La p’tite vite: Se mettre à nu

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Éliane Beaudry. Photo: David Ferron
Éliane Beaudry. Photo: David Ferron

Il est relativement acceptable, à notre époque contemporaine et assumée, de se dévoiler. Il y a bien sûr une forme de dévoilement psychologique et émotif, mais également un dévoilement plus physique. À l’autre extrême d’une simple épaule dénudée se retrouve un véritable trouble, soit l’exhibitionnisme. 

Montrer son corps en société 

Plusieurs exemples d’exhibitions sont présents dans notre société: «Cliniquement, il faut d’abord préciser que tout acte d’exhibition sexuelle ne révèle pas obligatoirement d’un trouble exhibitionniste, et inversement, que tout exhibitionnisme ne comprend pas forcément des actes d’exhibition sexuelle» (Hanafy, Clervoy & Brenot, 2016). L’exhibition peut prendre différentes formes et n’est pas uniquement sexuelle.

Si on s’attarde à certaines formes d’exhibitionnismes non sexuels, il y a les spectacles de danses nues, des manifestations, l’art ou la peinture de la nudité. Les artistes s’inspirent de la beauté du corps humain et de la nudité, dans son aspect de glorification du corps. Les manifestations féministes, où les femmes se promènent seins nus, ont pour but de dénoncer des inégalités sociales. Les différences entre les sexes sont aussi à considérer, un homme torse nu en public étant considéré comme plus acceptable qu’une femme dans la même situation.

Bien que le but de ces exhibitions du corps ne soit pas sexuel, il existe tout de même un grand débat judiciaire pour savoir si ces comportements sont acceptables ou non en société. Le naturisme ou encore la pornographie sont d’autres exemples qui entrent dans une catégorie un peu floue en regard des lois canadiennes.

Au niveau légal

Le Code criminel canadien propose deux articles principaux qui sanctionnent l’exhibitionnisme et la nudité. Ces sanctions comprennent une possibilité d’amende et d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans, dans le cas où des mineur.e.s sont impliqué.e.s. Le premier article stipule que «Toute personne qui, en quelque lieu que ce soit, à des fins d’ordre sexuel, exhibe ses organes génitaux devant une personne âgée de moins de seize ans est coupable…» Le second article mentionne qu’«Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, sans excuse légitime, selon le cas: a) est nu dans un endroit public; b) est nu et exposé à la vue du public sur une propriété privée, que la propriété soit la sienne ou non.» (Code criminel du Canada, ministère de la Justice, 2017) Ces lois sont faites pour protéger les victimes de l’exhibitionnisme, car il s’agit d’une forme d’agression.

Avec les réseaux sociaux, il faut faire preuve de prudence. Partager ou montrer à d’autres individus une photo intime d’une autre personne est illégal.

Avec les réseaux sociaux, il faut faire preuve de prudence. Partager ou montrer à d’autres individus une photo intime d’une autre personne est illégal. À l’ère de Facebook, Snapchat, Instagram et de l’utilisation des screenshots, il est plus que souhaitable d’être au courant des lois qui encadrent ce type de comportement.

Les exhibitionnistes seraient-ils désinhibés?

L’inhibition, selon l’Encyclopédie Universalis, se définit comme «une forme de contrôle qui nous permet de résister aux habitudes ou automatismes, aux tentations, distractions ou interférences» (Houdé, 2018). Bien qu’on puisse croire que les exhibitionnistes sont à l’opposé de cette définition et qu’ils manquent de contrôle, ce n’est pas tout à fait le cas. Certaines hypothèses stipulent qu’au contraire, l’exhibition serait associée à une grande inhibition: «Dans la plupart des cas, l’exhibition est paradoxalement une problématique d’inhibition, inhibition vis-à-vis des femmes, par rapport à la séduction; inhibition de la relation interpersonnelle d’une manière générale » (Hanafy, Clervoy & Brenot, 2016)

Selon ce raisonnement, s’exhiber de manière sexuelle devient une forme d’intimité relationnelle pour la personne. Elle réussit à entrer en contact avec les autres et à contrer une forme d’anxiété sociale. Bien sûr, il s’agit d’une théorie parmi d’autres. Divers facteurs environnementaux, traits de personnalité et comorbidité sont à prendre en compte pour bien saisir le trouble exhibitionniste.

Certaines hypothèses stipulent qu’au contraire, l’exhibition serait associée à une grande inhibition.

Trouble exhibitionniste

Le trouble exhibitionniste est «une des huit paraphilies majeures, dont le diagnostic nécessite l’observation d’une souffrance cliniquement observable, une tendance durable sur plus de six mois et l’implication non consentante de victimes» (Hanafy, Clervoy & Brenot, 2016). Il s’agirait de la deuxième paraphilie la plus commune, la première étant le voyeurisme. La prévalence de ce trouble serait plus élevée chez les hommes que chez les femmes, dont le nombre de constats médicaux serait faible (Manuel Merck).

Selon une étude réalisée par Christian Joyal, posdoctorant en psychiatrie légale et professeur, l’exhibitionnisme en couple, qui consiste à avoir des relations sexuelles avec son/sa partenaire devant d’autres personnes, serait plus fréquent. Au Québec, environ 30,6% des individus ayant répondu au sondage affirment désirer réaliser ce comportement avec une partenaire consentante et 30,1% l’ont déjà fait dans leur vie (Joyal & Carpentier, 2017). L’aspect de nouveauté et de prise de risque dans la sexualité pourrait expliquer l’engouement pour ce type d’activité. De plus, la simple idée de se faire «prendre» en train d’avoir des relations sexuelles est excitante pour certains individus. On peut penser aux fantasmes qui incluent des lieux publics, tel que des toilettes publiques, cabines d’essayage, plage etc.

De plus, la simple idée de se faire «prendre» en train d’avoir des relations sexuelles est excitante pour certains individus.

Nuances d’exhibition 

L’exhibitionnisme se présente sur un continuum très large, se terminant par le trouble exhibitionniste. La société actuelle, avec l’accessibilité informatique, les réseaux sociaux, et la désinhibition semble rendre plus acceptable la nudité en générale. Une frontière est par contre établie entre la nudité et l’exhibitionnisme qui inclut des victimes non consentantes. Une plus grande sanction morale et judiciaire est attribuée lorsqu’une victime mineure est impliquée.

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