Visions d’Anna: The dark side of Dalí

0
Publicité

Il me manquait. Lui et ses moustaches radar. Ses yeux globuleux, vitreux. Son esprit oscillant entre la folie et le génie. Artiste peintre surréaliste et révolutionnaire, Salvador Dalí fera l’objet de ma chronique, en tant que peintre, certes, mais particulièrement en tant qu’écrivain. Toi, lecteur, tu ne le savais peut-être pas, mais Dalí a aussi écrit des bouquins. Je m’attarderai plus précisément sur son Journal d’un génie (1952-1963) publié en 1964, alors qu’il avait 60 ans.

Le journal de Dalí témoigne de l’attrait qu’avait le peintre pour la mise en scène et la transgression. En effet, d’un côté on assistait à la représentation du Dalí-génie de la lampe ayant eu une influence considérable sur le monde de l’art, capable de créer et d’inventer d’une façon extraordinaire. D’un autre côté, il y avait le Dalí se donnant à voir comme quelqu’un de troublé, de désordonné mentalement, un personnage extravagant au comportement anormal, voire absurde. Le Journal d’un génie montre indéniablement la déconstruction de l’image dalinienne.

Dès la lecture de son prologue, le lecteur tombe moustache à moustache avec le narcissisme grandiloquent du peintre : «Le livre que voici prouvera que la vie quotidienne d’un génie, son sommeil, sa digestion, ses extases, ses ongles, ses rhumes, son sang, sa vie et sa mort sont essentiellement différents de ceux du reste de l’humanité.» Effectivement, ce n’est pas peu dire de sa part puisque son journal est parsemé d’idées, de réflexions et de mises en scènes loufoques et transgressives. Attardons-nous sur le côté obscur de Dalí, celui qui le fait basculer du côté de la folie.

Dalí passe d’un comportement tout de même bienséant à un comportement disgracieux réalisant des mises en scène plutôt scatologiques et érotiques. Par exemple, lors de son entrée dans le groupe des surréalistes, Dalí était bien intentionné: «Enfin imbibé de tout ce que les surréalistes avaient publié […] je fis mon entrée dans le groupe armé de ma bonne foi» (p. 22). Les intentions de Dalí semblent donc bonnes et les autres membres semblent heureux de l’accueillir au sein du groupe, mais Dalí avait déjà en tête sa propre conception du surréalisme. Pour Dalí, «les éléments scatologiques ne pouvaient que porter chance au mouvement» (p. 23), c’est pourquoi il ne négligea ni le sang, ni les excréments. André Breton fut choqué lorsqu’il découvrit les peintures de Dalí. Il lui imposa donc des règles: «Le sang m’était permis. Je pouvais y ajouter un peu de caca. Mais je n’avais pas droit au caca seul. On m’autorisait à représenter des sexes, mais pas des phantasmes anaux. Tout anus était regardé d’un très mauvais œil!» (p. 23) Alors Dalí transgressa son comportement d’apprenti surréaliste vers un comportement se rapprochant plutôt d’un apprenti scatophile. Croyez-vous qu’il respecta les contraintes de Breton? Dalí répliqua ainsi : «Ils n’aimaient pas les anus! Avec ruse je leur en apportais des masses bien dissimulées, et de préférence des anus machiavéliques. Si je construisais un objet surréaliste dans lequel n’apparaissait aucun phantasme de cet ordre, le fonctionnement symbolique de cet objet était exactement celui d’un anus.» (p. 24) Donc, cette fascination pour les éléments scatologiques qu’entretient Dalí appuie la mise en scène transgressive qu’il réalisa, afin de passer du comportement d’un artiste en recherche d’approbation pour son travail à un comportement d’artiste provocateur cherchant à choquer ses pairs par son travail.

Voulez-vous davantage d’anecdotes de ce genre? J’en ai une concernant Hitler! Ataboy!

La transgression des mises en scène réalisées par Dalí selon le contenu de son journal se poursuit avec l’érotisme. Il donne une vision érotique du corps d’Hitler donnant à voir une autre mise en scène choquante réalisée au moyen de la peinture, dont Dalí témoigne dans son journal. En effet, Hitler devient pour Dalí une source d’excitation, voire presque d’amour: «J’étais fasciné par le dos tendre et dodu d’Hitler toujours si bien sanglé dans son uniforme. Chaque fois que je commençais à peindre la bretelle de cuir qui, partant de sa ceinture, passait sur son épaule opposée, la mollesse de cette chair hitlérienne comprimée sous la tunique militaire créait en moi un état d’extase gustatif, laiteux, nutritif et wagnérien qui faisait violemment battre mon cœur, émotion très rare que je n’éprouvais même pas en faisant l’amour.» (p. 27) Cette représentation choquante dans laquelle se place Dalí est très représentative de ce désir de ne pas partager les mêmes idées que les autres. Il traverse une certaine limite éthique en commentant ainsi Hitler et transgresse l’opinion de plusieurs sur cet homme en se plaçant dans une position d’admiration et de désir envers cet individu.

Tu veux savoir comment Dalí devint un poisson ou connaître le plaisir qu’il eut à être entièrement recouvert de mouches? Le Journal d’un génie est fait pour toi et ton esprit tordu, mais ce livre ne raconte pas que des trucs rocambolesques. Il est aussi un témoin de l’Histoire de l’art du XXe siècle. De plus, Dalí explique à ses lecteurs le développement de sa pensée paranoïaque-critique, une théorie concernant sa conception de la peinture. Enfin, vous en apprendrez beaucoup sur sa façon d’interpréter la vie, l’amour et la réussite. En repoussant les limites, il trace les règles d’un univers bien à lui: provocateur et excentrique.

Publicité

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici