Il y a des jours où la vie ne nous épargne pas de ses petites misères. Parfois, cela peut même durer un bon nombre de mois, d’années. Quand on ne réussit pas à écarter certains malheurs, engendrant une panoplie de problèmes psychologiques, bon nous semble de faire quelques séances de thérapie. Tu n’es pas sans savoir, cher lecteur, qu’il existe différentes sortes de thérapies. L’art-thérapie, la musicothérapie et la bibliothérapie en sont de bons exemples. Je m’attarderai plus en détail sur cette dernière. D’ailleurs, nous avons la chance, à l’Université du Québec à Trois-Rivières, d’avoir une étudiante menant sa thèse sur ce sujet. Effectivement, Catherine Ethier, doctorante en psychologie, s’intéresse à la bibliothérapie. La parution de son travail est à suivre très prochainement… En attendant, abordons ensemble cette «thérapie par le livre».
Au temps des premiers hommes, les chamans ainsi que les sorciers se servaient de la psalmodie par la poésie lors de certains rites religieux, afin de réguler le bien-être de la tribu autant que de l’individu en soi. En effet, des mots guérisseurs inscrits sur du papyrus étaient dilués dans une solution pour être ensuite ingurgités par le malade. L’effet placebo des mots, toujours moins nocifs que celui des «médocs». De plus, selon La National Association for Poetry Therapy (NAPT), la bibliothérapie, réalisée sous la forme d’une écriture créative de la part des patients, sert de traitement complémentaire au Pennsylvania Hospital aux États-Unis, depuis plus de 200 ans. C’est donc depuis les premiers balbutiements de l’homme et selon les diverses croyances que la bibliothérapie est pratiquée, mais le terme lui fut officialisé seulement au XXe siècle. Effectivement, il fut officiellement reconnu en 1966 par l’Association of Hospital and Institution Librairies. Cette dernière décrit le terme selon deux définitions: il s’agit de «l’utilisation de lectures choisies comme soutien dans le cadre d’un traitement thérapeutique en médecine ou en psychiatrie» et «des lectures dirigées qui peuvent contribuer à la résolution de problèmes personnels».
La bibliothérapie fait davantage fureur dans les pays européens comme au Danemark et en Nouvelle-Zélande. Aussi, en Angleterre, la pratique de ce genre de thérapie est tellement optimisée qu’il y a quelques compagnies d’assurances qui vont même jusqu’à rembourser les livres prescrits par les médecins. Ils possèdent même un programme nommé Reading Well Books on Prescription visant à mettre à la disposition des Britanniques, souffrant de problèmes comme le désordre alimentaire ou la phobie, une trentaine de livres abordant la croissance personnelle. Ce programme fut approché par plus de 275 000 personnes, sans oublier que le taux d’emprunt des titres offerts dans le réseau des bibliothèques publiques a grimpé de 113%. Une façon tellement brillante de se tranquilliser l’esprit tout en se trémoussant les méninges et d’enrichir notre culture tout en prenant soin de notre santé mentale. Pour ce qui est de l’Amérique, depuis les années 80, aux États-Unis, il existe la National Association for Poetry Therapy ainsi que l’Association nationale de bibliothérapeutes qui accréditent ses praticiens. Enfin, au Canada, les intéressés sont membres de la Canadian Applied Literature Association.
Lors de mon errance parmi l’information concernant la bibliothérapie, j’ai constaté qu’il y avait diverses façons de procéder. Comme mentionné plus haut, les Anglais tendent vers une thérapie accentuée sur les livres concernant la croissance personnelle, la prescription, mais aussi selon l’auto-traitement.
Des lectures dirigées qui peuvent contribuer à la résolution de problèmes personnels.
La communauté francophone, elle, possède une approche différente. En effet, selon Régine Detambel, kinésithérapeute de formation et s’affichant comme bibliothérapeute, il est recommandé de «travailler à partir de textes forts, et certainement pas de donner une liste de livres, comme une prescription médicale». Elle tend à utiliser davantage la littérature dans le cadre d’une approche thérapeutique plutôt que d’après une prescription de livres. Dans la même optique, la Québécoise Katy Roy, diplômée à la maîtrise en littérature et doctorante en psychologie, est le génie derrière la Bibliothèque Apothicaire, fondée en 2009. Cette dernière englobe les trois passions de la jeune femme, c’est-à-dire la littérature, la psychologie et la philosophie. Ce qui intéresse Katy Roy dans la bibliothérapie créative, comme elle l’appelle, c’est «plus particulièrement [la] manière très personnelle d’entrer en contact avec la littérature en utilisant notre bagage d’expériences, de perceptions, d’imaginaire symbolique et de sensations.» La Bibliothèque Apothicaire propose des rencontres individuelles, mais aussi de groupe, où la lecture et l’imaginaire sont utilisés afin de nous aider à composer, de manières créatives évidemment, avec les défis que nous envoie la vie.
Côtoyer par la lecture, des personnages vivant une histoire semblable à la nôtre nous font toujours sentir un peu moins seul. Cela nous donne le sentiment d’être compris et nous aide à nous redéfinir par rapport aux autres et à notre environnement. La littérature a ce pouvoir de nous faire prendre du recul, pas seulement en tant que lecteur, mais aussi en tant qu’individu à part entière, autant dans la fiction que dans la réalité, autant dans le passé, le présent et le futur. Lire, pour se retrouver. La littérature est la formule de notre existence, elle est un réservoir à expériences. Alors, pourquoi ne pas se traiter à coup d’Ernest Hemingway et de Jacques Poulin?