est beau, la société peut être changée et les femme, le plus doux de tout les plaisirs, peut-être, valent assurément la peine d’être aimé.

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