Chronique d’un lunatique: Pour un réel plus chevaleresque

0
Publicité

Étudier en Lettres, puis se trouver un emploi en lien avec l’écriture, c’est aussi s’en trouver un autre qui ne possède aucun lien avec le domaine culturel. Ne voyez aucune haine dans cette dernière phrase, reste qu’elle est forte de vérité, j’en suis sûr, pour bon nombre de mes contemporains.

Vous aurez également deviné que c’est le cas de mon humble personne. Pour cette raison, je suis en train d’écrire ces quelques lignes dans une guérite de stationnement qui, l’été, de par ses néons, attire toutes sortes d’insectes dont je n’aurais même pas deviné l’existence sans cet excitant sidejob. Sous l’austérité de l’hiver et du béton gris du stationnement souterrain, il va de soi que quelques pensées fugaces traversent mon esprit. Celles qui restent ce soir tournent grossièrement autour du peu d’adrénaline que me fournit cet emploi d’à côté qui ne me déplait pas trop non plus, ça reste au final un excellent moment pour consommer de la musique et, comme vous le constatez, produire une chronique en toute quiétude.

Néanmoins, je ne me sens ni investi d’une quête grandiose, ni envahi d’un sentiment prenant d’héroïsme. Je ne suis, ces soirs de guérite là, rien d’autre qu’un personnage de la grande histoire qui, humblement, tente de coucher ses pensées dans le carré d’un journal qui ne demande qu’à être lu par des gens dont l’esprit est souvent occupé par bien d’autres désirs et occupations que celui de me lire entre deux travaux de fin de session.

La fin de session, pour la majorité de vous, chers lecteurs, constitue le point culminant de votre épopée universitaire, le pic d’adrénaline d’une histoire qui, au fond, garde sa fin secrète, même pour vous qui l’écrivez.

Parlant d’épopées, il en est une qui reprendra son cours épique et qui tentera, pour une énième fois, de graver la mémoire collective mondiale quelque deux jours après la sortie de ce présent numéro du journal. Peut-être mission sera-t-elle déjà accomplie pour l’équipe du réalisateur JJ Abrams au cours des deux semaines durant lesquelles le dernier Zone Campus de 2015 foulera les présentoirs de notre merveilleuse université de béton. Vous l’aurez deviné, je m’enligne de manière fort limpide pour traiter du prochain méga-phénomène cinématographique: Star Wars: The Force Awakens.

Trop d’avance pour critiquer le film lui-même (qu’il serait de toute façon inutile de critiquer), c’est plutôt au phénomène que j’ai envie de m’intéresser. Il va de soi que ce sujet sort un peu de mon habituelle chronique musicale, mais bon, Noël arrive et je fais comme bon me semble!

Qu’est-ce qui explique que cette vieille progéniture directement sortie du cerveau de George Lucas parvienne encore aujourd’hui à frapper si fort l’imaginaire des jeunes comme des vieux. Contre vents et marées, malgré l’accueil difficile qu’ont reçu les trois derniers films auprès de la critique, Star Wars n’a jamais cessé d’engendrer de nouvelles histoires qui s’ajoutaient à ce fameux univers étendu: jeux vidéos, romans, jouets, jeux de société, rien n’y échappe. Ce fut d’ailleurs sur ce point que Lucasarts se démarqua du lot il y a de ça environ une quarantaine d’années. Six films plus tard, c’est Disney qui reprend le flambeau pour tenter de faire rêver de sabres lasers et de conquêtes de l’espace à une nouvelle génération.

Rien ne sert de se le cacher, Star Wars, dans presque son ensemble, ne constitue rien d’autre qu’une histoire de chevaliers et de princesses en détresse bien classique, outre le fait qu’elle se déroule dans l’espace. D’ailleurs, c’est peut-être la raison de son efficacité, c’est-à-dire que cette fictive guerre dans les étoiles ne répond au fond qu’au besoin humain de s’accrocher à une mythologie qui, de toute évidence, ne peut aujourd’hui justifier son existence que par la fiction consciemment consommée. Au même titre, d’autres grands phénomènes culturels s’inscrivent dans notre culture tels qu’Harry Potter ou Star Trek, cette saga qui n’en finit plus de finir se fait l’Iliade et l’Odyssée du XXIe siècle. Tolkien quant à lui, exposait publiquement son désir de créer une mythologie pour son Angleterre d’adoption, c’est ce qui le poussera à créer, durant plus de cinquante ans, l’univers qui entoure son plus que connu Seigneur des Anneaux.

«Rien n’est condamnable dans le désir d’un peu plus d’héroïsme et de légendaire dans sa vie, ni dans la volonté de laisser planer son imagination.»

Évidemment, il est louable de pourvoir à ces épopées fantastiques modernes le terme de mythologie. Loin de moi l’idée d’en galvauder la définition. Je crois malgré tout qu’il est pertinent de soulever la question.

D’un autre côté, il est impossible d’ignorer qu’il n’y a pas que ce besoin fondamental de merveilleux qui attire l’humain. Vous aurez, tout comme moi, bien remarqué toute l’attention médiatique ainsi que tout le travail de promotion mis en branle par Disney derrière ce monolithe de la science-fiction. Il va de soi que ce tsunami de publicités se veut une des principales raisons de l’attention du public, qui ne demande rien d’autre que d’embarquer dans ce cycle de diffusion pour participer à cet engouement collectif.

Il est, j’ose le croire, plausible que le citoyen occidental moyen, celui qui travaille huit heures par jour, cinq jours par semaine, désire sortir son esprit d’une forme de grisaille constante en l’alimentant d’histoires plus grandes que nature. Rien n’est condamnable dans le désir d’un peu plus de chevaleresque dans sa vie, ni dans la volonté de laisser planer son imagination. Le questionnement qu’il me reste cependant au final, et c’est là-dessus que je vous laisserai pour l’année 2015: n’est-il pas plus gratifiant et plus stimulant d’expérimenter réellement l’aventure, peu importe sa forme, qu’elle soit dans la création, dans le voyage, dans le sport, plutôt qu’en s’identifiant à un phénomène culturel de masse?

À tous, bonne et heureuse année 2016, en vous souhaitant d’être vrais avec vous-mêmes pour vos résolutions.

Publicité

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici