Projet de thèse sur les enfants victimes d’agressions sexuelles: La trajectoire inattendue de Noémie Allard-Gaudreau

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Noémie Allard-Gaudreau. Photo: Gracieuseté
Noémie Allard-Gaudreau. Photo: Gracieuseté

Pour la plupart d’entre nous, l’analyse de discours renvoie à l’image d’universitaires se penchant sur la rhétorique des politicien.ne.s. Ainsi en était-il aussi pour Noémie Allard-Gaudreau, qui a passé sa maîtrise à s’intéresser aux «représentations sociales des leaders féminins en milieu non traditionnel». Jusqu’au jour où elle a mis les pieds à l’École nationale de police du Québec (ENPQ), à Nicolet.

C’est un contrat de recherche qui mène d’abord la doctorante à l’ENPQ. L’accès à des données sensibles devait se faire dans ce lieu sécurisé. La chercheuse a pour mandat d’analyser des verbatim d’entrevues d’enfants relatant les abus dont ils ont été victimes. Bien que multidisciplinaire, l’équipe est largement composée de psychologues. On s’intéresse vite à l’apport dans la recherche de l’étudiante issue de la communication. Noémie tombe de son côté dans un univers qui la fascine.

«Ma maîtrise m’a passionnée, mais là je sentais que je tombais dans quelque chose d’encore plus fort.» — Noémie Allard-Gaudreau

La chercheuse trouve ses aises et intègre bientôt l’équipe de recherche. «Je suis un peu comme une auxiliaire de recherche. Je travaille sur les aspects linguistiques, pragmatiques et sémantiques des contenus», relate celle qui parle avec l’autorité que confère un mélange de pratique et de passion. Un contrat d’abord passager devient ainsi un emploi, lequel la mène à une remise en question de sa trajectoire universitaire.

Intégrée au Groupe de recherche en communication politique (GRCP), en compagnie de la professeure qui la dirige alors, Mireille Lalancette, Noémie doit faire un choix. «Ma maîtrise m’a passionnée, mais là je sentais que je tombais dans quelque chose d’encore plus fort», se remémore-t-elle. Après une année de scolarité de doctorat, elle réoriente donc son projet de thèse et travaillera sur «l’analyse du discours d’enfants victimes d’agressions sexuelles dans le cadre d’entrevues d’enquêtes menées à l’aide du protocole NICHD».

Le protocole du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) a été développé par une équipe de chercheurs australiens. Largement utilisé par différents corps policiers à travers le monde pour recueillir les témoignages de jeunes victimes d’abus, le protocole a été traduit au Québec par la professeure titulaire de l’Université de Montréal, Mireille Cyr… Codirectrice de thèse de Noémie. «Elle est psychologue; ici à l’UQTR, c’est la professeure Marty Laforest du département de lettres et communication sociale qui me dirige», précise-t-elle.

«Le témoignage des victimes dans le cadre de l’entrevue d’enquête est la pierre angulaire pouvant mener à la condamnation de l’agresseur.» — Noémie Allard-Gaudreau

Travaillant maintenant au sein du Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS), c’est aux enfants victimes d’agression sexuelle dite «participative», c’est-à-dire ceux qui tombent sous l’emprise et la manipulation de leur agresseur, que Noémie entend consacrer sa thèse.

De façon concrète, la chercheuse comparera le discours produit durant l’entrevue d’enquête des victimes qui ont subi une agression «participative» à celles qui n’ont pas subi d’agression participative sous l’angle de la Forensic Linguistics (linguistique juridique). «Les dossiers de preuve sont difficiles à monter dans les cas d’agressions sexuelles. À ce stade, je peux supposer que ce sont les victimes d’agressions sexuelles participatives qui éprouvent le plus de difficultés dans le système judiciaire. Elles subissent une agression qui ne correspond pas aux stéréotypes de l’agression sexuelle», explique-t-elle.

Il s’agira notamment de relever les stratégies discursives déployées par les agresseurs pour soumettre leurs victimes à leurs désirs sexuels, phénomène connu dans la littérature anglaise comme le grooming. «Le témoignage des victimes dans le cadre de l’entrevue d’enquête est la pierre angulaire pouvant mener à la condamnation de l’agresseur. La recherche faite là-dessus est trop rare et, d’un point de vue social, les retombées potentielles sont importantes», idéalise celle qui semble avoir trouvé sa voie.

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