Pendant les crises financières, on entend souvent dire que la banque centrale a racheté des actifs divers. Ceci dans le but de relancer la croissance économique. On utilise généralement le terme d’assouplissement quantitatif (ci-après AQ) ou «Quantitative easing» pour désigner cette opération. Que sait-on de cette opération et comment agit-elle concrètement sur la relance de la croissance économique ? Telles sont les questions abordées dans cette chronique.
Avant d’aborder certaines spécificités de l’AQ, on peut retenir d’emblée qu’il est un outil de politique monétaire non conventionnelle. On l’utilise pour lutter contre le risque de déflation et de récession. Il consiste, pour une banque centrale à intervenir de façon massive, généralisée et prolongée sur les marchés financiers en achetant des actifs (notamment des titres de dette publique) aux banques commerciales et à d’autres acteurs. Ces achats massifs entrainent une baisse des taux d’intérêt. Ce qui permet aux ménages, aux entreprises et aux États de continuer à se financer à de bonnes conditions. En bout de ligne, on atteint la croissance économique et la stabilité des prix.
Comment fonctionne l’assouplissement quantitatif ?
Les banques centrales disposent d’outils limités, comme la réduction des taux d’intérêt, pour influencer la croissance économique. Sans la possibilité de baisser davantage les taux, les banques centrales doivent augmenter stratégiquement la masse monétaire. Souvent, on applique l’AQ lorsque les taux d’intérêt sont proches de zéro et qu’il n’y a pas de croissance économique.
Pour exécuter l’assouplissement quantitatif, les banques centrales achètent des obligations d’État et d’autres titres, injectant des réserves bancaires dans l’économie. L’augmentation de la masse monétaire fait alors baisser les taux d’intérêt et fournit des liquidités au système bancaire. Ce qui permet aux banques de prêter à des conditions plus faciles.
Pendant la pandémie de Covid-19, la Banque du Canada (BC) a eu recours à l’assouplissement quantitatif. Ce programme d’AQ de la BC consistait à acheter de grandes quantités d’obligations émises par le gouvernement du Canada. L’objectif étant de faire monter le prix et de baisser le rendement, soit les intérêts que touchent les détenteurs.
En effet, le rendement de ces obligations a beaucoup d’influence sur les taux d’emprunt. Plus il est bas, plus les prêts sont abordables. Par exemple, quand la BC achète des obligations du gouvernement à cinq ans, leur rendement diminue. Résultat, les prêts hypothécaires à taux fixe de cinq ans baissent aussi, ce qui rend l’achat d’une maison plus accessible. De même, les achats d’obligations du gouvernement à échéance de dix ans ont le même effet à la baisse. Les entreprises profitent alors de meilleurs taux pour faire des investissements de développement à long terme.
L’efficacité de l’assouplissement quantitatif
La plupart des économistes pensent que le programme d’AQ de la Réserve fédérale a aidé à sauver l’économie américaine et mondiale après la crise financière de 2007-2008. Cependant, les résultats de ce programme sont difficiles à quantifier.
La politique d’AQ est efficace pour abaisser les taux d’intérêt et stimuler le marché boursier. Toutefois, son impact plus large sur l’économie n’est pas apparent. À l’échelle mondiale, les banques centrales ont tenté de déployer l’AQ comme moyen de prévenir la récession dans leur pays. Mais les résultats sont peu concluants comme on peut le voir avec les exemples ci-dessous.
Suite à la crise financière asiatique de 1997, le Japon est tombé dans une récession économique. La Banque du Japon a lancé un programme d’AQ agressif pour freiner cette récession et stimuler l’économie. Ce programme consistait à l’achat d’obligations d’États japonaises et de titres de créance privés et d’actions. Sauf qu’il n’a pas atteint ses objectifs, car le produit intérieur brut (PIB) japonais est passé d’environ 5,45 billions de dollars à 4,52 billions de dollars.
La Banque nationale suisse (BNS) a également utilisé une stratégie d’AQ à la suite de la crise financière de 2008. Dès lors, les actifs détenus par la BNS ont dépassé la production économique annuelle pour l’ensemble du pays. Bien que la croissance économique ait été stimulée, il n’était la conséquence du programme d’AQ de la BNS.
Quelques risques des programmes d’assouplissement quantitatif
Plusieurs économistes pensent que l’AQ est un outil de politique monétaire très risqué. Il peut facilement aboutir aux trois situations suivantes: inflation, resserrement du crédit et dévaluation de la monnaie.
À mesure que l’argent augmente dans une économie, le risque d’inflation se profile toujours. Ceci parce qu’il existe un décalage de 12 à 18 mois entre le moment de mise en oeuvre de l’AQ et l’impact son impact sur l’économie réelle. Aussi, une stratégie d’AQ qui ne stimule pas la croissance économique prévue, mais qui provoque l’inflation peut également créer une stagflation. C’est-à-dire un scénario dans lequel le taux d’inflation et le taux de chômage sont élevés.
De plus, à mesure que la liquidité augmente pour les banques, une banque centrale comme la BC ne peut pas forcer les banques à augmenter leurs activités de prêt ni forcer les particuliers et les entreprises à emprunter et à investir. Cela crée un « resserrement du crédit », où les liquidités sont détenues dans les banques où les sociétés accumulent des liquidités en raison d’un climat commercial incertain.
Par ailleurs, l’AQ peut dévaluer la monnaie nationale à mesure que la masse monétaire augmente. Alors qu’une monnaie dévaluée peut aider les fabricants nationaux avec des biens exportés moins chers sur le marché mondial, une baisse de la valeur de la monnaie rend les importations plus chères en augmentant le coût de production et les niveaux des prix à la consommation.
Références :
https://www.banqueducanada.ca/2022/06/assouplissement-quantitatif-explique/
https://www.banqueducanada.ca/2020/12/fonctionnement-de-lassouplissement-quantitatif/
https://abc-economie.banque-france.fr/quantitative-easing
https://www.investopedia.com/terms/q/quantitative-easing.asp