
Alors que le Festival international de poésie bat son plein à Trois-Rivières, l’Atelier Silex accueille la 11e édition du couru Cossins poétiques et patentes à gosses. Le jeudi 8 octobre dernier, dans une formule classique de type 5 à 7, poètes et sculpteurs ont habité l’Espace 0…3/4 et le salon vert de cet atelier. Pour l’occasion, ce sont treize artistes visuels et cinq poètes qui ont bâti un pont entre deux médiums bien différents.
Passer de la sculpture aux mots, ce n’est pas toujours un exercice évident. Évidemment, certains artistes sont parfois plus volubiles quand vient le temps d’expliquer une démarche ou une œuvre. Par contre, l’œuvre peut souvent demeurer sans explication pour le spectateur. Chacun en fait sa propre analyse, sa propre lecture et sa propre écriture. Mais qu’en est-il lorsqu’un auteur vient mettre sa plume entre le spectateur et l’œuvre visuelle? En plus de permettre une rencontre intime entre poète et public, cette soirée permet d’entrelacer deux arts aux multiples possibilités d’interprétations.
Les quelque 60 œuvres sont exposées dans l’espace galerie de l’atelier. Le public est invité à se choisir une sculpture au moyen d’un tirage au sort. Une fois la pièce en main, le nouveau propriétaire de l’œuvre originale se dirige vers un petit salon. Dans cette petite salle planent des airs de jazz, ce qui feutre davantage l’ambiance déjà fort intime. Les cinq poètes sont dispersés dans ce sanctuaire paisible. Le nouveau propriétaire de la sculpture dépose la matière sur une table et regarde l’auteur. Puis l’œuvre. Puis l’auteur. L’auteur regarde la personne. Puis L’œuvre. Puis la personne. Et puis la magie. Un texte inédit en cinq minutes.
En plus de permettre une rencontre intime entre poète et public, cette soirée permet d’entrelacer deux arts aux multiples possibilités d’interprétations.
Se côtoyaient, sur les socles et les murs, les œuvres de Marquis Poulin, France Pagé, Pascal Lareau, Isabelle Gauvin, Monique Vachon, Jocelyne Duchesne, Carolane Lambert, France Joyal ainsi que Philippe Lafontaine, un invité spécial qui figurait parmi les plus habitués. Des œuvres éclectiques miroitant alors les multiples genres et toutes les possibilités qu’offre la sculpture. Allant de l’argile au lego, en passant par le métal et le verre, sans oublier la couture sur papier, le choix était franchement varié et chacun pouvait y trouver son compte.

Les cinq artistes du verbe étaient pour la plupart des inaccoutumés. Certains connaissaient le principe, mais n’avaient jamais tenu le crayon. La jeune poétesse Mayra Bruneau Da Costa apportait la seule touche féminine à la cohorte 2015. C’était une sortie importante pour la jeune femme qui a déposé, depuis une année, sa plume dans l’encrier. Directement de Turquie, Tugrul Tanyol a livré ses mots. Pour cet écrivain, ce fut un double défi, puisque le français n’est pas sa langue habituelle. C’était également une rencontre déterminante pour Tanyol puisqu’il affirme que, chez lui, «les artistes sont éloignés les uns des autres, les poètes, les peintres sont chacun dans leur domaine». C’est donc une approche toute neuve pour le poète que de faire cohabiter deux médiums ensemble.
Allant de l’argile au lego, en passant par le métal et le verre, sans oublier la couture sur papier, le choix était franchement varié et chacun pouvait y trouver son compte.
Sculpteur accompli et reconnu, Pascal Lareau a troqué sa gouge pour un crayon. Lareau se plait beaucoup à écrire, mais son travail de sculpteur fait ombrage à ses pulsions d’auteur. Ce secret bien gardé n’est pas venu par hasard. Il a une maitrise en création littéraire, a publié deux ouvrages aux Éditions Le Sabord en plus de remporter le prix Clément-Marchand en 2006. Un peu nerveux devant ce défi, Lareau s’est entrainé à sa manière afin d’offrir le meilleur de sa poésie. «Plutôt que de me préparer des phrases, j’ai pris des livres fétiches qui sont vraiment importants pour moi, j’ai relu des passages pour m’amener dans des univers qui ne sont pas les miens. Je me suis bousculé un petit peu. Je ne voulais pas avoir d’idées préconçues. Je me suis préparé, c’est sûr, mais c’est se préparer à ne pas savoir, se préparer à être dans le vide», confie l’artiste aux multiples facettes.
Les deux autres poètes à s’être prêtés au jeu sont Bios Diallo de la Mauritanie ainsi que le Québécois David Goudreault. L’animation était assurée par Henri Morrissette et la musique par Luc Boissonneault.