Chronique d’un lunatique: Vedettariat de casiers

0
Publicité

Lors de ma dernière chronique, je m’étais arrêté sur le traitement de nostalgie que semblait vivre la culture mondiale autant que la locale. Je m’étais alors arrêté sur la nouvelle télésérie Les Pays d’en Haut pour, humblement, tenter d’un peu démystifier le phénomène avec ma matière grise comme seul outil.

Sans trop m’attarder à nouveau sur le sujet, je tiens simplement à préciser que c’est le sens de la critique qui permet en fait de juger de la qualité dans un produit qui nous est présenté pour la énième fois. Comme en cuisine, il y a certains classiques qu’on ne peut cerner que dans les petits détails.

Ces temps-ci, je consomme une bonne quantité de ce que m’offre la version non-payante de Tou.tv. À part le classique hebdomadaire qu’est Infoman, j’ai également porté mon attention vers ce «nouveau» concept qu’est celui que nous offrent Rebecca Makonnen et Marc Cassivi dans la toute fraîche émission Esprit Critique.

À l’aide des capsules humoristico-sarcastiques de l’excellent Fabien Cloutier, l’équipe Makonnen-Cassivi parvient à couvrir diverses sphères de la culture dans une émission de 45 minutes qui, sincèrement, en vaut le détour.

Dans ce programme, on ne s’attarde pas exclusivement à la culture de masse, mais aussi à son alter ego émergent, le tout dans un cocktail fort équilibré. L’intérêt du spectateur ne dépendra en fait que de l’avenue des questions posées dans l’émission. J’ai d’ailleurs particulièrement aimé celle du deuxième épisode qui allait à peu près dans ce sens: «L’Orchestre symphonique de Montréal doit-il prendre un virage pop ou mourir?» Cette question, posée à froid à des experts du milieu, ne peut que susciter un débat intéressant.

Dans l’épisode qui suivait, on se demandait s’il était légitime pour le public québécois de demander à ce que les vedettes de cette bulle culturelle que représente le Québec étalent leur vie privée sur les réseaux sociaux. On utilisait alors les récents divorces de Marie-Mai et Fred Saint-Gelais ainsi que de Julie Snyder et Pierre-Karl Péladeau pour s’étendre sur le sujet, d’un côté avec la chroniqueuse Nathalie Petrowski, de l’autre avec la haute instance de la culture de masse québécoise qu’est Véronique Cloutier.

Le concept d’étalement de la vie privée sur la place publique prend en grande partie son origine en Californie, plus précisément à Hollywood où, il y a déjà de ça plusieurs décennies, les Marilyn Monroe et James Dean de ce monde faisaient couler plus d’encre de par leur vie personnelle qu’à travers les œuvres auxquelles ils participaient. Le concept n’a depuis cessé de se renouveler et nous avons, encore aujourd’hui, assez de vedettes pour remplir des présentoirs d’épiceries de revues à potin. Vous savez de quoi je parle; celles que l’on remet allègrement dans le rack avant de payer son épicerie.

Jamais aussi intenses que nos voisins États-Uniens, il reste néanmoins qu’en tant que bons Québécois, nous «possédons» aussi nos équivalents. Je ne me mettrai pas ici à établir une liste de ces vedettes, car votre esprit s’en conçoit probablement déjà une au moment où vous lisez ces lignes.

Ce qui me fascine plus encore dans le concept, transporté sur une petite échelle québécoise, c’est de constater à quel point à peu près chacune de ces personnalités publiques en vient à tenir un rôle précis dans ce minuscule univers de vedettariat que nous avons, inconsciemment ou non, emprunté à nos voisins du Sud.

Ainsi, nous savons tous que le rockeur au cœur tendre québécois porte beaucoup de bagues, filme ses vidéoclips dans le Sud et arbore les tatouages de serpent avec fierté.

Si la scène culturelle québécoise devait être un village, et que ce village devait avoir un fou, il ne ferait aucun doute que nous élirions Jean Leloup. Derrière cette façade que le public s’attend aujourd’hui à voir, se cache néanmoins un artiste intègre. Il reste néanmoins que trop de fois, c’est l’image qui prédomine sur l’œuvre, particulièrement dans le cas de Leloup.

Je crois que, malheureusement, cette idée de classification du vedettariat vient, d’une manière ou d’une autre, hermétiser notre vision de l’art bien québécois.

Depuis Céline Dion, bien des groupes et artistes se sont illustrés à l’international, particulièrement sur la scène alternative. Il ne suffit ici que de nommer Malajube, Chocolat, The Besnard Lakes ou les géants que sont Arcade Fire pour constater que la qualité de ce qui s’exporte au Québec est fort intéressante. Cependant, pour la scène de masse québécoise, c’est encore «notre Céline» qui garde ce titre. Puisque le milieu culturel de masse québécois est un petit milieu, tout se doit d’avoir sa place dans une case précise.

Je ne cherche pas ici à monter sur mes grands chevaux, car le concept est fort probablement similaire à bien des endroits dans le monde. Cependant, comme avec la nostalgie, je crois que, malheureusement, cette idée de classification du vedettariat vient, d’une manière ou d’une autre, hermétiser notre vision de l’art bien québécois. Comment se fait-il que d’excellentes formations alternatives telles que Chocolat, Elephant Stone ou Big Brave ne parviennent à obtenir du succès qu’à l’étranger sans percer le marché québécois? Certes, la critique locale n’a que de bons mots pour eux, mais il semble que ce ne soit pas assez pour convaincre les radios à plus grand déploiement de leur accorder une attention fort méritée. Évidemment, vaut mieux repasser «L’Aigle noir» encore et encore…

Le cœur aigre-doux, je vous suggère donc, au souper, d’essayer de réfléchir à cette drôle de classification culturelle que nous faisons tous un peu. Lorsque ce sera fait, mettez-y le feu, puis arrachez vos œillères, vous ne vous en porterez que mieux!

Publicité

REPONDRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici