La zone grise: Euphoria et la glamorisation de l’autodestruction

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métavers, zone grise, bock-côtéPeut-être que je vis dans une chambre d’écho, mais il me semble que l’Internet est obsédé par la série Euphoria. Produite par Drake, la série peut être visionnée en français sur Crave ou en version originale sur HBO. 

Mettant en vedette l’actrice Zendaya, la série raconte le quotidien de Rue, une adolescente polytoxicomane, et de ses amiEs. Malgré son esthétisme irréprochable et son traitement d’importants enjeux de société, Euphoria, par sa popularité, montre la façon dont la culture populaire romantise le désespoir et la souffrance des adolescentEs.

Sexe, drogue et violence

Bien que la série soit destinée à un public mature, c’est-à-dire âgé de 18 ans ou plus, il reste que tout est mis en place pour que les adolescentEs soient tentéeEs de la visionner: une trame musicale qui réussit à créer des atmosphères mémorables, de jeunes acteurs et actrices auxquelLEs il est possible de s’identifier en raison de leur diversité, des amitiés qui évoluent autour de la culture du party et des scènes de sexe très explicites. La dernière fois que j’avais vu autant d’organes génitaux dans une série télévisée, c’était dans Games of Thrones – et encore là, je pense qu’Euphoria en dévoile plus.

Les images présentées dans Euphoria normalisent une certaine forme de déchéance humaine. Même si la série montre les côtés sombres de la dépendance aux drogues, il reste que cela est fait de façon très fashionable. Oui, la série illustre les façons dont la drogue peut ruiner non seulement la vie de quelqu’un, mais aussi celle de ses proches. Or, même dans les moments les plus dramatiques d’Euphoria, les expériences négatives vécues par les personnages restent séduisantes.

on essaie de picturaliser le trauma des adolescentEs sans réellement tenter de l’intérioriser.

Quand on voit Rue sniffer de l’Adderall pour éviter de faire une overdose, notre premier réflexe n’est pas nécessairement de saisir la gravité de ce qui se passe, mais plutôt d’être contentE qu’elle ait réussi (encore une fois) à passer au travers d’une autre journée sans mourir. Ou encore, quand Rue est forcée de se dévêtir lors d’un deal de drogue pour prouver qu’elle ne fait pas partie de la police, entourée de voyous armés, le public, voyeur presque pervers, anticipe plus la nudité à venir que l’aboutissement de cette scène.

Une représentation réaliste, vraiment?

Reconnue pour ses scènes crues, la série a été acclamée par de nombreux médias pour sa représentation supposément adéquate des jeunes d’aujourd’hui. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette critique. Les personnages de la série, interprétés par de jeunes adultes dotés d’un joli visage et d’une garde-robe débauchée, ont la chance de vivre toutes sortes d’horreur tout en continuant à être plaisants à regarder. Les expériences traumatisantes vécues par les personnages, qui sont soi-disant représentatifs de la jeunesse contemporaine, ne viennent jamais affecter leur apparence envieuse. Même si cela n’est qu’un détail, ce dernier n’est pas anodin pour le public qui évolue dans un monde axé sur les apparences. C’est un peu comme si on avançait que la souffrance doit être vécue dans le secret, que le contenant l’emporte sur le contenu. En somme, on essaie de picturaliser le trauma des adolescentEs sans réellement tenter de l’intérioriser.

Humaniser les visages de l’ombre

Cette décision de la production de montrer tout, presque sans censure, aurait pu être une opportunité de montrer de façon réaliste la laideur de la souffrance des adolescentEs. Au lieu de cela, le visionnement d’Euphoria réussit presque à convaincre les spectateurs et spectatrices de consommer de la drogue et d’avoir des fréquentations peu recommandables. En scrollant sur l’application Tik Tok, j’ai aperçu de nombreux commentaires provenant d’ancienNEs consommateurs et consommatrices qui disaient qu’il valait mieux ne pas écouter la série, car celle-ci les tirait vers le bas. Il est en de même pour plusieurs jeunes filles qui, en toute connaissance de cause, avouaient fantasmer sur le personnage de Nate, personnage qui a abusé physiquement et émotionnellement sa copine.

l’histoire racontée dans Euphoria arrive à humaniser les personnes les plus vulnérables de la société.

Enfin, il reste que l’histoire racontée dans Euphoria, qui est inspirée de la vie du scénariste de la série Sam Levinson, arrive à humaniser les personnes les plus vulnérables de la société. Qu’il s’agisse d’individus queer, accros à la drogue et/ou issus de la pauvreté, la série parvient à faire ressortir l’être humain qui se cache derrière la souffrance.

À écouter ou à boycotter?

Malgré ce long commentaire critique, Euphoria demeure l’une de mes séries préférées du moment. C’est artistiquement agréable à visionner, c’est mouvementé et c’est plutôt audacieux. Je pense néanmoins que considérant que de nombreuses jeunes personnes regarderont la série, il faudrait s’assurer qu’elles soient bien encadrées afin de ne pas intérioriser certaines tendances négatives qui sont présentées dans la série. Plutôt que de boycotter Euphoria, je crois qu’il faut l’utiliser pour ouvrir un vrai dialogue sociétal sur les parts d’ombre qui sont propres à l’adolescence.

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