
L’économie mondiale connait actuellement de profonds bouleversements. En Europe, la crise de l’énergie s’installe et la dette des pays explose. Au même moment, l’inflation atteint des niveaux records en Amérique. L’Asie n’est pas en reste, puisque la croissance est au ralenti dans cette région. Quant à l’Afrique, le chômage atteint des sommets et la pauvreté ne fait que s’aggraver. Tout laisse présager un horizon sombre pour l’économie mondiale. La récession est presqu’inévitable, toutefois on ne sait pas encore à quoi elle va ressembler.
En ce début d’automne, nous allons particulièrement examiner la question de la récession. Nous allons y consacrer plusieurs chroniques pour comprendre ses causes, ses conséquences et ses enjeux pour l’économie.
De mémoire, la récession est une baisse significative de l’activité économique qui dure des mois, voire des années. Pour les économistes, il y a récession lorsque l’économie d’un pays connaît un produit intérieur brut (PIB) négatif. À cela s’ajoute une hausse du chômage, une baisse des ventes et une contraction de la production continue. Les récessions sont considérées comme une partie inévitable du cycle économique. Le moment où l’économie entre officiellement en récession dépend de divers facteurs. Ceux-ci ont évolué au fil de l’histoire.
Petit tour dans l’histoire des recessions économiques
À la faveur de la révolution industrielle des années 1760, l’Empire britannique a accumulé beaucoup de richesses. Cela favorisa une période d’expansion rapide du crédit par de nombreuses banques britanniques. Le 8 juin 1772, l’un des partenaires de la banque Neal, James, Fordyce et Down s’enfuit en France pour échapper au remboursement de sa dette. La nouvelle se propagea rapidement et déclencha une panique bancaire en Angleterre. Les créanciers commencèrent à former de longues files d’attente devant les banques pour exiger des retraits instantanés en espèces. La crise qui s’ensuivit s’étendit rapidement à l’Écosse, aux Pays-Bas, à d’autres parties de l’Europe et aux colonies britanniques américaines. Elle s’en suivit d’un recul sans précédent de l’activité économique dans ces pays.
Après cet épisode, l’économie mondiale connu une phase d’expansion remarquable. La productivité commerciale et industrielle augmenta. De nouveaux produits et services furent introduits rendant les marchés européens à l’étroit. Ce qui obligea les entreprises à s’orienter vers des économies en développement telles que l’Allemagne et les États-Unis. Les investissements explosèrent dans ces pays favorisés par l’accès facile au crédit. La situation fut telle qu’aux États-Unis, les compagnies ferroviaires plus nombreuses, prirent de gros risques pour se concurrencer par les prix et les coûts. En début 1873, plusieurs banques autrichiennes firent faillite et le 9 mai, c’est la bourse de Vienne qui fit faillite. Puis, celle de New York. Le phénomène s’étendit rapidement dans toutes les capitales européennes. L’argent devint très vite rare et l’économie tomba au ralenti. C’est la grande dépression de 1873. Elle dura jusqu’en 1893.
Les marchés financiers toujours impliqués…
Dans les années 1920, il y a eu une croissance rapide du crédit bancaire et des prêts aux États-Unis. Encouragés par la vigueur de l’économie, les gens ont estimé que le marché boursier était un pari à sens unique. Certains consommateurs ont emprunté pour acheter des actions. Les entreprises ont contracté davantage de prêts pour leur expansion. Parce que les gens sont devenus très endettés, cela signifie qu’ils sont devenus plus sensibles à un changement de confiance. Lorsque ce changement de confiance survint en 1929, ceux qui avaient emprunté furent particulièrement exposés. Ils se joignirent à la ruée vers la vente d’actions et tentèrent de rembourser leurs dettes. C’est ainsi que s’est déclenché la crise de 1929 qui s’est suivi d’une grande dépression dans les années 1930.
À la fin des années 90, la Federal National Mortgage Association, ou Fannie Mae, voulait que tout le monde atteigne le rêve américain de l’accession à la propriété. Les prêteurs ont accordé des prêts immobiliers à des emprunteurs à haut risque. Ils ont ont proposé des prêts hypothécaires à des conditions non conventionnelles.
Pendant ce temps, les banques reconditionnaient ces hypothèques et les revendaient aux investisseurs sur le marché secondaire. Si un emprunteur faisait défaut, les banques pouvaient l’exclure sans subir de perte sur la vente. Le marché qui en résultait signifiait que si les propriétaires ne pouvaient pas se permettre les paiements, ils pouvaient vendre la maison et la valeur nette couvrirait la perte. Une crise était pratiquement inévitable. Après le ralentissement du marché immobilier en 2007, la bulle immobilière était prête à éclater. C’est ainsi qu’est née la crise financière de 2008 qui a impacté presque toutes les économies de la planète.
Les mêmes causes produisent les mêmes effets
D’après ce que l’histoire économique enseigne, les récessions les plus sévères surviennent lorsque les dépenses en investissement augmentent rapidement pendant plusieurs années consécutives. Cette accélération entraine l’augmentation de la capacité de production qui devient excessive par rapport à l’évolution de la demande globale. Les périodes avant 1873, 1929 ou 2008 sont marquées par de telles situations.
Selon les historiens de la Grande Dépression de 1873, les investissements ont considérablement diminué pendant les années de crise. En particulier, la construction de chemins de fer a connu une croissance enviable de 1840 à 1870. Toutefois, elle perdit de son élan du début après 1973. Les années 1920 connurent également d’importants investissements. En Europe, c’est une période qui correspond à la reconstruction des pays après la 1ère guerre mondiale. Peu après le krash boursier de 1929, les entreprises se sont rendu compte qu’elles avaient beaucoup trop investi. L’offre en logements et en bien d’équipements était largement supérieure à la demande. Les années qui ont suivi la crise se sont caractérisées par une forte baisse des investissements. Celle-ci a ensuite contribué à la baisse de la production, de l’emploi et des revenus dans plusieurs pays.
Par ailleurs, la période précédant la crise de 2008 est également marquée par une forte augmentation des capacités de production. Elle s’est étendue à l’échelle mondiale en particulier dans les pays en développement. Les entreprises multinationales des pays développés ont contribué à ce processus. Elles ont notamment beaucoup investi les BRICS (Bérsil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Une stratégie de croissance qui anticipait l’augmentation de la demande. Toutefois, la récession qui a suivi la crise de 2008 montre que la capacité de production était excessive. Ce qui a contribué à exacerber les déséquilibres économiques à l’échelle internationale.
Au regard de ces enseignements de l’histoire, à quoi pourrait donc ressembler la prochaine récession tant annoncée ? Rendez-vous dans notre prochaine chronique.
Références
Bagliano, F. C., & Morana, C. (2012). The Great Recession: US dynamics and spillovers to the world economy. Journal of Banking & Finance, 36(1), 1-13.
Abberger, K., & Nierhaus, W. (2008). How to define a recession?. In CESifo Forum (Vol. 9, No. 4, pp. 74-76). München: ifo Institut für Wirtschaftsforschung an der Universität München.
Nayyar, D. (2011). The financial crisis, the great recession and the developing world. Global Policy, 2(1), 20-32.
https://www.morganstanley.com/ideas/recession-2022-potential-how-bad
https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2013-4-page-12.htm
https://www.britannica.com/list/5-of-the-worlds-most-devastating-financial-crises