Cinéma d’aujourd’hui: Gemma Bovery / Birdman

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Gemma Bovery

«Je ne suis pas madame Bovary.»

Empruntant au célèbre roman de Flaubert quelques traits fondamentaux tout en s’amusant à constamment s’en différencier, Gemma Bovery présente un récit champêtre portant sur l’amour, la banalité et le pouvoir du pain. Dans les décors paisibles de la Normandie se dévoile ainsi une madame Boverytypiquement anglaise, résolument moderne, mais tout aussi désireuse de s’affranchir des limites de son quotidien.

Le film en est un, majoritairement, de regards. Regards d’abord sur le charme, retransmis avec beaucoup de sensualité par le jeu de Gemma Arterton et par la réalisation qui à plusieurs moments parvient à représenter avec justesse les fléchissements tout particuliers de la raison qui accompagnent chez l’humain les trop grandes montées du désir. Regards ensuite sur la campagne, où la surimpression de pièces musicales finement sélectionnées et de narrations à la poésie simple engendre un effet de rêverie agréable où il fait bon respirer. Regards finalement sur le roman de Flaubert en lui-même, qui éveillera sans doute la nostalgie chez ceux qui l’ont lu et piquera la curiosité de ceux qui ne le connaissent que partiellement ou pas du tout.

Du reste, si le scénario n’est pas des plus exceptionnels en raison de certaines longueurs et de dénouements qui manquent pour la plupart de vraisemblance (le «Rodolphe» échappé par Joubert qui suscite une prise de conscience immédiate chez Gemma, par exemple), on saluera du moins la présence dans celui-ci de traits d’humour qui demeurent, malgré leur légèreté, intelligemment menés (la fin, un peu cabotine, vient à ce niveau clore conséquemment l’ensemble de l’œuvre). Parmi les autres bons coups notables, il est à souligner le triple dénouement final, jouant sur les anticipations du spectateur pour finalement le détromper, et la technique de jeu exceptionnelle de Fabrice Luchini, qui bien qu’un peu «paradante», se révèle un apport considérable au rendu final de l’œuvre.

Film à la fois suave et berçant, Gemma Bovery nous ramène ainsi en simplicité à cet appel du désir qui, une fois lié au risque, donne à la vie cette chaleur si souvent recherchée.

Birdman

«This place smells like balls.»

Film singulier et d’une remarquable intelligence, Birdman est hors de tout doute l’une des meilleures œuvres cinématographiques qu’il nous aura été donné de voir en 2014. Jouant sur une multiplicité de niveaux tout en se distinguant par un traitement presque unique en son genre, le film d’Alejandro Gonzalez Inarittùnous plonge dans le rythme effréné des avant-premières de Broadway pour y présenter les crises, les doutes et l’amertume pesant sur le métier d’acteur et d’artiste en général.

Que l’œuvre soit filmée comme un (faux) plan-séquence (c’est-à-dire, sans interruption ni changement de plans), et ce même si le récit se déroule sur plusieurs jours, relève déjà en soi de la prouesse. Ce choix de traitement, qui aurait pu se limiter au simple défi de «faire différent», accompagne au contraire avec une grande cohérence l’un des objectifs centraux du film, qui est de valoriser la profession de l’acteur. Sans protéger les comédiens par un montage dynamique ou par un collage des meilleurs segments de leur jeu, la réalisation place au contraire à l’avant-plan la capacité exceptionnelle de l’ensemble de la distribution à mener de bout en bout (et avec brio) des scènes complexes et chargées d’intensité.

À cet effet de «ciné-théâtre», première réussite du film, s’ajoute une grande profondeur du texte, réinvestissant de façon originale les questions fondamentales de l’accomplissement personnel, de la recherche d’approbation et de l’absolue suprématie de la culture grand public. Présentées sous le couvert d’un humour complètement décalé et décapant (dont le cœur se situe au sein de cette «mauvaise conscience» exagérément virile qu’est le Birdman et dans l’utilisation répétée de pouvoirs toujours empreinte de dérision), ces réflexions invitent le spectateur à observer en riant, mais avec lucidité, les drames caractéristiques de son époque et de sa propre personne. On peut ainsi parler, sans en exagérer la louange, d’une véritable comédie.

Il s’agit d’un film à voir, sincèrement.

*

Prochainement au Cinéma Le Tapis Rouge :

Diplomatie de Volker Schlöndorff (à partir du 21 novembre – Drame historique franco-allemand récipiendaire du prix du meilleur scénario au Festival international de Shangai 2014)

St. Vincent de Theodore Melfi (à partir du 26 novembre – Comédie américaine mettant en vedette Bill Murray et Melissa McCarthy)

Les yeux jaunes du crocodile de Cécile Telerman (à partir du 28 novembre – Comédie dramatique française adaptée à partir du roman de Katherine Pancol et mettant en vedette Julie Depardieu et Patrick Bruel)

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