
La Galerie R3 de l’UQTR confit son espace à l’artiste Annie Conceicao-Rivet jusqu’au 21 octobre 2016. Son exposition La rencontre des masses : études et prototypes s’apprivoise difficilement pour le néophyte, mais réussit tout de même à poser des questions qui touchent à des sujets actuels. L’impact de l’humain sur des objets banals ainsi que l’accumulation sont au cœur des préoccupations de cette exposition. Ces enjeux sont abordés avec plusieurs techniques rudimentaires tel le tracé contour, le frottis et le pochoir.
L’artiste a choisi non seulement d’exposer ses œuvres finalisées comme c’en est l’habitude, mais aussi les traces de son travail en atelier. En apportant des parcelles de son atelier à la vue de tous, Conceicao-Rivet positionne les études en avant plan. Ces études de formes s’apparentent à ce que pourrait être le carnet de l’écrivain, que certains publient et d’autre pas. Cette décision donne accès au cheminement du processus créatif. L’œuvre finale présentée au grand jour est en fait le résultat d’une accumulation d’observations, de tests et de décisions.
La disposition de l’exposition fait en sorte que deux corpus d’œuvres cohabitent de part et d’autre de la galerie. Toujours dans l’idée de la stratification de l’objet et de l’étagement de ses sections tracés pour en définir des formes nouvelles, les deux parties de l’exposition se distinguent par la provenance des objets en question. D’un côté, ce sont les œuvres et les études issues d’une résidence d’artiste en Finlande.
Les gobelets de lait, une fois atterris dans le bac vert, deviennent des formes uniques aux multiples facettes.
Lors de cette résidence, Conceiao-Rivet a observé l’impact du contact humain sur des pintes de lait. Cet objet usiné est compressé aléatoirement par l’individu qui en a terminé. Dans un geste machinal et banal, l’usager se débarrasse du contenant pour le remettre en circulation par l’entremise du bac de recyclage. L’artiste y reconnaît une grande liberté. Celle de disposer froidement, en l’écrasant, d’un objet jadis utile.

Les gobelets de lait, une fois atterris dans le bac vert, deviennent des formes uniques aux multiples facettes. Ces formes sont stratifiées et dessinées. Ensuite, le tracé contour devient pochoir et c’est ensuite une accumulation d’aquarelle qui rend des images abstraites. Le même principe de décalage et de transformation de l’objet est appliqué pour la seconde partie de l’exposition. Cette fois, ce sont des œuvres devenues objet qui servent de matériaux d’étude. Des reliquats de moulage dont certains ont servi à des performances.
En apportant des parcelles de son atelier à la vue de tous, Annie Conceicao-Rivet positionne les études en avant plan.
Perçu par l’artiste comme un travail cyclique et qui, pour la première fois dans l’histoire de sa pratique, s’échelonne dans la durée, cette obsession pour le chemin de l’objet partant de la consommation utilitaire à son rejet culminera par la création d’une sculpture. Une numérisation 3D d’un amoncellement de trois ans de déchets d’atelier s’entassant en empilage a été imprimée en strates de deux pouces, puis ce qui représente la matière est ajourée. Ces grandes feuilles qui se superposent au sol donnent l’impression d’une carte topographique. Attendue pour 2017, cette œuvre permettra à l’artiste de boucler un cycle et de renouer avec son travail d’estampe.
Toute cette exposition se défend mieux par les mots que par le visuel, ce qui reflète les recherches parfois trop intellectuelles de l’art et peuvent ainsi creuser un fossé entre spectateurs et créateurs. En plus de toucher au modelage, à la sculpture, à expérimenter le son et l’image vidéographique, Annie Conceiao-Rivet se plaît à explorer la photogravure.
Très bon article Marie-Christine. Tes observations sont justes et ouvertes.Merci.
Lorraine