Il est, vous saurez l’admettre, plutôt facile de faire dire à quelqu’un que son propre passé se fait garant de davantage d’intérêt que son présent. Vous n’aurez qu’à parler des St-Jean sur le Mont-Royal aux baby-boomers pour les faire replonger dans une époque où «tout était plus facile». Il en va dans le même sens en ce qui à trait à la musique, aux technologies de communication ou encore aux productions cinématographiques et télévisuelles.
Vous l’aurez tous remarqué, et vous avez d’ailleurs probablement une opinion de fondée à ce sujet; la nostalgie remplit depuis longtemps les salles de cinéma ainsi que les salles de spectacle.
Juste avant Noël, je vous avais laissé avec une chronique traitant de l’importance de vivre environné par les vapeurs de nos mythologies personnelles. J’avais, à ce moment, utilisé en exemple le phénomène de culture de masse que représente Star Wars, puisque la franchise de science-fiction (qui ne s’en est jamais allée vraiment loin d’ailleurs), était sur le point de faire son grand retour dans l’imaginaire collectif.
Dans l’ombre de ce monolithe du Septième Art, les racines de bien des œuvres servent aujourd’hui à nourrir différents branchages qui s’y rattachent. La culture québécoise n’y échappe pas, mais ça, vous ne l’ignorez probablement pas non plus.
Il va de soi que l’esthétique nouvelle apportée au film pour enfants La Guerre des Tuques dans la réadaptation de Jean-François Pouliot n’ignore pas ce concept répandu à l’international. Le spectateur, de son côté, n’est certes pas berné par la réutilisation d’archétypes culturels forts de leur signifiance dans notre imaginaire. Il est de mon avis que c’est justement ce qui fait tourner les rouages de cette entreprise avec autant d’aisance. Il s’avère également que le risque est bien moins grand, lorsqu’on fait appel à la nostalgie du spectateur, de perdre son attention au milieu d’un processus de diffusion.
Dans un état d’esprit plutôt sceptique, j’ai, probablement au même titre que vous, choisi de m’attarder à l’une de ces multiples œuvres dites passéistes qui sont disponibles pour mon bon divertissement.
En effet, au même titre que bien des Québécois (près de deux millions semble-t-il), j’ai choisi d’accorder une partie de mon temps à la nouvelle adaptation de la populaire série autrefois radiophonique, puis télévisée Les Belles Histoires des Pays d’en Haut, série à laquelle on a retranché la première moitié du titre. Les Pays d’en Haut, nouvelle série réalisé par Sylvain Archambaut, choisit de se concentrer sur la véracité historique de la réalité vécue durant la colonisation des Laurentides à la fin du XIXe siècle.
Je dois avouer que, malgré mon scepticisme, ce n’est pas sans enthousiasme que je m’apprêtais à assister à cette nouvelle interprétation de ce qui se veut l’un des classiques les plus importants de la culture québécoise. Du roman de Claude-Henri Grignon à cette nouvelle adaptation, en passant par le long-métrage de Charles Binamé, il va de soi que la loupe sous laquelle sont fondés les personnages aura su faire du chemin à travers les méandres de différentes perceptions.
Évidemment, c’est cette fois dans la censure qu’on a choisi de couper pour nous démontrer une vision, plus crue et plus logique, de cette dure époque au Québec. Évidemment, l’aspect romancé de la série nous garde accrochés comme dans toute bonne production du genre. J’ai d’ailleurs souri lorsque le Curé Labelle (Antoine Bertrand), donnant la réplique à Arthur Buies (Paul Doucet), explique que son premier but en ce qui a trait à sa volonté de construire un chemin de fer, est d’encercler insidieusement les Canadiens-Anglais de façon à ce que l’Amérique française garde son importance d’origine du côté ouest de l’Atlantique.
Ce genre d’informations se doit, de toute évidence, d’être considéré avec des pincettes, mais se fait, sans l’ombre d’un doute et malgré tout, garant d’un conflit bien réel à l’époque qu’une série de fiction ne saurait traiter en détails dans une courte série télévisuelle comme celle-ci.
il est dangereux de juger dans l’absolu, ainsi, ce n’est pas parce qu’un produit réutilise des concepts connus qu’il en devient nécessairement mauvais, et vice-versa.
En observant de petits détails du genre, j’ai rapidement réalisé que l’appel à la nostalgie peut aussi servir au présent, s’il est manié avec précaution. En effet, si Les Pays d’en Haut et compagnie savent faire vibrer bien fort la glande du c’était dont mieux avant, ils parviennent aussi, dans certains cas, à intéresser celui ou celle qui consomme l’œuvre à en apprendre davantage sur son histoire, ou encore sur la nature même de ce qui définit notre psyché sociale. Autrement dit, cet appel à la nostalgie peut éduquer un plus grand public à certaines notions qui, peut-être, auraient été ignorées par un public plus frileux à la nouveauté. Il suffit que comparer avec l’excellente Série Noire pour constater l’attention donnée à un appel à la nostalgie, versus celle accordée à un produit totalement original.
Néanmoins, il est dangereux de juger dans l’absolu, ainsi, ce n’est pas parce qu’un produit réutilise des concepts connus qu’il en devient nécessairement mauvais, et vice-versa. Tout dépend de la manière dont on aborde le sujet en question. Par exemple, j’ai été agréablement surpris du souci du détail historique dans Les Pays d’en Haut qui nous permettait d’entendre parler à un moment de La Lanterne d’Arthur Buies et de la perception des citoyens face à cette œuvre critique fort importante par rapport à notre histoire.
Certes, la fin ne justifie pas toujours les moyens, mais reste cependant qu’il est agréable de voir que lorsqu’on reprend un concept déjà utilisé, il existe certains artisans de notre culture pour les adapter à notre compréhension moderne du monde.