En salle depuis le 4 mars 2021 et disponible sur la plateforme Crave, The Batman (2022) est le dernier long-métrage du réalisateur américain Matt Reeves. Le film était initialement prévu en juin 2021 mais a été repoussé à deux reprises en raison de la pandémie de Covid-19. À l’heure actuelle, il s’agit du film ayant les recettes les plus élevées de 2022 avec un montant de près de 737 millions sur un budget estimé à près de 200 millions. Réalisateur de nombreux longs-métrages tels que Cloverfield (2008) Let Me In (2010), Dawn of the Planet of the Apes (2014) ainsi que War for the Planet of the Apes (2017), Matt Reeves nous propose une version très sombre et violente du personnage iconique de Batman.
The Batman; une œuvre de style néo-noir d’une grande noirceur
Lors de la nuit d’Halloween, le maire de Gotham City est brutalement assassiné dans sa résidence par un homme masqué. À leur arrivée sur les lieux du crime, la police découvre des indices et des énigmes à l’attention de Batman. Rapidement, à l’aide des réseaux sociaux, le tueur se présente comme étant le Sphinx (Paul Dano), un meurtrier paranoïaque qui désire s’attaquer à la corruption au sein de la ville. Aidé par le commissaire James Gordon (Jeffrey Wright) ainsi que Catwomen (Zoë Kravitz), Batman devra infiltrer le monde interlope de Gotham, dirigé par Carmine Falcon (John Turturro) ainsi qu’Oswald Cobblepot alias, le Pingouin (Colin Farrell), dans le but d’arrêter le tueur.
The Batman est sans aucun doute l’une des adaptations cinématographiques les plus sombres du personnage iconique de DC Comics. Contrairement aux nombreuses adaptations, le film de Matt Reeves met en scène un Batman (Robert Pattinson) déjà établi dans la ville. L’une des forces du film, est qu’il épargne au spectateur les origines du personnage. Scènes présentes dans la majorité des films, dont celui de Tim Burton, Batman (1989) ainsi que Batman Begins (2005) de Christopher Nolan. Cette fois-ci, on nous propose une enquête policière nous rappelant par moment l’intrigue et l’ambiance d’un film néo-noir tel que Seven (1995) et Zodiac (2007) de David Fincher ou encore des scènes de la franchise Saw, lorsqu’il est question des différents meurtres commis par le Sphynx. Il s’agit donc d’un film où l’intrigue policière et l’enquête sont la principale force, puisque les scènes d’actions sont extrêmement efficaces, mais peu nombreuses. La violence de celles-ci est marquée non pas par la quête d’un sentiment de justice du personnage, mais bien par une obsession et une rage de se venger.
L’un des aspects intéressants du film est la présence de la ville de Gotham. Dans les précédents films, la ville est présente en trame de fond, cependant, dans The Batman, la ville joue un rôle prédominant, elle est omniprésente et angoissante. En ce qui a trait à la direction photographique, le travail de Greig Fraser est magnifique. Ayant travaillé notamment sur le film Rogue One: A Star Wars Story (2016) et Dune (2020), l’esthétisme présent dans The Batman nous rappel avec une certaine nostalgie, les films policiers des années 90 où le noir et le gris étaient prédominants. Se déroulant majoritairement la nuit, dans une ambiance pluvieuse et brumeuse, le film est sombre, ce qui reflète l’état émotionnel des protagonistes. La trame sonore joue un rôle important dans le récit, puisqu’elle y ajoute un aspect inquiétant. La musique composée par Michael Giacchino est par moment d’une certaine agressivité, car elle rythme la ville et l’enquête, telle une horloge qui annonce le temps qui reste dans une course contre la montre.
The Batman; une relecture proche du réel.
Misant sur le sentiment de nostalgie du spectateur, tout comme le dernier opus de l’univers Marvel, Spider-man: No Way Home (2021), The Batman nous offre une relecture des personnages de Gotham. Tout d’abord, afin de construire le personnage de Bruce Wayne, le réalisateur a affirmé en entrevue, s’être inspiré de l’image de Kurt Cobain, ce qui donne un aspect mélancolique et sombre au personnage. Contrairement à la vision plus libertarienne et autoritaire de Frank Miller et de Christopher Nolan, où le personnage est un millionnaire dandy et extraverti, celui interprété par Robert Pattinson est un être introverti et reclus et n’ayant qu’un seul objectif, venger la mort de ses parents. En ce sens, le Batman de Robert Pattinson est craint de la population en raison de sa violence. À l’opposé de la vision traditionnelle du justicier, The Batman nous propose un protagoniste qui représente l’incarnation de la vengeance aveugle.
Malgré cette vision plus violente, le film dresse un portrait plus progressif du personnage de Batman, allant même d’une critique sociale en questionnant la fortune des milliardaires et les raisons pour lesquelles, ceux-ci ne s’impliquent-ils pas plus envers les classes pauvres. Le Sphynx quant à lui a été inspiré par l’énigmatique tueur du Zodiac. La présence de ces deux personnages permet à Matt Reeves d’aborder la question des luttes de classes et des privilèges des riches dans nos sociétés. Ayant grandi dans un orphelinat, c’est à la suite de plusieurs mauvais traitements et de faux espoirs que le personnage de Paul Dano se révolte et tente d’obtenir justice par la vengeance. Nous sommes en présence de deux personnages dont la principale motivation est la vengeance. C’est pourquoi le film questionne et remet en question la raison d’être du justicier. Et si la vengeance n’était pas la solution et que celle-ci rendait aveugle?
En somme, The Batman est un excellent film que je conseille fortement, et ce malgré sa durée de trois heures. Matt Reeves nous offre une magnifique relecture sombre et mélancolique du personnage tant aimé de Batman. https://ouvoir.ca/2021/the-batman
Suggestions de la semaine :
1- Zodiac, David Fincher (2021) https://ouvoir.ca/2021/the-batman
2- Coda, Siân Heder (2021) https://ouvoir.ca/2021/coda
3- The Dark Knight, Christopher Nolan (2008) https://ouvoir.ca/2008/le-chevalier-noir
4- Cosmopolis, David Cronenberg (2012) https://ouvoir.ca/2012/cosmopolis
5- X, Ti West (2022) https://ouvoir.ca/2022/x