Les attentats de Paris ont déjà été couverts et par bien mieux informés que moi. Au moment où j’écris ces lignes, toutefois, on compte encore à peine le nombre de victimes du Bataclan. Ce faisant, je me verrais bien mal écrire une chronique d’actualité sans même mentionner l’atrocité des évènements. Sachant, toutefois, que je suis loin d’être une spécialiste en matière terroriste et que, de ce fait, je n’apporterais rien de plus au débat qu’un collage d’articles de presse déjà disponibles en ligne, j’ai plutôt décidé d’aborder le sujet sous un angle moins populaire: celui de la consommation de drogue avant la réalisation d’un crime.
Parlons de responsabilité
En matière pénale, deux conceptions de la responsabilité sont prises en compte pour déterminer la culpabilité d’un accusé. Le juge considère d’abord la responsabilité objective, qui est le crime à proprement parler. Dans le cas qui nous intéresse, la responsabilité objective des accusés est donc facilement déterminable par le fait qu’ils ont orchestré ou réalisé l’acte de terrorisme.
La seconde conception de la responsabilité, la responsabilité subjective, est toutefois moins facilement imputable. En effet, celle-ci est plutôt constituée de l’intention de l’accusé, c’est donc le caractère moral du crime qui est ici en jeu.
Un accusé qu’on sait coupable d’un crime peut être déchargé de toute responsabilité subjective pour différentes raisons. On entend fréquemment des avocats plaider la maladie mentale de leur client pour s’en sortir avec un simple verdict de non-responsabilité criminelle.
L’accusé est alors envoyé à Pinel pour quelques mois, quelques années tout au plus, avant d’être rapidement renvoyé en liberté.
Cela est dû à un concept fondamental du système de justice canadien: «Une personne doit avoir la capacité de comprendre que son comportement était fautif pour être reconnue coupable d’une infraction criminelle.» (Réf: Statistique Canada)
Toutefois, la loi canadienne est très claire en ce qui concerne l’usage volontaire de drogue. Selon le Code criminel, la personne accusée «est criminellement responsable si, alors qu’elle est dans un état d’intoxication volontaire qui la rend incapable de se maitriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite, elle porte atteinte ou menace de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui.» (URL: http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-46/page-13.html#h-8)
Sans trop m’y attarder, c’est exactement ce qui est en jeu dans le procès en appel de Guy Turcotte. Rappelons simplement qu’il avait été jugé non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux par la Cour supérieure du Québec après le meurtre de ses deux enfants. Selon la défense de l’accusé, il aurait bu du lave-glace dans le but de s’enlever la vie avant de finalement décider d’emmener ses enfants. Un expert en neuropharmacologie a expliqué à la Cour que le lave-glace contient du méthanol et que sa consommation peut donc entrainer des pertes de mémoire, voire de conscience.
Était-ce une erreur de la part de la Cour supérieure considérant que Turcotte s’était volontairement intoxiqué en buvant du lave-glace? Seul l’avenir nous le dira. Mentionnons seulement que la consommation de substances illicites avant de commettre un crime est une pratique qui se répand de plus en plus chez les criminels, et les terroristes n’échappent pas à cette tendance.
Si le captagon n’est pas la source même du terrorisme, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un facteur augmentant le nombre d’attentats.
Attentats terroristes et captagon
Le captagon est une drogue de la famille des amphétamines. Il stimule la sécrétion de dopamine et de noradrénaline, créant donc une sensation d’euphorie et un sentiment de puissance. Le captagon permet également de supprimer les effets de la faim et de la famine, rendant donc plus performant celui qui en consomme.
Cette drogue est le plus souvent consommée sous forme de comprimés, mais peut également être injectée par intraveineuse. L’hypothèse que les terroristes ayant commis l’attentat au Bataclan aient été sous l’influence de cette drogue a donc été mise de l’avant après que les autorités aient retrouvé des seringues dans la chambre d’hôtel réservée par Salah Abdeslam, soupçonné d’avoir orchestré les évènements.
D’ailleurs, certains témoins ont révélé à la presse que les terroristes agissaient de façon particulièrement mécanique lors des attentats de Paris. On sait aujourd’hui que sa consommation est de plus en plus répandue dans les rangs de l’État islamique, mais aussi chez certains réfugiés syriens qui recherchent un peu de réconfort au mauvais endroit.
Si le captagon n’est pas la source même du terrorisme, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un facteur augmentant le nombre d’attentats. Certains combattants n’ont ni le courage ni la folie de se livrer à des actes particulièrement violents, mais le captagon leur permet d’en trouver la force.
Selon l’Organisation mondiale des douanes, la quantité de pilules de captagon saisie dans les pays de la péninsule arabique a plus que doublé entre 2012 et 2013. Coïncidence? Il y a fort à parier que non. Régler le problème du trafic de drogue dans les pays du Moyen-Orient n’éradiquera certainement pas la violence, mais cela pourrait toutefois constituer un bon départ vers la paix.