
Je suis passée deux fois devant la massive porte de bois sculpté du rectorat sans la remarquer, comme si c’était un passage secret réservé aux initiés menant au bureau de Dumbledore.
Fière de mériter une case à son agenda chargé, j’ai eu le temps de siroter discrètement un café en attendant mon tour dans le salon de la rectrice, en rencontre à l’extérieur, tout en guettant fébrilement les bruits lointains des talons hauts.
Animée d’une énergie qui semble renouvelable, Nadia Ghazzali enchaine les rendez-vous. Le temps d’une rapide interview, j’ai pu effleurer l’énergie rafraichissante et chaleureuse de la rectrice de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
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D’université en université
«Je ne me contente pas du statu quo», dit celle qui a choisi de quitter son pays pour vivre différemment. «Je ne manquais de rien au Maroc pourtant», ajoute la cadette des filles d’une famille de neuf enfants, originaire de Casablanca. À l’âge de 19 ans, elle a quitté son pays pour faire ses études universitaires (baccalauréat, maitrise et doctorat) en mathématiques à Rennes, en Bretagne.
C’est là qu’elle a rencontré son «charmant Québécois en échange universitaire» et il n’en fallait pas plus pour qu’elle vienne faire son post-doctorat à McGill, de l’autre côté de l’Atlantique. Elle a ensuite enseigné au Département de statistiques de l’Université Laval pendant 20 ans, en plus d’y œuvrer à la gestion de haut niveau et d’accumuler les implications sociales en chemin.
Avant d’arriver à la tête de l’Université du Québec à Trois-Rivières en 2012, en plein cœur du conflit étudiant, le processus de sélection de la rectrice en devenir a duré huit mois. Engagée, vivante et passionnée, Nadia Ghazzali dit beaucoup croire en la vie. Elle cherche toujours à aller plus loin et elle n’hésite pas à travailler nuit et jour.
L’Université du Québec à Trois-Rivières
Je croyais que le rectorat était l’instance la plus élevée dans l’organigramme, mais j’apprends plutôt qu’un conseil d’administration approuve les décisions du conseil exécutif dirigé par Madame Ghazzali. De plus, le réseau public des Universités du Québec comporte des exigences auxquelles il faut se conformer, tout en ne minimisant pas l’impact de l’institution sur sa communauté.
Au final, il semble que la marge de manœuvre ne soit pas si grande pour la rectrice aux généreux frisous et à l’accent marocain. L’impact se fait surtout ressentir du côté de la vision, ce sur quoi elle travaille en ce moment: la planification stratégique des cinq prochaines années.
«L’UQTR est timide, elle mérite vraiment qu’on lève le voile sur elle, elle doit être plus fière», dit-elle. C’est en effet un trésor bien caché qu’on découvre seulement quand on prend le temps de s’en imprégner.
La rectrice mentionne les champs d’expertise de réputation mondiale de l’UQTR, soit la recherche sur l’hydrogène et sur les PME. Elle compte miser sur ces champs de niche pour le développement des activités de recherche.
Malgré les messages qui font vibrer son téléphone, elle demeure concentrée, disponible et ouverte à mes questions, affichant un large sourire.
Tête dirigeante
J’aurais dû me douter que ce sont les documents et les chiffres qui orientent ses choix: «Je lis et je m’informe énormément. Je ne vais jamais dans une réunion sans avoir étudié le dossier et avoir posé beaucoup de questions».
Nadia Ghazzali croit que ses décisions calculées peuvent déranger certains: «J’anticipe toujours les conséquences et je prévois trois ou quatre coups d’avance». Déformation de mathématicienne? Probablement.
«Je ne me contente pas du statu quo», dit celle qui a choisi de quitter son pays pour vivre différemment. «Je ne manquais de rien au Maroc pourtant», ajoute la cadette des filles d’une famille de neuf enfants, originaire de Casablanca.
Lorsque je la questionne sur ses forces, elle soulève son objectivité et sa capacité de travailler en équipe et de réfléchir dans l’abstrait. Je perçois une grande ouverture sur le monde et un esprit intelligent. D’un point de vue personnel, Nadia Ghazzali se décrit comme une fidèle. Fidèle à son pays, à ses valeurs, à sa famille, à ses engagements, etc.
Une journée typique de la rectrice commence très tôt et se termine tard. Le grand défi de ce travail est de «garder le feu sacré», cet engagement de développement envers l’université et cette volonté de penser différemment.
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Les minutes ont passé rapidement. Je me suis empressée de prendre des notes et de saisir l’essentiel de la personne devant moi, un peu intimidée par l’importance du statut de rectrice que m’a rappelé le tableau rétrospectif affichant tous les dirigeants de l’UQTR avant elle.
À la lumière de ce trop court échange, j’ai l’impression d’avoir été en présence d’une femme importante. Non pas importante par le statut qu’elle se donne, mais bien par les répercussions des multiples prises de décisions au sein de la société auxquelles elle prend part.
J’ai le sentiment que l’UQTR est entre de bonnes mains et que quelqu’un veille sur elle, quelqu’un qui comprend ses forces et ses défis, qui accepte ses enjeux et qui cherche à la faire évoluer sans la dénaturer, en misant sur ce qui la différencie, notamment sa chaleur humaine, la proximité qu’on y retrouve et la qualité des personnes et des formations qui s’y côtoient.