Inutile de chercher cette fête dans un calendrier d’évènements: elle ne s’y trouve pas. Pourquoi? Serait-ce que les hommes n’ont pas su (ou pu?) s’organiser? Ou que l’homme vrai (par opposition au vrai homme) n’a pas encore vu le jour (ceci dit d’une façon toute relative)? Qu’est-ce qu’être homme? Se montrer dur? Être toujours prêt à se battre au moindre affront? Refouler ses sentiments? Boire exagérément? Conduire comme un fou? Ne sont-ce pas là des comportements autodestructeurs? Est-il possible que, dans le contexte actuel, l’homme soit l’animal le plus dénaturé au monde?
Vrai homme et virilité
J’entends régulièrement parler d’hommes, de vrais. Y en aurait-il de faux? Pouvons-nous parler d’illusion de la virilité? Que donne-t-on aux jeunes hommes comme leçons de virilité? «Ne te laisse pas marcher sur les pieds. Tu dois toujours être prêt à te battre, tu dois être le premier partout, tu dois faire preuve d’agressivité, tu dois défier tes semblables.» Un vrai homme se doit également de jouer aux jeux les plus violents quitte à se fouler une cheville, à avoir un œil au beurre noir ou une profonde coupure. N’aurions-nous pas confondu virilité et violence?
Trois-cerveaux-en-un
Qu’est-ce qui fait que l’homme s’est perdu de vue dans la nuit de l’histoire? Qu’il est devenu une caricature de mâle? Pour répondre à cette question, je me servirai de la découverte de Paul MacLean. Selon ce scientifique, l’évolution a laissé un cerveau construit comme un immeuble de trois étages. 1. Le cerveau reptilien. 2. Le cerveau limbique. 3. Le néocortex.
Cerveau reptilien et hominien
J’utilise le mot «hominien» comme une conséquence du cerveau reptilien. Il s’agit d’une première étape de l’animal vers son humanisation, étape où prévalaient la loi du plus fort, la cruauté, la sauvagerie. Bref, l’étape où hominien était davantage une bête de proie qu’un être humain.
Un vrai homme se doit de jouer aux jeux les plus violents… quitte à risquer son intégrité physique. N’aurions-nous pas confondu virilité et violence?
Quelles sont les principales caractéristiques du cerveau reptilien? Les principales auxquelles je fais référence sont les rituels d’agression, les parades guerrières, qui deviennent chez l’homme une recherche constante de compétition, le gout de la domination… Le propre d’hominien est de se penser, de se vouloir supérieur aux autres, et ce, quel que soit le domaine: sa force, sa technique, son argent, son savoir.
Dressage à l’hominienneté?
Loin de moi l’idée de soutenir que l’éducation actuelle n’est qu’un dressage à l’hominienneté, mais n’en est-elle pas une caractéristique essentielle? Qu’enseigne-t-on dans nos écoles, qu’elles soient privées ou publiques?
Tous les garçons sont dressés aux valeurs de compétition, de concurrence. Ils reçoivent la leçon que l’essentiel de leur énergie doit être consacré à devenir les meilleurs. Il faut, à chacun, être le mâle alpha. Ils sont élevés pour être des aigles (dans leur rendement scolaire, dans les sports, en économie, en politique, en sexualité, etc.).
Conséquences?
Quelles sont les retombées de l’idée qu’un vrai homme est un hominien? Nombreuses… et désastreuses. Nous avons les hommes en guerre perpétuelle contre eux-mêmes et contre le monde entier, une jungle urbaine, une économie de prédateurs, une éthique de rapports de force, une politique de vautours, des relations hommes/femmes où les femmes sont des proies, etc.
Une telle vie dans le conflit ne peut amener qu’une vie dans la haine. Vivre en hominien n’est-il pas épuisant inutilement? Quel hominien n’aspire pas à la douceur de vivre?
Cerveau limbique et émotions
Le cerveau limbique est lié aux émotions et à l’apprentissage. Hominien a-t-il un problème avec ses émotions? En fait, si on veut dresser un enfant ou un adolescent à être un hominien, une des meilleures stratégies consistera à le couper de ses émotions, de façon à produire une pauvreté émotionnelle, ou mieux, un vide affectif. Comment atteindre ce but? En lui répétant des messages, comme «un vrai homme n’a peur de rien!»
Qu’en résultera-t-il? La peur étant une émotion normale devant le danger, un jeune homme à qui on interdit de l’exprimer, se sentira un froussard et tentera désespérément de se prouver à lui-même et aux autres qu’il n’est pas un lâche… au détriment de sa sécurité. N’est-il pas temps de prendre conscience qu’empêcher un homme d’exprimer, ou pire, de ressentir ses émotions, c’est comme endommager les instruments de navigation d’un bateau? C’est le priver de la liberté d’être pleinement lui-même?
Néocortex et homme vrai
Le néocortex, dernière étape, pour l’instant, dans l’évolution du cerveau, est le siège de la raison, de la parole. Alors, qu’est-ce qui fait de nous des humains? En un mot, notre néocortex. L’homme, en passant du cerveau reptilien au cerveau limbique, puis au néocortex, au lieu de laisser parler la violence, s’ouvrira aux émotions. Il pourra raisonner, parler… ce qui, admettons-le, a plus de chances de nous conduire au bonheur que les agressions à répétition.
«On ne nait pas humain, on le devient»
… disait Érasme. Autrement dit, nous devons apprendre à devenir homme. Qu’est-ce qui constitue la spécificité de l’homme? Le cerveau nous indique la voie. Même si l’homme n’en a pas le monopole, ce qui caractérise l’homme, c’est sa raison. Voilà notre outil dans la recherche de bonheur. Et peut-être que lorsque nous aurons évolué, que nous serons enfin humain, nous pourrons avoir notre «Journée internationale des hommes».