L’économie du pays : Droits de douane, un levier économique ou une arme politique ?

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Crédit : Camille Limoges

L’économie mondiale fonctionne sur un principe fondamental : l’échange de biens et de services entre nations. Or, ces échanges sont souvent régulés par des barrières tarifaires, appelées droits de douane. Ces taxes appliquées aux importations peuvent sembler abstraites pour le consommateur moyen, mais elles ont des implications bien concrètes sur les prix, l’emploi et les relations diplomatiques entre les pays. Récemment, la menace de Donald Trump d’imposer une taxe de 25 % sur les exportations canadiennes vers les États-Unis a ravivé le débat sur leur impact économique et stratégique.

Les droits de douane : définition et fonctionnement

Un droit de douane est une taxe imposée par un gouvernement sur les biens importés d’un autre pays. Cette taxe est généralement perçue par les douanes à l’entrée du pays et a plusieurs objectifs :

  • Protéger l’industrie nationale : En rendant les produits étrangers plus coûteux, on encourage les consommateurs à privilégier les biens fabriqués localement.
  • Générer des revenus pour l’État : Ces taxes constituent une source de financement pour le gouvernement.
  • Corriger des déséquilibres commerciaux : Lorsque la balance commerciale d’un pays est déficitaire (plus d’importations que d’exportations), l’imposition de droits de douane peut être utilisée comme une mesure de correction.

Ces droits varient selon les accords commerciaux entre nations. Par exemple, dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), les échanges entre ces trois pays sont largement exempts de tarifs douaniers, favorisant ainsi un commerce fluide et bénéfique pour les économies nord-américaines.

Illustration Jean-Marc Charron-Aubin. Crédits : La Presse

Le protectionnisme à l’américaine : un retour en force ?

Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, Donald Trump a adopté une posture résolument protectionniste, prônant le retour des industries américaines et la réduction du déficit commercial des États-Unis. C’est dans cette optique qu’il a menacé d’imposer un droit de douane de 25 % sur les exportations canadiennes, principalement dans le secteur automobile et manufacturier.

Ce type de mesure s’inscrit dans une politique économique interventionniste qui vise à dissuader les entreprises américaines de délocaliser leur production à l’étranger et à encourager la relocalisation des usines aux États-Unis. Cependant, cette approche a des conséquences souvent plus complexes qu’il n’y paraît.

Les conséquences d’une telle mesure pour le Canada

Une taxe de 25 % sur les exportations canadiennes aurait un impact significatif sur plusieurs secteurs :

  • Industrie automobile : Le Canada est un fournisseur clé de pièces automobiles pour les constructeurs américains. Un tarif aussi élevé pourrait réduire la compétitivité des véhicules assemblés aux États-Unis et fragiliser la chaîne d’approvisionnement nord-américaine.
  • Agriculture et agroalimentaire : De nombreux produits canadiens, comme le sirop d’érable, les produits laitiers et la viande, pourraient voir leur prix exploser sur le marché américain, diminuant leur attractivité pour les consommateurs.
  • Emploi et croissance économique : Une baisse des exportations entraînerait une diminution de la production et, par conséquent, une perte d’emplois dans les secteurs touchés.
  • Relations diplomatiques : De telles mesures risqueraient de tendre davantage les relations entre le Canada et les États-Unis, deux partenaires commerciaux historiquement liés.

Un effet boomerang pour l’économie américaine ?

Justin Trudeau et Donald Trump. Londres, Royaume-Uni. 3 décembre, 2019. Crédits: Adam Scotti (PMO)

Si l’objectif de Trump est de favoriser l’industrie américaine, une telle politique pourrait ironiquement se retourner contre les États-Unis. L’augmentation des droits de douane entraîne souvent des représailles de la part des pays visés. En réaction à cette menace, le Canada pourrait imposer des taxes similaires sur les produits américains, pénalisant ainsi les exportateurs américains et réduisant leur accès au marché canadien.

Par ailleurs, l’augmentation des coûts de production aux États-Unis (due au prix plus élevé des pièces importées du Canada) pourrait conduire à une hausse des prix pour les consommateurs américains. Ainsi, au lieu de rapatrier la production, certaines entreprises pourraient être tentées de se tourner vers d’autres marchés plus compétitifs, comme l’Europe ou l’Asie.

Le libre-échange mis à l’épreuve

Visuel de l’ACEUM. Crédit: Affaires mondiales Canada

L’ACEUM, mis en place en 2020, visait justement à éviter ce genre d’escalade tarifaire en maintenant un cadre de commerce fluide entre les trois pays. Si les États-Unis décident unilatéralement d’imposer ces tarifs, cela pourrait remettre en question l’accord et pousser le Canada à chercher de nouveaux partenaires commerciaux, diversifiant ainsi ses débouchés.

En réalité, le protectionnisme tarifaire repose souvent sur une logique politique autant qu’économique. Trump, en cherchant à séduire sa base électorale ouvrière, utilise les droits de douane comme un outil de campagne, leur donnant une dimension stratégique plus qu’économiquement viable.

Conclusion : une guerre commerciale en vue ?

Les droits de douane sont des instruments puissants, mais leur usage excessif peut provoquer des tensions commerciales contre-productives. La menace d’un tarif de 25 % sur les exportations canadiennes vers les États-Unis s’inscrit dans une vision protectionniste qui pourrait avoir des effets pervers sur les deux économies.

Pour le Canada, cette situation souligne l’importance de diversifier ses marchés d’exportation et de réduire sa dépendance aux États-Unis. De son côté, Washington devra mesurer les conséquences d’une telle décision, qui risque d’affaiblir ses propres industries plutôt que de les renforcer.

En fin de compte, les droits de douane restent une arme à double tranchant : utilisés avec précaution, ils peuvent protéger certains secteurs, mais une utilisation abusive peut engendrer des répercussions économiques et diplomatiques difficiles à gérer. L’avenir des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis dépendra de la capacité des dirigeants à éviter cette escalade et à privilégier la coopération plutôt que la confrontation.

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