
J’étais recouverte de laine jusqu’au bout des orteils, assise devant le poêle à bois, sur lequel mon père faisait dorer un grilled cheese. Mon cœur ronronnait sous l’enveloppe de cette chaleur réconfortante. Je l’entends encore me dire tout bas: «Quand y fait frette, rien de mieux qu’une petite attisée pour se réchauffer!»
Au-delà de ce genre d’ambiance, à l’abri de la tempête, mon père me racontait des histoires. Vraies, pas vraies, j’y croyais toujours. Il commençait avec celles que lui avait auparavant racontées mon grand-père. Bucheron, chasseur, pêcheur et un fidèle adepte du temps des sucres, il avait récolté beaucoup d’histoires où la forêt lui révélait la partie claire, mais aussi obscure de ses entrailles. Puis, mon père se plaisait à en raconter quelques-unes de son cru. Passionné de motoneige et chef de train de métier, il me partageait des péripéties assez abracadabrantes pour mon imagination d’enfant. Bien sûr, quand approchait le temps des Fêtes, il rehaussait ses histoires d’un esprit plus féérique.
En grandissant, j’ai découvert bon nombre de contes et de légendes. La tradition de l’oralité dans les contes et les légendes s’est perpétuée d’année en année. D’ailleurs, le Québec a connu bon nombre d’auteurs qui se plaisaient à écrire, mais aussi à raconter de vive voix des histoires. Fred Pellerin? Non, vraiment plus dans l’temps que ça, plus vieux, vous voyez? Plus vieux que mon grand-père! Une époque où les écrivains illustraient à la tonne le rapport entre la nature et l’homme, où l’omniprésence de la forêt parsemait des pages et des pages. En effet, les écrivains du XIXe siècle ont légué à l’histoire littéraire québécoise un portrait assez romantique de leur temps. On constate que ces thèmes ont continué d’habiter nos ancêtres à travers les années. Mais qui sont ces écrivains québécois du XIXe siècle? Quels sont ces contes et ces légendes qu’ils se plaisaient à raconter dans l’temps et plus particulièrement ceux qui abordent Noël puisque le temps des Fêtes approche. Je vous jure que ça vaut la peine d’en lire au moins un!
Tous les Québécois, du moins, j’ose l’espérer, connaissent la légende de La chasse-galerie. Selon l’office national de la langue française, le mot «chasse-galerie» définirait une ronde nocturne des sorciers ou des loups-garous. Et pourtant ce canadianisme folklorique donné comme titre à une légende s’apparente, oui, à une ronde nocturne, mais avec le diable. J’ose davantage espérer que vous du moins, chers lecteurs, vous connaissez le nom de son auteur. La version la plus connue de cette légende fut écrite en 1900 par Honoré Beaugrand (1848-1906), journaliste et politicien. La chasse-galerie a, sans nul doute, marqué les mémoires, mais un petit rafraichissement ne ferait pas de torts à votre famille, lors de la soirée du Réveillon!
Au tour de Louis Fréchette (1839-1908), homme politique et homme de lettres très prolifique pour l’époque. Il a publié une cinquantaine de contes, dont les Contes de Jos Violon. Ces derniers parurent d’abord de façon éparse dans divers périodiques pour être finalement réunis dans un même recueil en 1974. Aussi, La Noël au Canada est un recueil de contes publié en 1900 avec des illustrations du peintre Frederick Simpson Copburn. Il s’agit d’un recueil où l’inspiration dans le folklore populaire révèle la thématique de l’enracinement au territoire et à l’hiver québécois. Même si Noël n’apparait pas comme un sujet dominant dans son œuvre, la façon dont Fréchette le raconte illustre bien l’imaginaire de nos ancêtres quant à cette fête sacrée.
Un peu moins connu que les deux autres, Pamphile Le May (1837-1918) n’en n’est pas moins talentueux quant à l’écriture. Bibliothécaire de profession, il affectionnait la littérature et ses contes sont particulièrement incroyables! L’un de ses ouvrages les plus appréciés en prose est Contes Vrais publié en 1899. D’ailleurs, il contient un conte de Noël «Mariette». Aussi, il a écrit Fêtes et Corvées, un ouvrage dont le titre révèle clairement le sujet de l’œuvre. Ce qui est intéressant, c’est qu’il contient une partie où Pamphile décrit la fête de Noël. Les écrivains dans l’temps étaient aussi des témoins. C’est donc avec sa plume qu’il posa un regard sur le temps des fêtes et qu’il partagea son opinion sur l’origine de la fête, le tout suivi d’un conte nommé «Fantôme». Le May aimait beaucoup écrire des histoires de fantômes et de loups-garous. Je vous le conseille donc aussi pour vos soirées d’épouvantes extrêmes!
Les écrivains dans l’temps étaient aussi des témoins.
Enfin, je pourrais vous donner plein de noms d’auteurs (Henri Raymond Casgrain, Octave Crémazie, François-Xavier Garneau, Arthur Buies, Laure Conan, Jean-Paul Tardivel, Hector Fabre, etc.) et vous parler de leur parcours littéraire fascinant, puisqu’ils étaient tous, à leur façon, des visionnaires. Ils ont su se tailler une place dans la société canadienne-française grâce aux brochures et aux journaux et purent témoigner de la vie littéraire, mais aussi socioéconomique, politique et historique de notre pays. Comme quoi c’est à travers les histoires qu’on aide à la construction d’une identité. N’hésitez donc pas à remplacer les histoires de mononcle par celle de Fréchette et laissez-vous bercer dans l’imaginaire de votre grand-mère. Il est certain qu’elle en connait des pas pires!