J’ai l’impression que, si j’effectuais un sondage parmi mes concitoyens, la plupart affirmeraient «croire» à la démocratie. Où est le problème? C’est une croyance. Un philosophe (quelqu’un qui veut vivre selon la raison) a-t-il avantage à examiner cette croyance? Définitivement. Mais, commençons par une question d’ordre plus général.
Pourquoi m’intéresser à la politique? La plupart des jeunes (et bien des moins jeunes) disent: «La politique ne m’intéresse pas. Je n’y comprends rien. Je préfère laisser ces choses-là à des gens compétents.» Grave erreur! C’est le meilleur moyen de nous faire abuser. Pourquoi m’intéresser à la politique? Parce que le pouvoir influence directement ma vie quotidienne… et mon portefeuille. Plus globalement, la politique a pour but de répondre à la question: comment vivre ensemble? Alors, si nous remettions en question l’ordre politique actuel de façon à en construire un qui vise le bonheur de la communauté?
Qu’est-ce que la démocratie? Est-il possible que la démocratie dans laquelle nous vivons ne soit que nominale? Qu’elle n’ait de démocratique que le nom? Pour sa part, Benito Mussolini était d’avis que «la démocratie est la forme de gouvernement qui donne à la population l’illusion qu’elle a le pouvoir.» En effet, étymologiquement, demos signifie peuple, et kratos, pouvoir. C’est-à-dire: le pouvoir appartient au peuple. Malgré cette belle définition, qui, actuellement faisant partie du peuple, se sent en pouvoir? Le vote ne représente qu’un seul volet de la citoyenneté, et pas nécessairement le plus important tellement il est biaisé. N’est-il pas temps d’évoluer dans notre façon de penser et de vivre notre dimension politique? De passer de l’étape de l’enfance à l’âge adulte?
Politique enfantine
Politique et religion. La religion a-t-elle influencé la politique? Évidemment. L’influence-t-elle toujours? Oui… et cela, d’au moins deux façons cruciales.
1A – Notre Père. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les politiciens traitent le peuple comme une masse d’enfants attardés (même aujourd’hui, malgré les progrès de la Révolution tranquille)? N’est-ce pas parce qu’un croyant (80% des gens le sont toujours) est un enfant… dont la prière préférée est le Notre Père? Les personnes religieuses (donc habituées à croire) font davantage confiance aux institutions telles que le gouvernement, le parlement, le système d’éducation, et cela, sans le moindre sens critique. N’est-il pas temps de nous libérer de ces hurluberlus aux comportements paternalistes?
1B – Dieu règne ainsi. Dans la religion, on considère que tout pouvoir vient de Dieu. Y résister ou se rebeller, c’est résister contre Dieu. C’est sans doute ce qui faisait dire à Stendhal: «L’idée la plus utile aux tyrans est celle de Dieu.» Alors, quelles sont les racines de la tyrannie, du totalitarisme, de l’impérialisme? Je dirais que la première racine est dans notre cerveau reptilien (volonté d’être le premier), et cette voie que la nature (non la nature humaine) nous indique, la religion vient la «fixer» dans des dogmes. Ainsi, tout pays ayant des visées impérialistes aura avantage à favoriser la foi en une religion et tout premier ministre, président ou maire voulant gouverner en monarque encouragera l’idéologie chrétienne. C’est le modèle: Dieu règne ainsi.
2 – Politique et capitalisme. L’autre principale raison pour laquelle nous subissons une politique enfantine est notre organisation économique: le capitalisme. Pourquoi la démocratie, tel que nous l’expérimentons, ne conduit-elle qu’aux scandales, à la corruption? C’est que, dans les circonstances actuelles, l’État est un pouvoir au service du capital. Même si les politiciens, lors des élections, nous assurent que leur victoire serait une victoire pour le peuple, il reste qu’après le scrutin, le parti gagnant oublie complètement le peuple et gouverne selon les intérêts des nantis (qui ont rempli ses caisses électorales). Ce qui fait que, présentement, nous vivons dans des sociétés qui sont gouvernées pour les riches et que la démocratie que nous connaissons n’est qu’une mascarade.
Politique adulte
Politique rationnelle. Quelle sera la force d’une telle politique? Cela me parait une lapalissade de l’exprimer, mais je ne vois pas d’autre moyen de procéder: un État rationnel sera un État dont les citoyens conformeront leur conduite aux exigences de la raison. Aussi évident que paraisse ce principe, il est un facteur de progrès. L’accession aux fruits de la raison et de la connaissance est le meilleur moyen de libérer les peuples (de même que les individus) de la servitude.
Une condition: égalité. Plusieurs conditions, autant négatives (abolition de toutes traces de féodalité, de tous privilèges) que positives (reconnaitre la primauté de la raison, encourager la liberté de penser, respecter la liberté d’expression, etc.) sont essentielles pour qu’existe une réelle démocratie. Étant donné l’espace dont je dispose, je ne peux aborder qu’une de ces conditions, base de toute démocratie: l’égalité économique. Dans une société unidimensionnelle, comment se fait-il que l’égalité économique ne soit pas effective? Les égalités sociale, juridique, éducative, etc., ne sont-elles pas inutiles si elles n’ont pas pour base l’égalité économique? Je pense que sans égalité économique, il est vain de parler d’égalité, puisque les nantis, grâce à leur argent, trouveront toujours le moyen de se payer les meilleurs avocats, les meilleurs professeurs, les meilleurs architectes…
Évoluons. Actuellement, avons-nous les politiciens que nous méritons? Non. Nous avons ceux qu’imposent les idées religieuses et les idées capitalistes. Pouvons-nous espérer que la démocratie que nous connaissons ne soit qu’une phase de l’évolution vers une véritable démocratie? Oui, mais écoutons Dickens qui nous a signalé un problème: «L’homme devra se réformer lui-même avant de transformer ses structures.» Ce qui signifie que si l’être humain veut humaniser la politique, il doit commencer par s’humaniser lui-même. Concrètement, l’être humain devra évoluer du cerveau reptilien au néocortex. La démocratie sera une conquête de la raison, une façon efficace de vivre ensemble.