Un fil sur l’actualité internationale: Au nom des femmes: Accès libre à l’IVG

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Depuis quelques jours, des manifestations éclatent en Pologne contre une loi voulant interdire  l’accès, presque total, à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Cette régression me choque: comment un pays, membre de l’Union Européenne, est prêt à priver cette liberté aux femmes, pouvant mettre alors leur vie en danger? Un «lundi noir», couleur des vêtements des protestataires, était organisé le 3 octobre à travers tout le pays.

Mais avant de crier au scandale, quelques précisions à savoir sur la Pologne vont permettre de mieux comprendre cette régression en matière des droits des femmes.

En Pologne, 90% de la population se déclare catholique  , dont 16% sont pratiquants, un taux qui reste, tout de même, le plus élevé au monde. Il n’est pas surprenant alors que le pays dispose d’une des lois les plus restrictives d’Europe à propos de la législation encadrant l’avortement. L’arrivée au pouvoir en août 2015 des ultraconservateurs du parti Droit et justice (Prawo i Sprawiedliwosc, PiS) a permis à l’Église et aux organisations de défense de la vie d’essayer de durcir la législation de l’IVG. Celle-ci n’est autorisée que sous trois conditions: si la vie, la santé de la femme enceinte sont en danger, ou si la grossesse résulte d’un acte criminel, ou si le fœtus est mal formé. Fin septembre, le parlement polonais a examiné le possible durcissement de la loi en limitant l’accès à l’IVG seulement si la vie de la femme enceinte est en danger immédiat.

Cette possible loi montre l’absence des femmes et s’apparente plus à un accord, main dans la main, entre l’Église et l’État qui semblent plus à même de décider pour les premières concernées. Le gouvernement semble nier les conséquences du viol, ses possibles séquelles psychologiques, légitimant même alors qu’une victime puisse élever l’enfant de son violeur.

Les lois restrictives qui contraignent les femmes et les jeunes filles à recourir à des avortements à risque entraînent 47 000 décès dans le monde (OMS).

Autre proposition du texte: une peine de prison pouvant atteindre cinq ans, tant pour les médecins et autres personnes participant à l’IVG, que pour les patientes elles-mêmes. Cependant, ces dernières pourront tout de même bénéficier de la clémence des juges qui sont autorisés à renoncer à une condamnation. Ainsi, si le texte est approuvé, ce sera la première fois qu’un pays de l’UE revient sur l’avortement légal.

Mais une chose semble leur avoir échappé: quelle que soit la législation du pays, les femmes continueront à se faire avorter. Seules les conditions de l’intervention risquent de s’empirer.

Une conséquence directe: l’avortement clandestin

La condamnation de l’IVG et par là, le manque d’encadrement, vont à l’encontre du bien-être et de la santé des femmes et causent plutôt des souffrances psychologiques et physiques. Les chiffres sont sans appel: l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime à environ 22 millions le nombre d’avortements à risque pratiqués dans le monde chaque année. Les lois restrictives qui contraignent les femmes et les jeunes filles à recourir à des avortements à risque entraînent 47 000 décès dans le monde.

Pour les Polonaises, recourir à l’IVG relève déjà d’un parcours du combattant: la plupart doivent se diriger vers des cliniques dans les pays frontaliers comme la Slovaquie, l’Allemagne, ou encore, l’Autriche. L’avortement clandestin reste cher en Pologne: 1000 euros (environ 1475$CA), alors qu’il coûte entre 300 et 500 euros (entre environ 443$CA et 740$CA) en Slovaquie.

Le taux de mortalité des suites d’un avortement clandestin, réalisé dans des conditions souvent douteuses, augmente dramatiquement là où l’IVG est illégale. Ainsi, interdire l’IVG, c’est se déresponsabiliser de la santé de ces femmes qui souhaitent recourir à ce service. L’interdiction amène plus de risques pour la femme qui souhaite se faire avorter.

Une régression inacceptable

L’Église polonaise ne devrait avoir aucun lien avec la législation encadrant l’avortement. Choisir de recourir à l’IVG doit être une conviction personnelle et le gouvernement ne devrait pas non plus s’en mêler. Cette possible interdiction porte tout simplement atteinte aux libertés de la femme et le fait que cette possible modification de loi se déroule dans un pays développé, membre de l’UE, est une aberration, ternissant ainsi l’image du pays.

L’avortement est un droit de la femme, cette dernière étant libre de faire ce choix, elle ne doit pas agir sous pression d’un tiers. Il est décevant de voir que la Pologne est prête à régresser, sous la pression de l’Église et d’autres organisations pro-vie. Je soutiens bien évidemment le jugement en 1989 de la Cour suprême du Canada qui stipule que la femme ne peut pas être privée de son droit à l’avortement en raison des droits du futur bébé ou du «père».   À partir de 14 ans, elle peut décider seule, sans le consentement d’un médecin ou d’un proche. En effet, comment accepter qu’une tierce personne décide pour la femme, ou la jeune fille, alors qu’il s’agit de son corps, de sa personne et que c’est finalement bien à elle de prendre une décision. L’avortement est un droit dont les femmes devraient jouir pleinement. Cette possible régression en Pologne montre ainsi que le développement d’un pays et le bien-être de la population ne vont pas toujours de pair.

Plus tard ce mois-ci, le projet de loi doit être discuté par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU), à Genève. Espérons qu’il fasse pression sur le gouvernement et qu’il l’oblige à faire marche arrière.

Note : Le 5 octobre dernier, le gouvernement recule à la suite de la mobilisation de plusieurs citoyennes contre le projet.

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