Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en qu’ils disaient. Je ne crois pas me tromper en affirmant qu’Uber le dit également depuis quelques semaines. Le scandale de sa venue à Montréal ne l’aura pas empêché de faire ses frais, lui donnant par la bande des dizaines de nouveaux clients qui n’avaient jamais entendu parler du service.
Uber, qui es-tu?
Plutôt simple, Uber est une application mobile permettant aux membres de recevoir un service de taxi à un prix moindre de celui déjà disponible à travers le Québec. Pourquoi, me demanderez-vous, sa venue a-t-elle donc généré un si important scandale que les chauffeurs de taxi traditionnels sont venus faire le pied de grue, bien au frais à bord de leur voiture, devant l’Assemblée nationale?
Conduire un taxi (et en gagner sa vie) est plus compliqué qu’il n’y parait. En effet, non seulement les conducteurs doivent-ils débourser tous les frais auxquels nous pensons d’emblée (essence, immatriculation, assurances), mais ils doivent aussi préalablement acquérir un permis d’opération de taxi valant aujourd’hui autour de 200 000$.
Ironiquement, Uber a profité de la place laissée vacante par les chauffeurs de taxi occupés à revendiquer pour proposer des services gratuits aux nouveaux clients et une rémunération augmentée aux chauffeurs. De quoi faire d’autant plus rager les chauffeurs de taxi déjà mécontents.
Uber, que te reproche-t-on?
Bien entendu, les autorités se sont d’abord écriées contre le manque de sécurité du transport. Les conducteurs de taxi, affirment-elles, doivent suivre diverses formations en plus de devoir fournir une attestation de casier judiciaire vierge. Au fil des années, ils doivent également assurer la sécurité de leur passager en vérifiant régulièrement la mécanique de leur véhicule.
Pourtant, pour avoir moi-même créé un compte conducteur chez Uber, je peux vous affirmer que le service est ni plus ni moins sécuritaire. D’abord, les antécédents de conduite de quiconque désirant devenir chauffeur sont systématiquement vérifiés auprès de la SAAQ. Ensuite, puisque les clients ont la possibilité de noter leur chauffeur, ceux-ci sont d’autant plus serviables et à l’affut du moindre besoin des clients. Il n’est donc pas rare de voir un chauffeur Uber proposer des bouteilles d’eau, le journal, voire des oranges à ses clients.
D’ailleurs, la sécurité des conducteurs Uber est elle aussi augmentée. En effet, puisque les transactions monétaires se font nécessairement par carte de crédit, les conducteurs n’ont pas d’argent dans la voiture, ce qui diminue considérablement les risques de vols. De plus, les conducteurs doivent eux aussi donner une note à leurs clients. La note moyenne attribuée à chaque client est par la suite visible aux autres chauffeurs qui peuvent ensuite décider d’accepter ou de refuser un transport.
L’unique critique qui tient la route demeure donc l’injustice vis-à-vis des chauffeurs de taxi. Toutefois, est-ce pour autant que nous devons automatiquement empêcher les nouvelles technologies et les nouveaux services de s’implanter? N’était-il pas justement temps de révolutionner le système actuel du taxi? Après tout, les chauffeurs de taxi eux-mêmes affirmaient avoir de plus en plus de difficulté à faire leur frais, et ce, bien avant la venue d’Uber au Québec.
Les changements entrainent nécessairement des gens mécontents.
Devant l’impasse
Uber demeure, à ce jour, un service illégal. En effet, le conducteur étant reconnu comme tel risque de voir son véhicule être saisi, voire son permis révoqué. Il n’est donc pas rare de voir un conducteur de taxi lui-même demander les services d’Uber pour ensuite faire appel aux autorités et, à faible échelle, sauver son travail.
On peut facilement comprendre la frustration des chauffeurs de taxi qui font face à une concurrence déloyale alors que les chauffeurs Uber n’ont absolument pas les mêmes frais à débourser. D’un autre côté, une solution est difficilement envisageable. Tout le monde s’accorde pour dire que les conducteurs des deux services doivent absolument suivre la même règlementation.
Le problème principal vient de la très simple loi de l’offre et la demande. Je connais un retraité qui avait acheté un permis de taxi dans les années 60 pour 10 000$ et qui l’a revendu récemment pour environ 200 000$. Si on augmente le nombre de permis, sa valeur diminuera nécessairement. Que dira l’individu qui a acheté un permis à 200 000$ en 2015 et qui verra son investissement fondre de la moitié de sa valeur en 2016?
Les changements entrainent nécessairement des gens mécontents. Il faudrait toutefois prendre en compte que mener d’honnêtes travailleurs à la faillite n’est pas la meilleure des solutions.
Pour la première fois en dix chroniques, je n’ai tout simplement aucune solution idéale. J’ai cette dérangeante impression qu’au final, le client aura le dernier mot et le service d’Uber rejoindra une clientèle de plus en plus large jusqu’à complètement destituer le système de taxi traditionnel. En attendant, j’ose croire que nous pouvons encore changer les choses, mais j’ignore de quelles façons. Étudiants, j’attends vos suggestions.