Ceci devait être un propret petit éditorial de début de session, dans lequel je discuterais des différents défis qui se poseront à mon avis au courant de la session pour l’AGE UQTR. Cela viendra, mais plus tard. Les malheureux évènements font qu’il sera question d’autre chose.
Il serait en effet impossible de ne pas parler des horribles attentats parisiens de la semaine dernière. L’auteur de ces lignes est réticent à se définir comme un journaliste. Il n’en demeure pas moins que j’œuvre présentement dans un journal et que cet attentat visait des collègues, particulièrement à cause de cette occupation que nous partagions. C’est donc premièrement en tant que journaliste que cette nouvelle me touche.
Dans un ordre d’idées similaire, plusieurs membres de l’équipe du Zone Campus sont des ressortissants français. Celles-ci et ceux-ci sont particulièrement touché(e)s par cet évènement. En plus du fait que ce sont leurs compatriotes qui ont été assassinés, il s’agit pour plusieurs d’une publication pour laquelle ils et elles éprouvaient une grande sympathie, étant donné notamment sa mission de défense de la liberté d’expression.
Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à deux de ces collègues en particulier qui, en pleine tourmente nationale, s’activaient à organiser les changements dans le présent numéro (qui était partiellement bouclé depuis la fin décembre).
Je m’en tiendrai du reste à un seul commentaire, très théorique à la base, reposant justement sur la notion de liberté d’expression. J’ai de la difficulté à dire que cet attentat en est un contre la liberté d’expression, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, même si la liberté d’expression en est une des plus fondamentales, elle n’est pas absolue pour autant. Au Charlie Hebdo, on avait tendance à sauter à pieds joints sur la limite de celle-ci. Je n’ai pas envie d’embarquer dans la question de savoir si c’est une bonne chose ou non: j’avais à l’origine tendance à dire que non, mais plusieurs commentaires m’ont fait remettre cette opinion en question. De plus, qui suis-je en tant que Québécois (n’ayant, par ailleurs, à peu près jamais lu ledit journal) pour juger des limites de la liberté d’expression en France?
Si les caricatures du Charlie Hebdo peuvent sembler simplement choquantes pour des Québécois, c’est que nous n’avons pas la même relation à la liberté d’expression qu’en France. Notre tradition juridique, héritée des Britanniques, fait que le simple fait d’être un citoyen nous donne droit à la liberté d’expression. En France, dans une tradition de républicanisme, la liberté d’expression n’est pas un a priori, mais est délimitée par la classe politique. Le malheureux journal s’est historiquement posé en défenseur contre la censure étatique. Ce semblant de mauvais goût représente donc une tentative de repousser les limites de la liberté de parole imposées aux Français.
Cela donne donc un éclairage particulier à ces publications et nous ne devrions pas les juger à la lumière de nos critères locaux.
Deuxièmement, je considère comme malsain d’essayer d’entrer dans la tête de ceux qui ont commis ces actes. Qu’ils aient visé, dans les méandres de leurs esprits tordus, à effectivement intimider quiconque critique l’islam ou non, cela ne devrait pas nous intéresser. Nous n’avons pas à jouer leur jeu et tenter de deviner la symbolique de leur geste.
Je ne considère pas que «Je suis Charlie», je considère que nous sommes tous Français.
Je ne vise pas par là à décourager toute analyse politique, sociologique, ethnologique, etc. de la portée de ces gestes. Bien au contraire. Cependant, je ressens un certain malaise quand nous leur donnons ce qu’ils veulent, quand nous raisonnons à leur manière. Gardons en tête l’horreur de ces gestes et ne nous embarrassons pas de leur signification symbolique. Ne soyons pas leur public.
J’aimerais plutôt proposer une vision semblable à celle que le président Georges W. Bush avait énoncé dans son discours suite au drame du 11 septembre 2001. Dans celui-ci, il encourageait ses compatriotes à ne pas céder à la peur, à continuer de vivre malgré le deuil. Bien sûr, celui-ci les haranguait ensuite afin de partir en guerre afin de venger l’Occident. Gardons seulement la première partie du message. Ne nous montrons pas intimidés et ne nous abaissons pas non plus au même niveau que ceux qui ont attaqué; c’est-à-dire la violence pure et simple.
En bref, je ne considère pas que nous avons à être solidaires avec l’institution qui a été prise d’assaut, mais avec les gens qui sont morts et de ceux qui en vivent le deuil. Voilà pourquoi je n’ai pas changé ma photo de profil Facebook. Je ne considère pas que «Je suis Charlie», je considère que nous sommes tous Français. Et c’est là la seule chose qui compte vraiment pour l’instant.