Présenté en première mondiale le 13 juillet 2021 lors de la 74e édition de Festival de Cannes, Titane de la réalisatrice française Julia Ducournau s’est mérité la prestigieuse Palme d’or. Il s’agit du second long métrage de la réalisatrice qui nous avait offert Grave en 2016. Déjà avec son premier film, Julia Ducournau nous propose un cinéma engagé et revendicateur. Alors que Grave se présentait comme un drame d’horreur abordant les principaux thèmes du «coming of age», celui-ci nous a principalement marqué comme étant un pamphlet végane. Cette fois, avec cette œuvre troublante qu’est Titane, la réalisatrice nous propose un film «Body Horror» sous un angle du «female gaze» et de la transidentité masculine.
À la suite d’un grave accident de voiture alors qu’elle était enfant, Alexia (Agathe Rousselle) vit désormais avec un implant de titane dans le crâne. Souffrant d’un syndrome post-traumatique en raison de son accident et de la violence physique infligée par son père, la jeune trentenaire est empreinte de pulsions meurtrières. Alors qu’elle doit fuir les autorités françaises, Alexia décide de prendre l’identité du fils de Vincent (Vincent Lindon), disparu depuis 10 ans. Dès lors, on assiste à une descente dans la déchéance psychologique et corporelle de deux êtres dans une spirale d’images dignes des plus grands films de «Body Horror».
Un vent de renouveau souffle sur le Body horror
Titane est probablement ma plus grande surprise de l’année 2021. En plus de s’inscrire dans le genre du Body Horror, Julie Ducourneau nous propose une œuvre complètement décloisonnée aux genres cinématographiques multiples. Conjuguant la science-fiction, le drame psychologique ainsi que le gore, Titane nous rappel sans hésitation l’œuvre de David Cronenberg, notamment le long métrage Crash (1996) et The Brood (1979). Dès les premières scènes du film, on reconnaît l’esthétisme du cinéma de genre trash et très éclaté, nous rappelant par moment les œuvres de Gaspar Noé, Climax (2018), Enter The Void (2009), ceux de Leos Carax, Holy Motors (2012) ainsi que les œuvres de Nicolas Winding Refn, Drive (2011) et The Neon Demon (2016). Cependant, contrairement à ces nombreuses œuvres, ce qui caractérise Titane est sa déconstruction du genre afin d’en apporter une touche purement féministe.
Une réflexion sur l’identité
Titane ne laissera personne indifférent puisqu’il s’inscrit parfaitement dans le contexte de création artistique à l’ère des idées de genre, cette fois-ci sexuelles. En plus de transcender les différents genres cinématographiques, Julia Decourneau nous propose un récit où le personnage principal se doit de transcender son identité sexuelle, dans sa quête de liberté. En ce sens, Titane aborde la question de la transidentité, mais cette fois-ci masculine. La question de la transidentité au cinéma a été traitée à de nombreuses reprises sous l’angle féminin. De nombreux films nous proposent une transformation d’un homme vers le genre féminin, que ce soit sous forme de comédie, Tootsie (1982), Mrs.Doubtfire (1993) ou encore sous l’angle dramatique avec des œuvres telles que Laurence Anyways (2012) de Xavier Dolan ainsi que Danish Girl (2015) de Tom Hooper. Cependant, malgré une très longue liste, un vide se constate quant aux œuvres liées à la transidentité masculine.
Une œuvre provocante et féministe
L’une des principales forces du film de Julia Ducourneau en tant que réalisatrice est le regard qu’elle porte sur son personnage principal féminin. Le film s’intègre parfaitement dans la mouvance du cinéma féministe qu’est le «female gaze». Le female gaze au cinéma est une théorie féministe qui questionne le regard que les spectateurs et les spectatrices ont envers un personnage féminin. Cette théorie démontre qu’une grande partie des œuvres cinématographiques réalisées par des hommes ont souvent condamné la femme à un rôle à la fois secondaire et objectivé dans des rôles stéréotypés. Le «female gaze» est une réponse à cette problématique. Par conséquent, le regard que pose Julia Decourneau sur son personnage d’Alexia s’inscrit dans cette démarche artistique et féministe d’un regard purement féminin.
En outre, Julia Decourneau nous offre une excellente critique de la culture automobile où les femmes sont souvent des accessoires au côté d’une voiture. Ici on constate qu’elle reprend en début de film, les codes de certains films, dont les interminables et trop nombreux Fast and Furious. On y voit le personnage d’Alexia qui dans un spectacle de voiture danse de manière érotique sur une devanture de voiture. Cependant, très rapidement, cela dégénère et on assiste à des scènes de sexualité provocante. Où David Cronenberg traitait d’un fétichisme envers les accidents de voiture dans Crash, Titane nous propose un fétichisme de voiture où son personnage a des relations sexuelles avec une voiture. En ce sens, Titane se veut un pied de nez à cette culture masculine parfois toxique.
En somme, je vous conseille fortement le visionnement de Titane. Il s’agit d’une œuvre engagée et provocante qui ne laissera personne indifférent.
Cette semaine se déroule Cinemania dans le cadre de la 27e édition du Festival de Films Francophones. C’est près de 88 longs-métrages et courts-métrages provenant de différents pays de la francophonie qui seront présentés en salle du 2 au 14 novembre et ligne jusqu’au 21 novembre à l’adresse suivante: https://www.festivalcinemania.com/fr
Suggestions de la semaine
1- Dune (2021) Denis Villeneuve
2- No Time to Die (2021) Cary Joji Fukunaga
3- Lamb (2021) Valdimar Jóhannsson
4- Old (2021) M.Night Shyamalan
5- The Death of David Cronenberg (2021) David Cronenberg, Caitlin Cronenberg