
J’ai toujours imaginé qu’un bibliothécaire était en quelque sorte un poète lunatique, un amoureux des mots qui passait ses journées entières à déguster des tournures de phrases, à ranger soigneusement les livres empruntés en appréciant la texture vieillie de la couverture. Un peu comme l’excentrique Mademoiselle C, «la mystérieuse bibliothécaire».
J’étais loin de me douter que les bibliothécaires de l’UQTR possédaient tous une maitrise en bibliothéconomie, la science de l’information et des bibliothèques.
Posé, calme et réfléchi, le directeur Benoît Séguin me fait découvrir la face cachée de la bibliothèque universitaire.
30 ans à la bibliothèque de l’UQTR
Benoît Séguin en a vu des évolutions à la bibliothèque. Il se rappelle du temps où, pour faire une recherche, il fallait fouiller dans un catalogue et où les travaux se tapaient à la dactylo.
À l’issue d’un baccalauréat en sciences biologiques, le montréalais d’origine ne pense pas pousser son intérêt plus loin, se considérant davantage comme un généraliste. Une maitrise en bibliothéconomie plus tard, il commence déjà à travailler dans le milieu universitaire.
En 30 ans, il a donc vu beaucoup de ses collègues au cours de ces années quitter pour leur retraite, non pas sans angoisse. Malgré tout, le fait de devoir constamment refaire son environnement de travail a quelque chose de stimulant.
Il occupe le poste de directeur depuis 2009. Il s’occupe ainsi de la gestion de l’équipe de référencement et de l’information documentaire, et il assure la liaison avec les autres universités, en plus d’instaurer et de gérer plusieurs projets de développement, ce qui lui plait beaucoup.
Saviez-vous que l’UQTR hébergeait tous les systèmes du réseau «Université du Québec» (sauf l’UQAM)? Son travail est très intimement lié à l’informatique et à la technologie.
Les mystérieux bibliothécaires
Tous issus de baccalauréats spécialisés, une chose les relie: la bibliothéconomie. Les 11 bibliothécaires ne sont pas là pour nous recommander le dernier livre qui les a fait pleurer, mais bien pour orienter la recherche universitaire.
C’est qu’avec la facilité d’accès à Internet aujourd’hui, on Googlise tout et n’importe quoi, s’improvisant spécialiste, préconisant les raccourcis vers l’information la plus pertinente.
Ce trop-plein d’informations, on doit le filtrer, savoir s’en servir, utiliser des outils performants. Pour une recherche spécifique, les stratégies de recherches sont indispensables, particulièrement dans les cycles supérieurs. Voilà le rôle des bibliothécaires: nous accompagner dans la recherche universitaire.
Ne devrait-on pas, étudiants et professeurs, leur accorder une plus grande reconnaissance de leurs compétences, du moins les utiliser? C’est ainsi qu’ils pourront nous permettre de sauver des semaines, voire des mois de travail! Voilà ce qui m’avait échappé.
Les enjeux d’une bibliothèque universitaire
La bibliothèque a pour mission de répondre aux besoins d’informations de l’enseignement et de la recherche. Le plus grand défi est probablement de demeurer pertinent malgré l’évolution du marché de la documentation et de l’environnement de la formation universitaire.
Quand des professeurs disent à Monsieur Séguin qu’ils ne se servent presque plus de la bibliothèque, il leur répond qu’ils s’en servent plus qu’avant, sans s’en rendre compte. La plupart du temps, lorsqu’on a accès à une base de données, c’est parce que la bibliothèque a payé l’accès pour nous. Les deux tiers des connaissances que renferme la bibliothèque sont électroniques.
Le plus grand défi est probablement de demeurer pertinent malgré l’évolution du marché de la documentation et de l’environnement de la formation universitaire.
En 2014, une bibliothèque se doit d’être un environnement agréable et convivial, adapté à la réalité du jour. Internet sans fil, prêt d’iPad, espaces d’étude, postes de travail, salles de réunion, etc. Un des projets de la bibliothèque est d’alléger la collection afin de proposer plus de places assises au troisième étage, notamment grâce à un système de rayonnage compact mobile et motorisé.
Un p’tit 2$ s’il vous plait!
Je sentais que je devais aborder la question. Quand une université emprunte des livres à une autre bibliothèque de son réseau, elle doit payer des compensations annuelles. Celles-ci ont augmenté de façon spectaculaire il y a quelques années, entrainant une facture beaucoup plus importante pour un même budget.
Le fameux 2$ controversé pour le prêt entre bibliothèques, qui existe dans d’autres universités, avait comme objectif d’agir comme ticket modérateur pour de nombreux étudiants qui ne viennent parfois même pas récolter l’emprunt et de couvrir une maigre partie des frais.
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Méticuleux, Benoit Séguin sait de quoi il parle. Il me fait remarquer qu’une bibliothèque est probablement l’espace public le mieux rangé.
Il est estomaqué de l’évolution de la bibliothèque, particulièrement dans l’utilisation des bases de données. Il se considère choyé par la vie de toujours être dans un milieu en constante évolution. «C’est le plus riche environnement qu’on peut imaginer».
Aujourd’hui plus près de la retraite, il souhaite voyager davantage, continuer la course à pied, son «yoga mental», ainsi que le golf avec ses collègues inter-bibliothèques-universitaires.