La vie affective et sexuelle des étudiantEs a-t-elle changé en temps de Covid-19? La réclusion obligatoire a-t-elle affecté nos joies et nos plaisirs? Notre modeste enquête nous amène à croire que oui… mais non. En effet, les organismes de prévention et d’aide aux victimes ne manquent pas de travail. De plus, la communauté étudiante semble souvent vivre les mêmes bonheurs et les mêmes malheurs qu’autrefois. Les organismes d’aide en la matière, eux, sont toujours aussi actifs.
La santé affective et sexuelle, c’est quoi?
Observons une définition fournie par l’OMS, en ce qui concerne la santé sexuelle. Il s’agit d’un état de santé physique, mentale, émotionnelle et de bien-être en matière sexuelle. Cette définition est claire et englobante. Mais si comme moi, vous ne vous sentez pas plus avancéEs, regardons ce qu’en pense les étudiantEs.
«Je pense que c’est relatif à chaque individu, mais dans mon cas, c’est de se sentir supportéE, aiméE, désiréE. Le bien-être dépend de ces aspects et forcément la vie sexuelle s’en trouvera bonifiée», témoigne unE étudiantE au deuxième cycle en études littéraires à l’UQAM.
Ainsi, les membres du corps étudiant savent très bien, il me semble, que la santé affective et sexuelle est multiforme. Iels parlent au «je». Difficile de faire autrement pour un tel sujet. Cela montre un point essentiel. La santé affective et sexuelle – tout comme sa pratique – est multiple et hétérogène. Il s’agit là d’un point fondamental en termes d’éducation, de prévention et de compréhension respectueuse.
Et les étudiantEs?
La situation pandémique actuelle affecte toute la communauté étudiante. Cependant, beaucoup vivent des joies ou des drames qui peuvent être vécus en tout temps. Certains couples se brisent, ne pouvant supporter la distance et l’isolement, d’autres se renforcent à travers cette épreuve. Certains individus se jettent sur les applications de rencontre, mais les rencontres à proprement parler sont plus ardues. D’autres n’entrevoient même pas les freins à une pratique sexuelle active. Certaines personnes se satisfont, sans amertume, de la masturbation.
Ce qu’il faut en retenir, c’est que même en temps extraordinaires, la sexualité demeure hétérogène et active. Ce qu’il faut travailler demeure, tout comme ce dont il faut se réjouir.
Les organismes d’aide en place pour l’UQTR
Nous en avons appris davantage sur les organismes d’aide aux victimes d’abus sexuels grâce à une entrevue avec la très professionnelle et sympathique Marie-Soleil Desrosiers. Celle-ci oeuvre à la fois au VACS (Violence à Caractère Sexuel), situé à l’UQTR, ainsi qu’au CALACS (Centres d’Aide et de Lutte contres les Agressions à Caractère Sexuel), présent à Trois-Rivières.
Rappelons qu’une femme sur trois sera victime de VACS au cours de sa vie. Un homme sur six le sera également, surtout lors de l’enfance de la victime. (Source: Marie-Soleil Desrosiers, intervenante au VACS de l’UQTR et au CALACS de Trois-Rivières)
Le VACS est un service directement adressé à la communauté uqutérienne. Il offre ses services autant aux femmes qu’aux hommes. Et il est certain qu’un individu ne se réclamant pas de ces catégories binaires obtiendra un service adéquat. Par contre, le VACS n’offre pas de suivi sur le long terme. Les intervenantEs rencontrent les étudiantEs pour quelques séances, avant de les rediriger vers d’autres organismes pour un suivi sur le long terme.
Le CALACS, quant à lui, est un organisme communautaire qui vient en aide aux femmes et aux adolescentes. Il offre un suivi psychologique et un service d’accompagnement aux victimes de violence sexuelle.
Un Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel est situé à Trois-Rivières. Le site internet se trouve ici.
Des organismes toujours occupés
Selon Desrosiers, les organismes spécialisés en santé affective et sexuelle son toujours aussi occupés, malgré la pandémie. En effet, la situation de «quarantaine» actuelle crée de nouvelles problématiques. «Les personnes en couple sont aux prises avec leur partenairE. Et il est moins facile de sortir pour se changer les idées.» La santé mentale des individus est fragilisée. De plus, il est plus ardu de s’identifier à une communauté – un aspect important, selon elle, de la santé mentale de toutEs et chacunEs. Desrosiers est consciente de n’avoir aucune étude récente pour appuyer ses dires, mais nous pouvons croire les intervenantEs de première ligne sur parole.
La «situation Covid-19» change également la nature des interventions. Par exemple, au CALACS, la rencontre avec les femmes se faisait souvent dans des lieux publics, pour favoriser le confort des personnes aidées. Désormais, ces rencontres doivent se faire dans des maisons privées. Cette nouveauté, et la difficulté que la population a déjà à sortir de chez elle, pourrait créer une baisse d’achalandage. C’est déjà le cas pour certains organismes.
Cependant, Desrosiers affirme que les femmes sont toujours présentes au CALACS. On y intervient beaucoup auprès de «femmes qui s’ennuient». La Covid-19 apporte également son lot de nouvelles pratiques, notamment les pratiques sexuelles via les plateformes numériques. Ces pratiques – qui ne sont tout de même pas nées au début de l’année 2020 – sont moins sécuritaires et créent chez leur pratiquantEs une vulnérabilité toute nouvelle. Leur importance est de plus en plus prise en compte, nous dit l’intervenante.
On constate d’ailleurs une grande précarité dans le milieu du travail du sexe, où l’on fait état de plus de violence envers les travailleurs et travailleuses du sexe, qui peinent à subvenir à leurs besoins.
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L’intervenantE derrière l’organisme
Afin de voir l’individu derrière la fonction, nous avons posé quelques questions d’ordre personnel à Desrosiers. Selon l’intervenante, il n’est pas toujours facile de faire ce métier. En effet, «contrairement au policier ou à l’ambulancier, il est impossible d’enlever son uniforme en revenant à la maison». Elle ajoute: «CertainEs de mes collègues doivent absolument prendre une douche en rentrant ou méditer. Avoir une vie équilibrée est important.»
De plus, elle affirme que «lorsque l’on est intervenante, on l’est toujours. On intervient dans notre famille, dans les bars. Quand on est féministe, on l’est aussi en dehors du travail».
Desrosiers dit tout de même être optimiste, mais avec de grandes réserves. Selon elle, Les affaires Éric Salvail et Gilbert Rozon (tous deux acquittés) démontrent plusieurs choses. Déjà, la société a deux vitesses. Il y a le social et le judiciaire. De plus, on est toujours en quête de la «victime parfaite», une victime qui s’exprime bien, qui a travaillé sur soi et qui est capable d’amener son agresseurE en cour. Pas besoin de spécifier que de telLEs victimes sont rares.