Est-ce un poisson d’avril? Pas tout à fait. Dans leur volume La Bible du sexe, Cathy Winks et Annie Semans suggèrent d’établir un mois de la masturbation… en mai. Comme le Zone Campus ne parait pas à cette date, j’ai pris la liberté de devancer le mois de la masturbation… en avril.
Pourquoi m’intéresser à la masturbation? C’est que la sexualité, d’une façon générale, et la masturbation, d’une façon particulière, sont au cœur de mon équilibre, de ma vitalité, de ma joie de vivre. De plus, la masturbation est le comportement de base le plus élémentaire pour atteindre le plaisir sexuel: s’il est interdit, qu’advient-il du reste? Suis-je à l’aise avec cette activité si simple: mettre mes mains sur mes organes génitaux, en faisant un mouvement de va-et-vient qui procure du plaisir? Les hommes et les femmes de tous âges peuvent-ils se masturber sans culpabilité? Les silences, les petits rires gênés, la honte d’en parler, ne prouvent-ils pas que le tabou reste bien présent? L’interdit qui frappe la masturbation n’est-il pas le premier signe de la misère sexuelle de la grande majorité des gens?
Guérison bidon?
Supposons qu’une personne se présente chez un thérapeute et lui déclare: «J’ai essayé de me masturber… mais cela ne m’a rien fait.» Suffira-t-il que ce client puisse discuter de sa difficulté ad nauseam (thérapie de la parole) pour se sentir mieux? Suffira-t-il que le soignant donne quelques moyens pratiques pour arriver à une masturbation réussie? Et si c’est une personne qui juge que la masturbation est une chose horrible? Que c’est l’une des plus grandes calamités de tous les temps… en plus d’être un péché mortel? Comment cette personne peut-elle être soignée? Ne serait-il pas opportun qu’elle change ses croyances nuisibles pour des idées saines?
L’Église et la masturbation
Pourquoi la masturbation est-elle si mal vécue, au point que des hommes hésitent à se masturber, même s’il s’agit d’une vérification de spermatozoïdes après une vasectomie, ou pour apprendre à contrôler une éjaculation précoce?
Historiquement, nous pouvons présumer que la masturbation est réprouvée parce qu’elle met en péril l’avenir de la société. La semence est perdue au lieu de participer à la reproduction. L’Église s’est emparée de cette règle: elle en a fait un tabou… qui sévit toujours aujourd’hui. Résultat? Pour une personne conditionnée au tabou de la masturbation (autant dire tout le monde), chaque plaisir solitaire lui paraitra une incapacité à se discipliner, une faiblesse de sa volonté, une défaite.
La masturbation: un bien? Un mal?
L’épanouissement sexuel peut-il se faire sans moralisation? Impossible! Tous, nous avons un sens moral. Tous, nous voulons être quelqu’un de bien… à nos yeux, et aux yeux des autres. Qu’arrive-t-il si nous avons appris que la masturbation est quelque chose de mal? Un acte mauvais (ou que nous avons été conditionnés à considérer comme mauvais) demeure dans la mémoire et conduit à nous mépriser nous-mêmes.
Si je me sens mal à l’aise après une masturbation, il y a de fortes chances que j’éprouve des sentiments mêlés dans d’autres activités sexuelles.
Alors, la masturbation est-elle bien? Mal? Nous avons deux façons d’aborder la question: une façon surnaturelle et une manière naturelle. Selon le christianisme, la situation est claire: la masturbation est un acte dégradant en lui-même parce qu’elle déplait à Dieu. Que nous dit la lumière de la raison sur la masturbation? Que c’est un acte banal destiné à vider les testicules (ou à satisfaire le besoin sexuel chez la femme) et à procurer du plaisir. Et notre corps a besoin de plaisir pour se sentir vivant.
Science et masturbation
La morale peut-elle se développer sans tenir compte des sciences? Non. Elle doit se fonder sur la science, c’est-à-dire sur la connaissance de la réalité. Si je n’ai pas de connaissance précise, une action correcte m’est impossible. Les êtres humains, ne faisant jamais ce qu’ils savent être mauvais pour eux, la science est thérapeutique. Existe-t-il une vraie connaissance au sujet de la masturbation? Oui. Elle nous apprend que les cellules de la lignée germinale, à l’origine des spermatozoïdes, se multiplient, protégées dans l’albumine des testicules, et ce, durant toute la vie. Ces cellules produisent 200 millions de spermatozoïdes par jour… qui demandent à être expulsés régulièrement.
Le tabou de la masturbation: une manipulation?
Pourquoi l’activité sexuelle solitaire est-elle toujours si humiliante? Pourquoi les personnes qui se masturbent sont-elles taxées d’immaturité psychologique? C’est que, en interdisant la masturbation, l’Église, et à sa suite la société, contrôlent les gens jusque dans leur intimité.
Un geste naturel?
En déclarant la masturbation contre nature, l’Église a obligé des milliards de personnes à vivre dans la haine de soi, la honte, la culpabilité, le dégout. De plus, si j’ai «acheté» les idées antimasturbation, je serai perpétuellement en guerre contre moi-même… sans succès. Autre problème? Si je me sens mal à l’aise après une masturbation, il y a de fortes chances que j’éprouve des sentiments mêlés après d’autres activités sexuelles, ou que je devrai m’abrutir d’alcool pour me les permettre. La masturbation est-elle un acte naturel? Elle est pratiquée par de nombreux mammifères pour procurer du plaisir et libérer les tensions. Chez nous, humains, la masturbation est notre première activité sexuelle naturelle.
Alors, quelle est la nouvelle attitude que nous devons adopter par rapport à la masturbation? Elle est bonne. C’est une pratique qui amène la satisfaction d’un besoin; c’est une façon d’apprivoiser mon corps, mon imaginaire. La masturbation, comme la sexualité, est source de plaisir. Et la vie est trop courte pour nous priver de ce plaisir.