Petite bulle d’histoire : Henri VIII, l’ogre aux six épouses. Partie 1

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Portrait par Camille Limoge
Crédit: Camille Limoge

Divorcée, décapitée, décédée, divorcée, décapitée, veuve. Tel fut le sort des six épouses d’Henri VIII, victimes tour à tour des impulsions d’un roi trop puissant. Par amour, obligation ou ambition, ces femmes durent, chacune à leur manière, naviguer dans un monde conçu pour les hommes. Mais avant d’être responsable du schisme anglican et de la mort de deux de ses épouses, Henri VIII était un homme aimant et gai. Aujourd’hui, je vous présente la vie et les amours de cet homme durant son premier mariage, avec Catherine d’Aragon.

Des circonstances exceptionnelles

C’est en 1592, à l’âge de 10 ans, qu’Henri VIII devient l’héritier présomptif du trône d’Angleterre. Son frère ainé, Arthur, est décédé d’une tuberculose, moins d’un an après avoir épousé l’infante d’Espagne, Catherine d’Aragon. La dissolution de cette alliance extrêmement favorable pour la jeune dynastie Tudor déplait énormément au roi, qui refuse de laisser Catherine retourner en Espagne.  

Catherine d'Aragon par le peintre Michael Sittow à la fin du XVeme siècle. Crédit: britannica.com
Une jeune Catherine d’Aragon par le peintre Michael Sittow à la fin du XVeme siècle. Crédit: britannica.com

Après sept ans de négociation, Henri VII obtient une dispense papale permettant à son nouvel héritier d’épouser la veuve de son frère. Selon les déclarations de Catherine, son premier mariage n’aurait jamais été consommé, il n’y a donc aucune raison d’empêcher cette alliance. Malgré tout, le jeune prince, particulièrement croyant, hésite. Dans une protestation secrète devant l’évêque Fox, il désavoue la promesse de mariage, et présente ses scrupules à s’unir à la veuve de son frère.

Malgré ces réticences, la mort brusque d’Henri VII, le 22 avril 1509, pousse le nouveau roi à complaire aux dernières volontés de son père. Ainsi, le 11 juin 1509, à l’âge de 18 ans, Henri VIII s’unit à sa première épouse, Catherine d’Aragon, de six ans son aîné.

Un héritier à tout prix

Durant près de vingt ans, Henri et Catherine semblent relativement heureux. Henri VIII est le parangon du prince de la renaissance. C’est un géant blond, joyeux, lettré, bon musicien et extrêmement pieux. Il aime le faste de la cour, les fêtes, les tournois et les mascarades. Catherine, fille d’Isabelle la catholique, est également pieuse et s’efforce de remplir au mieux son rôle d’épouse.

Malheureusement, une ombre plane sur le couple : pour préserver la jeune dynastie Tudor, un fils est essentiel. Or, malgré sept grossesses, aucun enfant mâle ne survit plus que quelques jours et leur fille, Marie, ne peut pas transmettre le nom de sa lignée. Démuni d’héritier, Henri s’interroge sur les causes de son malheur et sur ses fautes passées. Il trouve ses réponses dans les écrits religieux : le Lévitique interdit l’union entre un homme et la femme de son frère :

« Quand un homme prend pour épouse la femme de son frère, c’est une souillure; il a découvert la nudité de son frère ; ils seront privés d’enfants. »

Lévitique

Graduellement, le roi se convainc que son mariage est maudit. Ainsi, lorsqu’en 1519 sa maîtresse, Elizabeth Blount, met au monde un garçon, le roi est persuadé que son mariage est une abomination aux yeux de Dieu, qui lui refuse un héritier légitime.

Dès lors, Henri se désintéresse presque entièrement de sa reine vieillissante et enchaîne les maîtresses, souvent choisi parmi les dames de compagnie de son épouse.

Portrait d’Henri VII par Hans Holbein le Jeune en 1538. Crédit : Wikimédia.

