Yves Saint-Laurent
« Tout homme pour vivre a besoin de fantômes esthétiques »
Film biographique portant sur le couturier français du même nom, Yves Saint-Laurent offre aux amateurs de la mode et aux gens simplement curieux de connaître les personnalités marquantes du dernier siècle une incursion intime dans la vie d’un génie créateur angoissé et profondément amoureux. Pierre Niney (Yves Saint-Laurent) fournit à cet effet une interprétation rigoureuse, calquant à l’encre fine l’homme timide, sensible et fragile que dépeignent les témoignages et les enregistrements qui nous sont restés de lui. Le film en général suit cette tendance : en présentant Saint-Laurent au travers des souvenirs de Pierre Bergé, son amour éternel, le récit délaisse quelque peu la trame narrative classique pour offrir une série de tableaux fidèles aux faits ou fortement inspirés de ceux-ci (la scène du questionnaire dans la piscine est par exemple une libre adaptation d’une entrevue de Saint-Laurent captée par Bergé). Si cette succession syncopée des scènes renforce la vraisemblance du film en lui donnant des allures de documentaire, elle oblige aussi le spectateur à se figurer par lui-même la progression des événements, ce qui nuit par moments à la pleine expérience de l’œuvre.
Pour ce qui est du traitement des thèmes, le film évoque la mode, mais ne soulève pas de véritables réflexions à son sujet. Quelques allusions sont glissées ici et là à savoir si la haute couture est un art majeur ou non, mais ces dernières sont généralement esquintées par le contenu biographique. Le vêtement occupe tout de même une place prédominante tout au long du film, notamment lors des scènes de défilés qui retransmettent avec sensibilité et justesse cette aura singulière qui a fait la renommée des robes de Saint-Laurent.
Au-delà de la mode et de ses attraits, le film célèbre surtout et avant tout l’amour sans bornes qu’ont partagé le concepteur prodige et son protecteur. Sur ce point, Niney et Gallienne (Pierre Bergé) offre un jeu vivant et humain, débordant de «je t’aime» exprimés dans la plupart des scènes à mi-mot ou à bouche couverte. Les dialogues, déjà touchants en eux-mêmes par leur simplicité, sont rendus dans une pureté qui charme malgré le drame qui souvent les accompagne. Yves Saint-Laurent nous amène ainsi à revisiter les définitions figées qui déterminent l’amour dans les sociétés modernes, en présentant une déclinaison tout à fait atypique (mais absolument sincère) du don de soi et du besoin vital de l’autre.
Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?
« Nous sommes tous un peu racistes. »
Philippe de Chauveron livre ici un film qui exploite, dans différents registres d’humour (passant du très exagéré au presque subtil), les stéréotypes entourant les Juifs, les musulmans, les Chinois et les Africains, sans oublier au détour les provinciaux français, les artistes peintres, les psychologues, les prêtres et les grandes familles en général. Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu? plaide ainsi pour la tolérance en attaquant la bêtise des préjugés, sans toutefois exclure la possibilité que certains d’entre eux soient justement fondés.
Le spectateur suit donc les péripéties de la famille Verneuil, dont les gendres (les quatre) proviennent de familles d’immigrants. L’histoire s’articule autour des tensions qu’engendre cette diversité et, surtout, autour de la crainte constante des personnages d’être accusés par les autres d’intolérance, de racisme et/ou simplement de mauvaise foi. Pour mettre facilement en vue leur caractère, les personnages sont joués très gros, ce qui quelques fois sert, d’autres fois ennuie. Pour pouvoir apprécier le film, le spectateur doit donc accepter d’emblée la prémisse quelque peu invraisemblable et le jeu caricatural des acteurs qui rappelle le théâtre de boulevard, auquel la réalisation fait d’ailleurs directement allusion (le quatrième gendre joue Le dindon de Feydeau).
Les personnages étant très caractérisés, le film sert avant tout à multiplier les épisodes de moquerie entre eux, laissant l’histoire à l’arrière-plan (ce qui n’est pas nécessairement un mal puisqu’elle s’avère somme toute assez commune, voire banale). Si plusieurs blagues sont prévisibles, peut-être en raison d’un manque de rythme dans la réalisation, d’autres surprennent au contraire par leur qualité ou par les crescendos qui y mènent. L’humour le plus efficace demeure au final, étonnamment, non pas celui qui expie les préjugés dans lesquels le spectateur pourrait se reconnaître, mais plutôt le comique de situation qu’engendre la difficile conciliation de personnes pourtant toutes enclines à accepter la différence des autres.
À voir pour une soirée très détendue.
*
Prochainement au Cinéma Le Tapis Rouge (http://www.cinemaletapisrouge.com/) :
Salaud, on t’aime de Claude Lelouch (depuis le 29 août – en exclusivité nationale)
Vivre est facile avec les yeux fermés de David Trueba (à partir du 5 septembre – gagnant du meilleur film 2014 en Espagne)
Aimer, boire, chanter d’Alain Resnais (à partir du 12 septembre – du même réalisateur que Nuit et Brouillard et Les Herbes folles)