La recherche à l’UQTR: Témoigner du quotidien: les rapports antinomiques de l’écriture chez Annie Ernaux

0
Publicité
Laurence étudie, entre autres, les journaux extimes d’Annie Ernaux. Photo: Courtoisie
Laurence étudie, entre autres, les journaux extimes d’Annie Ernaux. Photo: Courtoisie

Après avoir effectué un baccalauréat en études françaises (langue et études littéraires) à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Laurence Gélinas a décidé de poursuivre à la maîtrise en lettres. Depuis 2012, c’est sous la direction de Mathilde Barraband, professeure au Département de lettres et communication sociale, que l’étudiante s’intéresse tout particulièrement à l’auteure française Annie Ernaux. Décryptage.

Auteure contemporaine française de référence, mais peu connue au Québec, les écrits d’Annie Ernaux constituent le noyau central de la réflexion de Laurence Gélinas. «Je travaille à montrer qu’une partie de son œuvre est un témoignage, qui plus est, un témoignage sur le quotidien. De quelle manière cela se présente dans une écriture travaillée versus une écriture prise dans le moment. Prouver qu’on peut témoigner du quotidien, ça aussi, c’est mon cheval de bataille», explique-t-elle.

Témoigner du quotidien, c’est possible

«Il y a eu de nombreux colloques à son sujet, énormément de travaux et de thèses également. Il y avait donc déjà beaucoup de matière à explorer, mais je me suis orientée vers le témoignage. C’est une notion difficile, car très paradoxale, notamment par rapport aux concepts de fiction/réalité, authenticité/artificialité, parce qu’on cherche la vérité, mais dès qu’on raconte un évènement, on produit un récit, on construit quelque chose. Ainsi, il y a plusieurs antinomies de ce type avec lesquelles on joue, et comme Annie Ernaux cherche la vérité, c’était une belle occasion de l’étudier», indique-t-elle.

«C’est une auteure intéressante, car dans sa recherche de vérité, elle a rompu avec la fiction. Le roman ne rendait pas compte de ce qu’elle voulait dire.»

Cependant, Laurence ajoute que «parler uniquement du témoignage aurait été trop facile, voilà pourquoi je m’intéresse au témoignage sur le quotidien. C’est un thème qui a été peu exploré».

L’évènementialité du quotidien

La réflexion de Laurence la mène également à s’interroger sur le concept d’évènementialité, soit «comment on appréhende la réalité, comment on la rend». À l’instar du témoignage, «le quotidien, si on le regarde d’assez près, nous permet de faire ressortir des évènements», précise-t-elle.

«Prouver qu’on peut témoigner du quotidien, ça aussi, c’est mon cheval de bataille.»

Laurence étudie, entre autres, les journaux extimes d’Annie Ernaux, dans cette idée de captation du quotidien. «Par exemple, lorsqu’elle prend le RER (train de banlieue en France), elle va noter ce qu’elle voit, ce qui permet ainsi d’étudier la relation entre le Je et Autrui, un peu comme dans le témoignage. Ce sont donc des journaux vraiment tournés vers l’extérieur, des observations datées, qui me permettent de voir comment – si cette auteure témoigne bien du quotidien -, cela se passe quand il s’agit d’une écriture prise dans le moment».

Écriture travaillée versus écriture prise sur le moment

«Les Années est un récit dans lequel l’auteure retrace plus d’un demi-siècle. On est vraiment dans une écriture travaillée, mais qui, là encore, peut s’intéresser à des choses quotidiennes. Dans les journaux, on va voir cette évènementialité du quotidien, alors que dans Les Années, le récit se fait à l’imparfait et, comme on retrace une longue période mêlant de nombreux évènements, c’est comme s’ils se confondaient tous, un peu effacés», souligne Laurence.

Ainsi, l’étudiante observe les différences entre une écriture travaillée et une écriture prise sur le moment. «Dans les journaux extérieurs, elle va se nommer, c’est le Je, la scriptrice. Elle va avoir tendance à remarquer des choses qui la rejoignent. Dans l’écriture travaillée, elle part d’un elle, mais qui va rejoindre le Je, qui va rejoindre son lecteur», détaille-t-elle.

Pourquoi Annie Ernaux ?

«Elle a un côté très fort sur la transgression. Dans un de ses ouvrages, par exemple, elle relate l’avortement clandestin qu’elle a subi. Il y a donc un côté vraiment dérangeant où elle va choquer les bonnes gens. J’aime aussi Annie Ernaux parce qu’elle mêle les sciences sociales telles que la sociologie, l’ethnologie, etc. dans son écriture. C’est une auteure intéressante, car dans sa recherche de vérité, elle a rompu avec la fiction. Le roman ne rendait pas compte de ce qu’elle voulait dire», conclut la jeune femme.

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici