Un grain de science à la fois: Le prix de la technologie

0
Publicité
Alhassania Khouiyi. Photo: Mathieu Plante
Alhassania Khouiyi. Photo: Mathieu Plante

Novembre n’a pas apporté seulement pas seulement avec lui la neige ou mon anniversaire, mais c’était aussi le mois où on assiste à la mise en marché des produits électroniques annoncés dans le salon de la technologie en septembre. Vous l’aurez deviné alors, c’est l’effervescence d’avant le temps des fêtes.

Ordinateur portable ultra mince, tablette électronique, téléphone diaboliquement sophistiqué, notebook et Dieu sait quoi encore. La liste est bien longue de ces gadgets qui nous fascinent et qui nous rendent la vie si facile, à condition d’avoir une prise de courant et une connexion Internet. Ces bouts de métal n’ont pas seulement fait une entrée fracassante dans notre vie, mais ils nous attirent comme des sirènes attireraient des marins perdus au fin fond de l’océan. Nous y devenons dépendants et machiavéliquement enchainés.

Plus les composants électroniques sont petits, plus vos gadgets sont légers.

Dans cette quête de nouveauté et de sophistication, les critères peuvent varier. Entre vitesse et robustesse vient s’infiltrer le désir d’un poids léger, d’une augmentation de la longévité de la batterie et surtout d’un beau design. Mais tout cela vient avec un prix, pas celui inscrit sur les tablettes, pas celui qui balaie vos économies comme ferait la brise d’une minuscule poignée de poussière, ni le prix qui vous fait vendre un rein pour acquérir l’objet de vos désirs. Le prix en question est celui du ou des minerai(s) qui permet(tent) de réduire la taille et le poids de vos gadgets, et ce prix-là, c’est avec le sang qu’on le paye.

Les petits plaisirs de la vie du Nord sont payés par les supplice de la misère du Sud.

Pour réduire l’épaisseur d’un téléphone par exemple, il faut réduire la quantité de matériaux qui entrent dans sa fabrication. Il existe certains minerais qui permettent de réduire la taille des composants électroniques, tout en garantissant la performance. Le minerai le plus prisé dans ce domaine est sans doute le tantale, qui est un conducteur d’électricité résistant à la chaleur et à la corrosion. Ces propriétés physiques font que le tantale rentre dans la fabrication des condensateurs, des ordinateurs et des téléphones portables, des missiles, des fusées, des avions, et même des instruments chirurgicaux, puisqu’il ne réagit pas avec les liquides biologiques.

Résistant aux acides et à plusieurs gaz corrosifs, le tantale a une température de fusion de 3017°C, qui est un point très élevé que seuls l’osmium, le tungstène, le carbone et le rhénium dépassent. Cela veut dire que ce minerai magique conduit tellement bien l’électricité que votre ordinateur ou votre téléphone ne plantera pas (ou presque), et que même si votre appareil chauffe, les composants à base de tantale ne vont pas fondre, à moins que vous ne décidiez de jeter votre gadget, qui vous a couté un rein, dans un four à verre. Vous me direz que jusqu’ici je ne vous parle que de développement technologique et vous ne voyez pas le lien avec le sang. Eh bien, ce tantale tant prisé est obtenu en raffinant le coltan.

Le coltan, un mot souvent ignoré par plusieurs, mais qui, à lui seul, torture, tue et détruit un peuple qui n’a commis de crime qu’être né sur un sol riche en coltan. Les firmes se l’arrachent comme on s’arracherait des miettes de pain par temps de famine. La République démocratique du Congo (RDC) constitue l’une des rares réserves mondiales en coltan (80% de la réserve mondiale), ce qui en a fait une destinée de choix de toutes les multinationales ayant suffisamment d’argent pour extraire cette pierre philosophale.

Coltan, ce minerai qui tue, torture et déchire tout un peuple.

Certains y verront une réjouissance, une économie prospère pour le pays et la création de multiples emplois, vœu pieux!!! Les Congolais travaillent dans les mines, non pas parce qu’ils le veulent, mais par ce qu’ils doivent le faire s’ils ne veulent pas mourir de faim. Un travail où l’on risque chaque jour de mourir, et où chaque matin reprend ce que la veille a pu ramener. On se dirait dans ces époques où on obligeait les moins fortunés à être gouteurs au service des seigneurs, un métier où l’on risque de passer dans l’au-delà à chaque repas.

La plupart des multinationales font recours aux milices pour faire maintenir l’ordre dans les mines, et ces dernières sont passés maitres dans l’art de la torture. Les femmes sont violées devant leurs maris, pères ou enfants, ainsi la famille est détruite, les terres sont prises de force et on n’a plus d’autre choix que de travailler comme esclave dans les mines. À ceci s’ajoute l’obscurantisme séculaire ancré par des années de colonisation, des années où les Congolais n’avaient point droit à une quelconque éducation. De ce fait, il ne doit pas nous surprendre de voir que les tribus rejettent les femmes violées et les mettent à la rue. À l’usurpation économique s’ajoute alors une détresse sociale.

Je ne me veux point alarmiste ou moralisatrice, moi-même étant une accro à la technologie. Il s’agit d’une problématique qui outrepasse les solutions dichotomiques, une problématique qui nécessite une réflexion humanitaire capable de prendre en charge l’aspect social aussi bien que les enjeux économiques. Que ce soit le coltan, le cacao, les diamants, le café…nous semblons souvent oublier que les petits plaisirs de la vie du Nord sont payés par de grands supplices de la misère du Sud.

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici