Chronique d’un lunatique: Manifeste pour l’éclectisme culturel

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Durant les semaines précédentes, j’ai eu l’occasion d’assister à nombre de concerts, tous différents les uns des autres. Plus récemment, j’étais présent à deux spectacles dont vous pouvez constater les contrecoups dans ce numéro du Zone Campus. Effectivement, au même titre que mes collègues Alexis et Judith, Adam Strangler et Philippe Brach auront su animer mes soirées de manière fort éclectique.

D’un côté, Philippe Brach, enfant terrible et/ou enfant chéri de la chanson québécoise. Il est révélation de l’année au dernier gala de l’ADISQ, de bien des manières autonome, mais à la fois protégé par la communauté artistique ainsi que plus jeune héritier de cette attitude sonore et musicale provenant du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour ma part, il représente, avec Bernard Adamus, cette recherche constante du public québécois de la prochaine figure de la bonne vieille chanson d’ici.

De l’autre côté, Adam Strangler, déjà forts connus sur la petite scène alternative locale, leurs classes sont également faites jusqu’à Montréal qui les voit maintenant grandir et expérimenter avec un nouveau son peaufiné et assumé. Comme maints autres artistes et groupes, ils portent le flambeau de tout ce que le Québécois moyen tend à oublier en musique. Avec une philosophie beaucoup plus mondialisatrice, ils créent sans compromis.

Je ne souhaite pas ici faire un retour sur l’un ou l’autre des concerts, ni établir une comparaison entre deux artistes de toute évidence incomparables.

Si mes deux définitions peuvent vous avoir semblé subjectives et qu’elles semblaient officier une espèce de parti pris vers la «nouvelle méthode», sachez que je n’enlève absolument rien à Brach en tant qu’artiste, ni à ces nouveaux arrivants du folk qui tentent, une fois de plus, de renouveler le genre, mentionnons par exemple Safia Nolin. Cependant, c’est une entrevue accordée à Urbania avec le personnage et leader du projet du même nom (Anatole), que mes dernières expériences en concert se sont transformées en questionnements que je crois pertinents.

Le grand public québécois est-il frileux à une authenticité scénique différente?

Désire-t-il tellement ce rapport familiarisant avec l’artiste qu’il en vient à biaiser sa vision de l’art scénique lui-même? Cela semblait être l’avis d’Alexandre Martel, le gars derrière le nouveau messie androgyne qu’est Anatole.

Tentant de nuancer mes pensées, j’accorderai mon opinion dans le même sens. Il est de mon avis que l’authenticité d’un artiste ne se doit pas de passer par l’authenticité de la personne qui produit l’œuvre elle-même. Tout ce qui prend place sur une scène devient en fait prétexte au faux. Bien sûr, lorsqu’on assiste à un spectacle d’Anatole, les costumes ainsi que la théâtralité sont mis de l’avant, le faux prime à 100%. Néanmoins, l’impression d’honnêteté artistique nous apparaît intacte.

D’un autre point de vue, le Philippe Brach chansonnier qui porte un kimono sur scène debout à côté de modules d’effets recouverts de fourrure parvient à nous convaincre que Japon et animaux empaillés vont de pair avec la relation plus «traditionnelle» qu’il a avec la chanson.

Sur un premier plan, celui d’Anatole, on nous vend un personnage, on nous vend un mensonge comme une vérité qui se veut fort convaincante. Sur l’autre, prenons Brach en exemple, l’éclectisme vient de l’artiste lui-même plutôt que de son œuvre. Ce que je cherche à démontrer ici, c’est qu’aucune solution n’est bonne, ni mauvaise, mais que dans tous les cas, lorsqu’on se met en scène, le faux devient vrai, et le vrai devient faux. Tout s’unifie sous le grand prétexte du spectacle si l’acte de mise en scène est assumé par celui qui le produit.

Pourquoi autant de musiciens rock sont-ils tous de noir vêtus depuis tant d’années? Est-ce un hasard si Olivier Langevin de Galaxie portait, à chacun des spectacles que j’ai pu voir du groupe cette année, le même t-shirt de Black Sabbath? Ce serait utopique de croire que oui.

Dans ma dernière chronique, je parlais de cette tendance que nous avons au Québec, par la petitesse de notre milieu artistique, à tout classifier lorsque vient le temps de poser un regard sur notre culture. Sont-ce les contrecoups de cette sorte de procédé inconscient qui nous rendent si frileux à l’idée qu’il serait effectivement possible d’avoir notre Ziggy Stardust moderne québécois? Il ne suffit pas de creuser si loin pour constater que l’expérience fut déjà tentée et qu’elle fut teintée de succès, pensez à l’Osstidcho ou pensez à Diane Dufresne. Je ne vous apprends pas qu’ils ont marqué la culture québécoise du XXe siècle.

Il existe aujourd’hui une foule de projets artistiques qui sortent des sentiers battus, pensons à l’art multisensoriel d’Organ Mood, à la schizophrénie lyrique de Klô Pelgag, à la théâtralité d’Anatole ou encore à l’humour noir de Philippe Brach. De toute évidence, je laisse ici passer plusieurs autres artistes tous aussi intéressants les uns que les autres. Ce n’est pas l’offre qui manque, mais peut-être la demande. Pourquoi doit-on toujours attendre le nouveau Dédé Fortin?

N’attendons pas d’être américains pour se trouver notre Jim Morisson des temps modernes. Assumons l’éclectisme de l’art québécois, et faisons de nos artistes émergents les porte-étendards de la diversité créative.

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