L’Enverdeur: L’enfant terrible du climat

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Rappelez-vous de ce 24 décembre 2015 complètement vert quand le mercure a presqu’atteint 9°C. Nous avons battu un record de chaleur datant du 24 décembre 1957. Ces deux hivers ont quelque chose en commun avec l’épisode du verglas de janvier 1998: ce sont tous des épisodes d’El Niño. Nous vivons l’un des épisodes les plus puissants depuis 1950, et l’on en parle beaucoup sans trop savoir ce que c’est réellement.

Plutôt un phénomène climatique qu’une problématique environnementale, El Niño fait actuellement les manchettes un peu partout dans le monde. Les médias lui ont même trouvé un surnom: l’enfant terrible du climat. Il le mérite bien car il perturbe ce dernier, on ressent ses effets un peu partout dans le monde et son potentiel dévastateur est énorme, comme celui d’un enfant.

El Niño naît dans le Pacifique Sud, sur la côte Ouest sud-américaine, près du Chili. Pour faire très simple, il est le résultat d’un changement de la force des vents alizés qui provoque une augmentation de la température des eaux de surface de l’océan. On peut simplifier le phénomène à une anomalie chaude de ces eaux. Le tout perturbe le cycle de l’eau et le transport de l’humidité mondiale.

Ce phénomène climatique tient son nom du moment où il se manifeste. S’observant d’abord au niveau des océans, les premiers à constater la variation de température sont les pêcheurs chiliens. Lorsque l’eau se réchauffe, elle contient moins de nutriments: il y a donc moins de poissons. Les pêcheurs doivent alors prendre des vacances un peu avant Noël, d’où El Niño, qui signifie l’Enfant, faisant référence à la nativité. C’est aussi à ce moment que le Chili est inondé de pluies torrentielles. Ce phénomène apparaît cycliquement, alternant avec sa sœur souvent négligée: La Niña.

Cette eau chaude affecte le monde entier, d’abord en augmentant considérablement le taux d’humidité et la température de l’air au niveau de la côte Ouest sud-américaine aux dépens de l’Océanie et le Sud-Est asiatique. Cette humidité sera transportée ailleurs où elle tombera sous forme de pluie, notamment en Équateur, au Chili, au Kenya et en Somalie. Des pluies si intenses qu’elles permettent à un énorme tapis de fleurs de recouvrir le désert le plus aride au monde: le désert d’Atacama. Ces pluies provoquent aussi des inondations et déluges qui causent beaucoup de dommages. Cette année, El Niño a même retardé le gel de l’Arctique, ce qui a provoqué une hausse considérable du niveau d’humidité près du cercle polaire qui s’est ensuite concrétisée en épisodes de pluies intenses au Royaume-Uni et en Écosse.

On ne peut pas éliminer El Niño en installant un énorme ventilateur au beau milieu du Pacifique pour empêcher les alizées de faiblir, ou encore refroidir l’océan avec d’énormes glaçons.

De l’autre côté du Pacifique, au niveau de l’Asie du Sud-Est, de l’Inde et même le Sud de la Chine, El Niño provoque des sécheresses et des vagues de chaleur meurtrières, favorisant ainsi la propagation de maladies dans ces régions fortement peuplées. En Indonésie et en Australie, ce temps chaud et sec se traduit en feux de forêts.

L’Enfant, réchauffant l’eau et l’air, favorise la formation de tempêtes. On en observe alors un plus grand nombre, et elles risquent d’être plus puissantes. Sans El Niño, la tempête Jonas n’aurait peut-être pas mérité le surnom de Snowzilla. Rappelons-le, cette tempête a fait tomber jusqu’à 90 cm de neige sur la côte Est américaine, paralysant momentanément les états touchés.

L’épisode actuel est l’un des plus puissants qu’on ait enregistré, deuxième derrière celui de 1997-1998. C’est durant cet hiver que nous avons connu, au Québec, la fameuse crise du verglas; jusqu’à 100 mm de pluies verglaçantes, près de 30 morts et environ 900 000 foyers privés d’électricité. On estime les dommages à plusieurs milliards de dollars. Ce même hiver, les feux de forêts en Australie leur auront coûté plus de deux milliards de dollars.

Bien qu’on en parle moins, La Niña n’est pas à négliger. Si El Niño est la phase chaude de ce cycle, elle, en est la phase froide. Ses conséquences sont donc différentes: déluges en Indonésie et sécheresses en Amérique du Sud. Ici, on doit s’attendre à des hivers froids et neigeux.

Pour un climat tempéré comme le nôtre, les conséquences de ces phénomènes climatiques s’observent principalement à l’hiver. D’El Niño résultent normalement des hivers plus doux et moins de précipitations: le risque de pluies verglaçantes en est donc accru. Quant à La Niña, elle amène des températures hivernales plus basses et plus de précipitations. Chez nous, c’est la phase chaude qui est potentiellement la plus dommageable.

El Niño est un phénomène climatique très dommageable mais nous n’y pouvons pratiquement rien. Nous pouvons jouer à Dieu avec l’environnement en espérant artificialiser le naturel. Il y a des phénomènes qui dépassent les compétences de l’homme. On ne peut pas éliminer El Niño en installant un énorme ventilateur au beau milieu du Pacifique pour empêcher les alizées de faiblir, ou encore refroidir l’océan avec d’énormes glaçons. Bien qu’on ne puisse l’empêcher de se former, nous ne pouvons que chercher à réduire ses dommages.

Dans un contexte de changements climatiques, on s’attend à ce que les épisodes d’El Niño soient plus fréquents et plus forts puisqu’avec un climat plus chaud, les anomalies chaudes seront plus nombreuses. Déjà, limiter le réchauffement selon les objectifs fixés serait une bonne chose. Chez nous, pendant El Niño, on peut s’attendre à des hivers plus doux, du verglas ou encore du gel-dégel. Il se peut qu’on ait de la pluie verglaçante et probablement que les routes soient glacées. Peut-être que des arbres remplis de glace tomberont sur des câbles électriques et que les pluies hivernales feront déborder des rivières.

Préparons-nous à ces éventualités. Nous devons réapprendre à vivre avec notre environnement!

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