La plume de travers : Le cigare au bord des lèvres

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Étienne Gélinas : La plume de travers. Crédit : Sarah Gardner.

Cette semaine, je discuterai d’un roman québécois tout frais sorti des presses. Il s’agit de Le cigare au bord des lèvres d’Akim Gagnon. Il est rare que je prenne le temps de vous parler d’un livre qui ne m’a pas réellement plu. Mais cette semaine, je ferai une exception pour vous éviter d’acheter un livre inutilement. 

Akim Gagnon, écrivain

Akim Gagnon rêva tout d’abord d’être cinéaste. Il réalisa quelques court-métrages, mais il est surtout connu pour avoir réalisé les vidéoclips d’artistes connus comme Philippe Brach ou Klô Pelgag. Ce n’est pas nécessairement une grande vedette du petit ou du grand écran.

Cependant, son premier recueil de poésie Jouer au pool d’une main et écrire de l’autre (publié à compte d’auteur, mais épuisé, 2021) fut en vif succès. En fait, celui-ci fut épuisé en quelques heures à peine. Je ne peux pas vous parler de la poésie de Gagnon, ne pouvant évidemment pas mettre la main dessus, mais j’espère qu’elle contient un peu plus de poésie, justement, que son premier roman.

Crédits : soundcloud de l’artiste.

Blagues scatophiles et papier cul

Le cigare au bord des lèvres, le titre du roman de Gagnon, donne très bien le ton à son œuvre. Pour ceux et celles qui ne le saurait pas, cette expression témoigne d’une envie urgente de déféquer. Ces envies d’expulsion formeront donc les trois quarts des frasques du roman, ainsi que la quasi totalité de son humour.

Malheureusement pour le lectorat qui aurait un peu vieillit depuis les glorieuses blagues de pets, cet humour ne fait pas rire. Une fois, cela peut être comique, deux fois, cela passe, mais après huit anecdotes de chiasse, l’odeur dépeint sur les pages et l’appréciation de l’œuvre. En effet, il faut un peu plus que de l’autodérision pour savoir faire d’une blague de crotte une épopée de génie. Et Akim Gagnon ne le réussit malheureusement pas.

Crédits : Leslibraires.com

Le piège de l’autofiction

Dès le prologue de son roman, Gagnon nous mentionne qu’il ne souhaitait pas tomber dans le piège de l’écrivain qui se raconte en train d’écrire. C’est audacieux, car plusieurs le font, et ce, sans broncher. Mais suite à cette affirmation, non seulement il tombe dans le fossé de cette erreur, mais il s’y vautre et s’y complait grassement.

C’est qu’un roman traitant de sa propre génèse n’a rien de bien intéressant si les aventures qui y mènent ne le sont pas. Et l’on peut dire que celles de Gagnon manquent de piquant. Ce ne sont que de vulgaires brosses et déboires amoureux enchaînés et décousues, racontés comme s’ils devaient culminer en une épiphanie; alors qu’ils ne mènent qu’à une autoréflexion narcissique pour l’auteur.

Dans Le cigare au bord des lèvres, le protagoniste entame une psychothérapie. Et il affirme lui-même que l’écriture de ce roman constitue en quelque sorte une continuation de ce cheminement thérapeutique. Tout de même, selon moi, ses anecdotes auraient mieux fait de rester sur le divan du professionnel ou à l’intérieur d’un mouchoir aseptisé.

Un manque indubitable de style et d’envergue

Aseptisé, c’est justement le mot qui collerait le mieux au roman de Gagnon. Car il manque clairement d’envergure et de style. Tout au long de notre lecture, nous avons la désagréable impression de lire une mauvaise imitation des premières œuvres de Christian Mistral. Mais sans le rythme, le style et la patte distinctive.

Gagnon n’est pas le premier écrivain à se réclamer de l’alcoolisme. On en vient à se demander s’il faut impérativement avoir un problème avec l’alcool pour devenir écrivain, surtout en Amérique (Mistral, Bukowski, Kerouac etc.). Mais les histoires arrosées de Gagnon non rien des fantasmagories de Bukowski ou des rages haletantes de Mistral. Aussi, l’on dirait qu’à force de répéter qu’il est alcoolique, Gagnon ne nous le laisse pas sentir du tout. Kerouac n’avait pas besoin de l’écrire aux deux pages pour que nous comprenions que l’alcool avait une part prépondérante dans sa vie.

Pour finir, même s’il s’agit d’un point de détail, j’ai décroché sérieusement, et ce, dès les premières pages, en réalisant que le bouquin contenait des erreurs d’édition (des mots manquants surtout). Cela ne fait pas professionnel et diminue grandement l’impact du livre sur son lectorat. Mais ces erreur sont malheureusement à l’image du livre : vulgaire et bâclé.

Un point sur ma critique

J’avoue avoir été dur avec ce roman, que j’ai tout de même lu en entier sans trop rechigner. Je suis ainsi surtout, car il fut un achat coup de cœur. Cela semblait tout à fait être mon genre d’œuvre, le genre que j’aimerais écrire. Mais ses défauts ont vite gâché cet amour au du premier regard. Surtout, je souhaitais écrire une critique sans équivoque pour contrebalancer la tendance actuelle qu’ont les médias québécois à ne jamais critiquer en mal les sorties en librairies. Sérieusement, quelle est la dernière fois que vous avez lu un compte-rendu franchement négatif d’un livre dans La Presse? C’est à croire que nos critiques littéraire ont très peu lu et peine à distinguer le bon grain de l’ivraie.

 

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