Cette semaine, je retournerai à mes premiers amours en vous parlant à nouveau d’une bande-dessinée américaine (comicbook). Et cette œuvre est bien loin des titres de superhéros en collant ou des Astérix de notre jeunesse. Il s’agit de Preacher de Garth Ennis (scénario) et Steve Dillon (dessin).
Le comic indépendant pour adulte
Preacher constitue l’un des titres phares du label Vertigo. Cette maison d’édition publiant du creator owned (les personnages et l’univers des histoires sont en la possession des auteurs et non de la maison d’édition) a donné naissance a de nombreux titres légendaires : The Sandman, 100 Bullets, American Vampire etc. etc.
Cette œuvre fait donc partie de ces titres s’adressant à un public mature ayant fleuries au cours des années 90. Et pour être mature, l’on peut dire qu’il l’est (avec un brin de folie adolescente)! En effet, Garth Ennis est reconnu pour son humour graveleux, sexuel et violent (prenez pour exemple The Boys, magnifiquement adapté par Prime Video). Dans Preacher, tous les intérêts artistiques d’Ennis convergent. Il y traite du western, de la guerre et de l’Amérique. Il est d’ailleurs très intéressant d’avoir le point de vue de ce scénariste sur les États-Unis de la fin du vingtième siècle, car lui-même est d’origine écossaise. En conclusion, cœur sensible, s’abstenir.
Un récit théologique
Ce comic suit l’histoire de Jesse Custer, révérend du Texas qui verra la police (et différentes sociétés secrètes obscures et viles) à ses trousses après une mystérieuse explosion, dont il est le seul survivant. Par la suite, des compagnons de route le suivront dans ses aventures lors d’un long roadtrip à l’américaine (son amoureuse, fanatique des armes à feu et femme-armée à elle seule et un vieux vampire irlandais).
Mais Jesse Custer n’est pas qu’un révérend ordinaire. En effet, une entité surnaturelle, nommée Genesis, s’est emparée de son corps lors de l’explosion de sa petite église. Ainsi, même s’il est déjà plus qu’apte au combat et extrêmement charismatique, il possède désormais le Word of God, lui permettant de faire obéir quiconque au simple son de sa voix. Et il compte bien utiliser ce pouvoir pour traquer nul autre que Dieu lui-même! En effet, le Saint Père aurait quitté le Paradis, laissant ses enfants s’entretuer. Et Jesse Custer, en bon cow-boy, veut lui faire répondre de ses actes.
Un humour acide
Répétons le encore un fois, juste pour être certain, Preacher n’est vraiment pas une œuvre pour tout le monde. En plus de la violence extrême et de ses passages érotiques (tout de même bénin comparés à la culture américaine d’aujourd’hui), la bande-dessinée nous donne droit à bon nombre de blagues scatophiles, nazis et perverses. Un humour de surenchère pourrait-on dire.
Le problème, c’est que ce genre d’humour choque plus qu’il ne fait rire. Et je doute qu’il ne fasse mouche en 2022, alors que nous avons eu droit à des blagues encore plus scandaleuses. Bref, ce qui est plaisant dans cette œuvre, c’est plutôt l’ambiance générale de déconnade que les blagues elles-mêmes.
Une histoire qui a des longueurs
L’un des points faibles de cette série est ses longueurs. En effet, tout du long, l’on veut savoir è quoi aboutira ce récit, quelles en seront les conclusions, quand Dieu sera-t-il puni ou non? Mais de nombreux arc narratifs secondaires nous empêchent de nous accrocher au récit principal. Non que ces arc narratifs soient inintéressants en soi, mais il font perdurer artificiellement une série de plus de 50 numéros qui aurait pu tenir en un seul volume sinon.
Un regard sur l’Amérique
Également, un aspect de Preacher qui pourra en faire grincer des dents plusieurs : la vision de l’Amérique livrée par Garth Ennis. Cet auteur, américain d’adoption, glorifie réellement la mythique culture américaine du sud : bayou, white trash et autres cow-boys modernes. D’autant plus qu’il vénère ce pays textuellement. À moins d’être américain, et donc autocentré (excusez-moi), on en a soupé des É.U.A. bonbon.
Par exemple, Jesse Custer, le protagoniste, n’hésite jamais à régler ses différents avec violence. Il tue même de sang-froid pour, bien souvent, des raison extrêmement bégnines. Je veux bien croire qu’il s’agit d’un anti-héros, mais il demeure tout de même présenté tout au long de l’oeuvre comme un personnage à la moralité impeccable…
Un style graphique correct
Finalement, il faut avouer que Steve Dillon ne brille pas de par son pinceau; il exerce un style correct, tout au plus. Le character design demeure impeccable, mais les scènes d’action, pourtant nombreuses, peinent à décoller.
Également, les scènes d’intimité et d’érotisme, toujours omniprésente, peinent à retranscrire la moindre beauté ou chaleur. Et c’est fort dommage pour une œuvre qui peut se vanter d’être l’une des première de la bande-dessinée américaine avec des personnages véritablement sexués.
En conclusion, Preacher n’est pas pour tout le monde. Je le conseille surtout au fan de western et de bande-dessiné à l’humour trash. Également aux afficionados de comicbook qui souhaiterait se familiariser avec cette œuvre majeure du tournant des années 90.