Reportage: Le tissu social décousu ⎯ Les revendications du communautaire

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Photo: Scouts Drummondville
Photo: Scouts Drummondville

Il y a quelques semaines, le monde communautaire au Québec entrait dans sa première grève de l’histoire. J’ai eu la chance de rencontrer François Landry, conseiller politique de la TROC-CQM, afin d’approfondir la question. Mais d’abord, le communautaire, c’est quoi au juste?

Les organismes communautaires sont des organismes visant à aider, chacun à leur façon, les gens de leur communauté ayant besoin de leurs services. Ils ont principalement deux utilités: prévenir et réhabiliter.

Quelques exemples: les Maisons des jeunes peuvent aider des jeunes sans parents ou sans réseau social en les incorporant dans des activités où ils pourront interagir avec d’autres jeunes. Moisson Mauricie-Centre-du-Québec et la Tablée populaire aident à nourrir les personnes démunies. Hépatite ressource aide les gens qui contractent l’hépatite, prend en charge leur suivi, aide à comprendre comment apprivoiser et vivre avec la maladie, etc. L’Association des cardiaques de la Mauricie en fait autant avec les gens qui ont subi une crise cardiaque.

Ce qui est important de souligner, dit M. Landry, c’est qu’alors que les services publics visent principalement à gérer les problèmes de manière ponctuelle, avec le système de santé ou le système judiciaire, par exemple, le communautaire s’en occupe avant et après sur le long terme.

Le tissu social

«Une Maison des jeunes qui, à cause de manque de fonds, se voit forcée de fermer quelques jours par semaine. Certains jeunes défavorisés qui s’y retrouvaient pourraient se mettre à trainer dans des parcs par exemple…» La Maison des jeunes est donc en soi un rempart contre l’exclusion sociale et la criminalité chez les jeunes.

Les organismes communautaires qui œuvrent dans le domaine de la santé ont souvent les connaissances et les instruments nécessaires afin d’aider les gens et permettent donc de désengorger les hôpitaux à moindre cout.

Le cout social et économique du sous-financement des organismes communautaires est plus élevé que ce qu’il en couterait de les financer adéquatement.

Un exemple plus concret serait celui du Pavillon de l’Assuétude qui vient en aide aux gens ayant besoin d’un temps d’abstinence et d’aide afin de développer de nouvelles compétences et de saines habitudes de vie. L’organisme propose à ceux qui en ont besoin de les loger pour un temps, de les aider à s’inscrire à l’aide sociale, à faire l’épicerie, tout cela dans le but de faciliter leur réintégration sociale. Or, une nouvelle mesure gouvernementale oblige ceux qui ont recours à l’organisme à payer une partie de leur hébergement. On parle ici de gens qui sortent de prison, sans toit, sans emploi, souvent sans réseau social. Résultat: l’organisme a accueilli une centaine de personnes de moins cette année. Ce sont des personnes qui sont alors plus à risque de retomber dans la criminalité.

Les besoins

La liste des exemples pourrait s’allonger, mais la conclusion que l’on peut tirer de la plupart d’entre eux est la suivante: le cout social et économique du sous-financement des organismes communautaires est plus élevé que ce qu’il en couterait de les financer adéquatement. C’est la raison pour laquelle le thème des manifestations de la TROC-CQM était «Le communautaire, l’autre système de santé et de services sociaux».

Les politiques d’austérité du gouvernement n’ont pas affecté directement les organismes communautaires. Les effets se font sentir indirectement. «La Mauricie est la région avec l’accroissement de la pauvreté le plus marqué du Québec», me rappelle M. Landry. Cela a deux effets:

En ce qui concerne le financement, la population, plus précaire, est moins encline à faire des dons. Le personnel des organismes doit donc mettre beaucoup plus de temps et d’énergie à trouver du financement, temps et énergie qui ne sont pas consacrés aux services offerts à la communauté. Certains employés peuvent voir leurs heures de travail réduites et voir leur salaire stagner. Cela augmente nécessairement le taux de roulement des employés et cela diminue aussi l’efficacité des services. Comme les utilisateurs de ces services sont souvent des gens vivant dans la précarité, la complicité développée entre ces gens et le personnel est un élément essentiel, difficile à obtenir avec des départs fréquents.

En ce qui concerne les services, plus il y a de gens dans le besoin, plus ces derniers sont éprouvés. À titre d’exemple, «Moisson Mauricie, en 2014, a été sollicité par 16 000 personnes. Pour cette année, nous en sommes à 18 000.» Bref, la demande pour les services est en hausse et le financement est en baisse. Une situation insoutenable sur le long terme.

Un autre problème est que l’entente qui existait entre l’Agence de la santé et des services sociaux permettait une certaine flexibilité dans le financement. Mais les réformes du ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, ont remplacé l’Agence par la CIUSSS et, dans la forme actuelle, toute enveloppe monétaire doit être accordée directement par le ministère, d’où la nécessité du communautaire de sortir dans la rue pour faire entendre ses revendications.

Au final, ce que revendique la TROC-CQM, qui négocie au nom des divers organismes de la région, c’est 225 millions de dollars supplémentaires par année, le manque à gagner estimé pour les organismes de l’ensemble de la province, dont 13 millions pour la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

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