Chronique d’un lunatique: Du pain et des jeux

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Si vous avez eu l’audace, ou du moins l’intérêt de suivre mes pérégrinations mentales depuis l’automne dernier, vous aurez sans doute remarqué que cette chronique se veut un véhicule entre mon cerveau et le papier (ou l’écran), qui permet à mes réflexions de se concrétiser par rapport aux réalités culturelles qui englobent nos existences en ce bas monde.

En me faisant un résumé personnel de la chose jusqu’à présent, j’ai cru remarquer que la grande ligne directrice de ce procédé d’écriture s’ancrait particulièrement dans un sujet que je définirai ici trop peu exhaustivement ainsi : culture de masse versus culture alternative.

Qu’est-ce qui vient différencier ces deux sphères conjointes? Inutile ici de vous fournir une liste qui sépare la masse de la marge, car la liste serait trop longue, mais aussi trop peu représentative de la réalité. Lorsqu’on y pense ne serait-ce qu’avec un peu d’objectivité, on remarque rapidement qu’il existe davantage de similitudes que de différences entre les deux notions précédemment exposées. La première et principale raison du pourquoi de ce phénomène est fort simple : massive ou alternative, la culture que nous consommons sur une base régulière se veut d’abord et avant tout populaire.

Ce dernier adjectif se veut presque dangereux à l’utilisation. J’ai d’ailleurs remarqué que bien des gens qui m’entourent, d’un âge et d’un niveau d’éducation variables, tendent à avoir une compréhension relativement biaisée de ce qu’on définit de populaire. Cette mauvaise interprétation de ce mot se produit très particulièrement lorsque vient le temps de parler de musique.

Il y a de ça un bon moment, je me souviens avoir discuté avec un ancien collègue de travail au sujet des grands groupes britanniques ayant marqué l’histoire du XXe siècle tels que les Beatles, Pink Floyd ou plus récemment Oasis, rien de bien obscur là-dedans, vous en conviendrez. La conversation tournait autour du fait qu’il fut un temps où ce qui était apprécié par les masses était d’une qualité artistique plus forte qu’aujourd’hui. Une phrase, ou du moins son essence, m’avait particulièrement fait grincer des dents : «Aujourd’hui, ce qui pogne, c’est juste la maudite musique pop!». L’interlocuteur en question, appelons-le Bobby, avait alors, avec assurance, associé le terme de pop au dégoût. Marchant depuis l’entrepôt vers la sortie du supermarché où nous travaillions alors, je tentais par la suite de le convaincre, non pas qu’il avait tort, mais qu’il ne comprenait pas bien ce dont il parlait. J’aimerais ici qu’on s’attarde à la définition de deux mots qui permettront une meilleure compréhension de ce que j’essaie ici de démystifier.

D’abord, définissons l’adjectif populaire. Selon Le Petit Robert, populaire se définit par «ce qui appartient au peuple, émane du peuple […], qui est connu de tous». Au vu et au su de l’étymologie du mot, il est difficile d’argumenter dans un autre sens. Ainsi, lorsqu’on parle de musique populaire, on pourrait dire qu’on parle ici de la musique POUR le peuple PAR le peuple. À ce sujet, j’affectionne particulièrement un terme utilisé par, si je ne me trompe pas, le légendaire et controversé compositeur Noel Gallagher qui qualifie les groupes de musique dits «de garage» de working class band, que l’on pourrait traduire par «groupes de la classe ouvrière». Je suis particulièrement en accord avec cette appellation, puisqu’elle exclut, tout comme l’adjectif en question ici, tout ce qui a trait à l’élite intellectuelle du domaine, dans ce cas-ci, les musiciens et compositeurs issus d’une académie. On comprend dès lors que la pop couvre un spectre vraiment plus large que ce que Bobby, le collègue dont je vous parlais, m’affirmait lors de notre discussion.

En fait, Bobby semblait plutôt rapporter sa définition de pop au qualificatif plébéien. Selon Le Petit Robert, plèbe se définit par son caractère péjoratif et ce qui a trait à la «populace, [à la] racaille». De toute évidence péjorative, cette appellation semble plus coller à la définition non académique que nous nous faisons de la musique populaire, c’est-à-dire que lorsqu’on définit le genre pop, on pense davantage aux propos suggestifs et aux vulgarités exposées par une sphère précise de l’univers du show-business qui elle-même, entre dans le grand «genre» populaire.

il y a une ligne dangereuse à dépasser où le produit prédomine sur son sens, où le nom, le branding, efface la portée symbolique d’une œuvre.

Ici, mon point n’est en aucun cas de donner tort à Bobby qui, en parlant de la pop telle qu’il la définit, met le doigt sur une réelle blessure culturelle, c’est-à-dire qu’il déplorait au moment de notre conversation le fait qu’une grande attention est mise sur des «artistes» qui eux-mêmes vendent un produit de consommation plutôt qu’une œuvre à l’intégrité artistique palpable. Bien sûr, si on veut faire passer une idée à travers une œuvre au plus grand nombre, il est possible de la commercialiser, de vendre cette idée. Cependant, il y a une ligne dangereuse à dépasser où le produit prédomine sur son sens, où le nom, le branding, efface la portée symbolique d’une œuvre.

En somme, il est donc primordial, si l’on veut bien saisir les problématiques culturelles qui nous entourent, de savoir utiliser les bons mots pour parler des bonnes choses. Si la pop commerciale plus bonbon entre dans cette immense et englobante sphère populaire, ne devrait-elle pas être pourvue d’un terme précis? Comment nommeriez-vous le phénomène? Une chose est certaine, c’est que pour avoir ce débat de manière saine, nous devons savoir nuancer nos propos.

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