
Chaque année, le gouvernement provincial présente son plan budgétaire au printemps. Plus qu’une simple une «affaire de comptables», c’est une feuille de route pour les mois à venir. On y trouve où va l’argent public, comment on prévoit le dépenser, et ce que le gouvernement veut prioriser. En bref, c’est là qu’on voit les choix — parfois difficiles — qui sont faits pour la gestion de la province.
Le budget 2025-2026, dévoilé le 25 mars dernier par le ministre des Finances Eric Girard, arrive dans un moment compliqué. Entre tensions commerciales avec les États-Unis, hausse des coûts, incertitudes économiques mondiales… ce n’est pas une mer calme. Le Québec, comme bien d’autres provinces, navigue à vue. Mais le ton est clair : on garde le cap et on continue d’investir pour renforcer notre économie et protéger les services essentiels.
Une économie qui ralentit, mais qui résiste

Selon les prévisions, l’économie québécoise devrait croître doucement : 1,1 % en 2025, puis 1,4 % en 2026. Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas un recul non plus. On sent que les hausses de tarifs douaniers aux États-Unis commencent à peser sur certains secteurs. Pourtant, il y a des signes positifs : les ménages québécois ont vu leur pouvoir d’achat s’améliorer plus rapidement qu’ailleurs au pays depuis 2018, et l’écart économique avec l’Ontario s’est réduit.
Autrement dit, l’économie tient bon, mais le gouvernement préfère avancer prudemment.
12,3 milliards de dollars de plus : où va cet argent?
Le gouvernement prévoit injecter 12,3 milliards de dollars de plus sur cinq ans. La moitié devrait être allouée au soutien direct de la population, et l’autre moitié à stimuler l’économie. En voici les grandes lignes :
1. Aider les entreprises et créer de la richesse (5,4 G$)
Pour les entreprises, surtout celles touchées par les nouveaux tarifs américains, il y aura des aides sous forme de prêts. Le gouvernement veut aussi encourager les projets d’investissement et de construction, et pousser les exportations vers d’autres marchés. Objectif : réduire la dépendance aux États-Unis.
Une bonne part de cet argent ira aussi vers l’innovation : un nouveau crédit d’impôt simplifié pour soutenir la recherche, le développement et la commercialisation. On veut que le Québec soit plus compétitif dans les secteurs d’avenir, comme les technologies, les sciences de la vie, ou encore l’intelligence artificielle.
2. Miser sur les régions (759 M$)
L’économie québécoise ne se limite pas à Montréal et Québec. Les régions aussi ont leur rôle à jouer. Le budget prévoit des investissements pour améliorer l’accès à Internet haute vitesse, soutenir le secteur forestier, développer le tourisme, et valoriser les ressources naturelles comme les minéraux critiques (ceux qu’on utilise dans les batteries, entre autres).
Le secteur bioalimentaire n’est pas oublié : un nouveau plan prévoit plus d’un milliard de dollars pour soutenir l’agriculture durable et renforcer l’autonomie alimentaire.
3. Soutenir les citoyens (6,8 G$)
- Santé et services sociaux (3,9 G$) : améliorer l’accès aux soins, former plus de médecins, renforcer les services sociaux, mieux soutenir les aînés, et miser sur la prévention (comme élargir la vaccination).
- Éducation et jeunesse (1,1 G$) : encourager la réussite scolaire, soutenir les jeunes, investir dans le sport et les loisirs, et convertir des places en garderies non subventionnées pour les rendre plus accessibles.
- Personnes vulnérables (550 M$) : hausse des rentes pour certains travailleurs blessés, aide au logement, et soutien pour ceux qui ont besoin d’un coup de main pour retourner sur le marché du travail.
- Culture (717 M$) : financement renforcé pour le Conseil des arts, soutien aux entreprises culturelles, et mesures pour renforcer l’identité québécoise.
- Collectivités (636 M$) : stratégie contre la criminalité, adaptation aux changements climatiques, et développement durable des territoires.

Moins de crédits d’impôt, plus d’efficacité
Une autre partie importante du budget : le régime fiscal. Le gouvernement prévoit économiser près de 3 milliards sur cinq ans en simplifiant le système et en éliminant certaines mesures inefficaces. Il veut recentrer les aides fiscales sur les secteurs vraiment porteurs, comme les technologies de pointe ou les ressources stratégiques. Il revoit aussi certaines taxes pour les rendre plus cohérentes.
C’est un virage assumé vers un régime fiscal plus simple, plus juste, et mieux adapté aux réalités d’aujourd’hui.
Et le déficit dans tout ça?
Avec toutes ces mesures, on pourrait croire que les finances publiques vont exploser. Le déficit prévu pour 2025-2026 est effectivement élevé : 11,4 milliards, ou 13,6 milliards si on inclut le versement au Fonds des générations. Cela représente environ 2,2 % du PIB.
Mais le gouvernement garde le cap : il vise un retour à l’équilibre en 2029-2030. Il se donne cinq ans pour y arriver, en maintenant des marges de manœuvre, dont une provision de 8,5 milliards en cas d’imprévus.
Quant à la dette, elle restera sous contrôle : 38,7 % du PIB en 2025, un niveau inférieur à celui d’avant la pandémie. Elle devrait légèrement augmenter avec les investissements, puis redescendre à 32,5 % d’ici 2037-2038.
En conclusion : un budget sérieux, sans coup d’éclat
Pas de grandes promesses électorales, pas de chocs budgétaires. Ce budget joue la carte de la prudence. Il prépare le Québec à faire face à des temps incertains, sans abandonner ses ambitions économiques ni ses engagements sociaux.
On investit dans ce qui compte : l’innovation, la santé, l’éducation, les régions, la culture. On corrige certains éléments du régime fiscal. Et on trace une trajectoire de retour à l’équilibre.
C’est un budget de stabilité. Il ne fait pas rêver, mais il évite le pire. Par les temps qui courent, c’est peut-être ce qu’il faut.