À l’aube des 40 ans de Catherine d’Aragon, la couche royale est totalement délaissée par le roi. Cette alliance est condamnée à rester stérile, puisque la reine ne saigne plus. Henri sait que l’absence d’un héritier mâle fragilise sa dynastie. Le roi devient de plus en plus sérieux, méfiant, impulsif et colérique.  

Le roi amoureux

En 1521, Henri prend pour maîtresse la légère Marie Boleyn, fille du conseiller royale, Thomas Boleyn. Leur relation perdure quelques années, au point que lorsqu’elle accouche d’un fils, en 1526, ce dernier est suspecté d’être l’enfant du roi.

Cependant, le roi est lassé de sa maîtresse et ne reconnait pas l’enfant. C’est sa sœur, Anne, qu’il désire maintenant.

Née en 1501 ou en 1507, on ne sait trop, Anne Boleyn a appris les grâces de la cour et les finesses de la langue française d’abord en Belgique auprès de Marguerite d’Autriche, puis chez les Valois dans l’entourage de la reine Claude. Elle n’est certes pas la plus jolie du royaume, mais elle est intelligente, spirituelle et cultivée. Elle joue du luth et sa conversation est vive et enjouée, mais son plus grand talent est de savoir se faire désirer.

Le roi est charmé et tombe rapidement amoureux. Dans sa passion, il couvre Anne et sa famille de cadeau et la courtise par le biais de nombreuses lettres d’amour, dont certaines sont parvenues jusqu’à nous. Henri a 35 ans et il est encore un solide et bel homme. Anne semble charmée, mais se refuse à son amoureux : elle ne sera pas sa maîtresse!

Dire non à un roi

Anne refuse de devenir la maîtresse du roi, ce qui ne fait que redoubler sa passion. Dès 1527, il lui parle de mariage… Mais un mariage avec Anne implique la répudiation de Catherine, qui a de nombreux appuis politiques.

Portrait posthume d’Anne Boleyn. Crédit : Wikimédia.

En 1527, le cardinal Wolsey reçoit la tâche d’examiner les conditions de validité du premier mariage du roi, à la lumière des textes du Lévitique. Dans les mêmes temps, Henri s’inquiète que sa liaison avec Marie Boleyn ne l’empêche d’épouser sa sœur, Anne et il se préoccupe déjà d’obtenir une dispense. Lorsque la reine est avertie des projets du roi, elle fait rapidement appel à son neveu : le puissant Charles Quint, l’empereur du Saint-Empire romain germanique.  

Lorsque l’affaire se rend finalement au pape Clément VII, il veut gagner du temps. Il craint les répercussions qu’un refus entraînerait, mais également celle d’une acceptation. De plus, contrairement au Lévitique, le Deutéronome permet d’épouser la veuve d’un frère sans descendance. Sa solution : un procès. Durant des mois, la « grande affaire du roi » occupe politiciens et théologiens, qui soutiennent majoritairement Catherine. Elle est reine d’Angleterre et l’épouse du roi depuis plus de vingt ans et rien ne justifie sa répudiation.

L’incapacité de Wolsey à obtenir l’annulation du mariage entre Henri et Catherine lui vaut d’être accusé de trahison en 1530. En 1531, la reine est expulsée de la cour et ses appartements sont attribués à Anne Boleyn. Cette dernière s’intéresse grandement aux idées des réformateurs protestants et lorsque l’archevêque de Cantorbéry meurt, en 1532, celle-ci joue de son influence pour obtenir la nomination de Thomas Canmer, favorable au divorce, interdit par les catholiques.

Le roi s’impatiente, mais refuse de renoncer à Anne. Il l’aime passionnément et désire absolument l’épouser et avoir, enfin, un héritier. Sa folle passion pour la jeune femme forme les prémices de la Réforme anglicane et de la création de l’Église d’Angleterre, que nous explorerons dans ma prochaine petite bulle d’histoire…

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