
Depuis quelques mois, un peu partout au Canada, et particulièrement au Québec, les consommateurs sont mécontents, car ils voient leur pouvoir d’achat diminuer de jour en jour. En effet, presque tous les produits de consommation courante connaissent une hausse des prix. Que ce soient les produits d’épicerie, les vêtements, les médicaments, l’essence, les électroménagers, etc. Tous ces produits coûtent un peu plus chers aujourd’hui par rapport à l’année dernière.
Ce phénomène que les économistes appellent l’inflation est actuellement à des niveaux records dans le pays. Selon Statistique Canada, le niveau d’augmentation des prix entre 2020 et 2021 est de l’ordre de 3,4% au Québec et de 3,9% à l’échelle du Canada, soit la plus forte hausse depuis 1991 (1). On peut donc s’interroger sur le pourquoi de cette hausse record et à quoi devrait-on s’attendre dans les prochains mois? Dans cette chronique, nous présentons ce qu’est l’inflation, les causes du niveau record actuel et les perspectives qu’elle pourrait prendre pour les prochains mois.
Qu’est-ce que l’inflation?
La Banque du Canada (2) définit l’inflation comme « une hausse persistante du niveau moyen des prix au fil du temps ». Pour la calculer, la banque regarde l’Indice des prix à la consommation (IPC) et la vitesse à laquelle il augmente. Cet indice mesure la variation du coût d’un panier fixe de biens et de services. La composition de ce panier est basée sur les dépenses ciblées de la population canadienne. Ainsi, un panier de biens et de services qui coûterait 100 $ une année coûterait 102 $ l’année suivante si la variation de l’IPC était de 2 % pendant cette année-là.
En économie, il y a ce qu’on appelle l’équilibre macroéconomique, c’est-à-dire lorsque l’offre globale est égale à la demande globale. L’offre globale renvoi à tout ce qu’on produit et la demande globale renvoi à tout ce qu’on consomme. Le mode de fonctionnement de l’inflation est tel que les prix ont tendance à grimper lorsque la demande est plus grande que l’offre et à l’inverse, les prix ont tendance à baisser lorsque l’offre est supérieure à la demande. Quand les prix varient lentement au point où les gens ne sentent pas la nécessité de modifier la façon dont ils dépensent, épargnent ou investissent, il se produit ce que la Banque du Canada appelle la stabilité des prix. Ainsi, l’un des mandats de la Banque est de s’assurer que la variation des prix dans l’économie demeure faible d’une année à l’autre. Pour ce faire, elle tente généralement de maintenir le taux d’inflation dans une fourchette de 1 % à 3 % (3). Elle a conclu avec le gouvernement fédéral que c’était la meilleure façon pour elle de favoriser la prospérité économique et financière des Canadiens.
Les causes de l’inflation actuelle
La Banque du Canada suit de nombreux indicateurs économiques, comme le taux de chômage et les niveaux de stock des entreprises, afin de comprendre ce qui pourrait causer des changements dans les prix, maintenant et dans les mois à venir (4). Au regard du mode de fonctionnement de l’inflation, on considère généralement que celle-ci peut être causée par deux catégories de facteurs : ceux qui sont liés à la demande et ceux qui sont liés à l’offre.
Dans la situation actuelle au Canada, l’inflation causée par la demande résulte du fait que les entreprises n’arrivent pas à répondre à la demande de certains produits et services. C’est par exemple le cas du secteur de l’immobilier, où la faiblesse des taux hypothécaires encourage une demande qui dépasse le nombre de nouvelles constructions. La hausse du prix des maisons est aussi fortement liée au manque de logements locatifs et à la demande pour des logements plus grands, qui fait croître le prix des loyers.
Du côté de l’offre, plusieurs facteurs semblent être à l’origine de la situation actuelle. Il y a d’abord les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale (5), c’est-à-dire l’organisation transfrontalière des activités nécessaires pour produire des biens ou fournir des services, depuis l’utilisation d’intrants jusqu’à la commercialisation en passant par différentes phases de conception, de fabrication et de livraison. Ces perturbations sont essentiellement dues à la pandémie qui a paralysé plusieurs filières de production à l’échelle mondiale, créant notamment des pénuries de certains intrants et des retards dans le transport maritime ce qui a entraîné une hausse des coûts d’importation et une rareté pour certains produits.
Ensuite, il y a les prix du pétrole qui ont explosé après avoir connu des niveaux les plus bas historiques au début de la pandémie. Cette hausse a entraîné une augmentation des coûts que doivent assumer les entreprises et les ménages comme ceux liés au transport des marchandises ou l’essence à la pompe. Par ailleurs, il y a aussi les sécheresses généralisées qui affectent la production agricole dans le pays et par conséquent la rareté des produits alimentaires et donc une flambée des prix. Il y a finalement, selon certains économistes, la pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs qui commence à exercer une certaine pression à la hausse sur les salaires et donc sur les coûts de production, qui pourrait éventuellement se répercuter dans le prix des marchandises. Ce sont là les facteurs les plus identifiés, la liste n’est pas exhaustive et elle varie en fonction du type de bien ou service, car les effets de l’inflation varient d’un bien à l’autre, et d’une catégorie de consommateur à l’autre.
À quoi doit-on s’attendre dans les prochains mois
Lors d’une conférence de presse donnée en fin d’année 2021, Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, a déclaré que la banque centrale pourrait intervenir pour freiner l’inflation, car cela relève de ses attributions. Cette intervention consiste à agir pour réguler l’offre et la demande. Son principal outil est le taux directeur, aussi appelé le taux cible du financement à un jour. C’est le taux d’intérêt auquel elle souhaite que les grandes banques se prêtent de l’argent au jour le jour. Sauf qu’il faut habituellement entre 18 et 24 mois pour que les effets d’une modification du taux directeur se fassent sentir dans tous les secteurs de l’économie. C’est pourquoi la Banque fonde ses décisions sur l’inflation qu’elle anticipe dans deux ans plutôt que sur l’inflation actuelle. Par conséquent, les mesures prises par la Banque produiront leurs effets à partir du printemps 2023; on devrait donc s’attendre à ce que les prix continuent de grimper au moins jusqu’à la fin de l’année 2022. Cette tendance haussière sera tout de même ralentie du fait de la reprise de l’activité mondiale, notamment au niveau des chaînes d’approvisionnement. Toutefois, les tensions géostratégiques actuelles entre la Russie et l’Occident en rapport avec le dossier de l’Ukraine, semblent fragiliser cette reprise, car on constate une tendance haussière des prix du pétrole et du gaz. Quel peut donc être l’impact de la crise ukrainienne sur l’économie du pays? On en reparle bientôt.
(1) https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220119/dq220119b-fra.htm
(2) https://www.banqueducanada.ca/2020/08/inflation-expliquee/
(3) https://iris-recherche.qc.ca/blogue/economie-et-capitalisme/inflation-pourquoi-les-prix-ont-tant-grimpe-1/
(4) https://scfp.ca/inflation-au-canada-les-causes-et-les-solutions
(5) https://www.ilo.org/global/topics/dw4sd/themes/supply-chains/lang–fr/index.htm#:~:text=Dans%20le%20pr%C3%A9sent%20guide%2C%20le,conception%2C%20de%20fabrication%20et%20de