
Swans – The Seer
Âgé de 58 ans, Michael Gira semble n’avoir rien perdu de sa flamme et de son ambition de déstabiliser l’auditoire. Actif depuis 1982 comme principal chef d’orchestre de Swans, il lance avec le groupe un douzième album. The Seer est l’accomplissement de toutes ces années de travail. Un album qui est à la fois hypnotisant et déstabilisant.
Le seul mot d’ordre qui semble juste tout au long du disque de deux heures est qu’on ne peut jamais savoir à quoi s’attendre. La première chanson (Lunacy) tombe bien dans la description post-rock et drone du groupe, où la participation de membres du groupe Low apporte une grandeur au chant. Il s’agit d’une pièce lourde, mais convenable. Cependant, la seconde pièce (Mother of the World) est tout simplement hypnotisante, voire inquiétante. Un rythme très saccadé, une respiration troublante et des chants grinçants en font un chef-d’œuvre. Gira va encore une fois briser cette dynamique avec la très intime The Wolf, chanson a capella où sa voix brisée passe très près de nous tirer une larme.
Vient ensuite la pièce centrale de l’album, la chanson titre qui s’étire sur 32 minutes. Avec The Seer, nous comprenons un peu d’où provient l’inspiration de groupes comme Godspeed You! Black Emperor, en étant plus grinçant et drone. La chanson atteint son apogée avec le solo d’harmonica de Gira qui donne des frissons jusqu’à la moelle. L’album se termine avec deux autres pièces faites un peu dans le même moule, A Piece of the Sky et Apostate, qui demeurent tout de même uniques en soi.
Les côtés légers de l’album sont rares et apportent des moments de tranquillité et de repos. On les retrouve avec les pièces The Daughter Brings the Water et Song For a Warrior, cette dernière étant chantée par Karen O des Yeah Yeah Yeahs. Le son de l’enregistrement passe du très dense au quasi-minimaliste en l’espace d’une seconde sans jamais sembler désorganisé. Swans est passé maître dans son propre style que personne n’est près d’imiter. Le seul défaut est la durée extrêmement longue de l’album, soit un peu au-dessus de deux heures. Sans démontrer le moindre signe de fatigue, Swans nous a déjà promis un autre album que j’attends avec impatience.
Pour un album épuisant, quoique très satisfaisant, Swans se mérite un A-.
Esben and the Witch – Wash the Sins Not Only the Face
Trio britannique ayant attiré quelque peu l’attention avec son premier album Violet Cries, Esben and the Witch nous revient avec un second opus intitulé Wash the Sins Not Only the Face qui se veut légèrement moins planant. La recherche d’un résultat plus accessible est évidente, sans pour autant voler complètement l’originalité du groupe. Par contre, tenter d’imposer des accroches à un style qui devrait en être dépourvu ne vient pas sans conséquence.
Le premier album du groupe, que j’ai apprécié modérément, nous offrait un voyage dans un univers volatile où la musique planante et la belle voix de Rachel Davies se complétaient très bien. Malgré la présence de voix et de paroles, on pouvait tout de même étudier ou faire quelques travaux en écoutant le disque.
Le trio de Brighton est tombé dans le panneau en voulant attirer l’attention avec sa nouvelle sortie. La courte chanson Iceland Spar qui ouvre l’album nous annonce un tournant plus accessible en étant prometteuse et intéressante. On a là un groupe qui garde son identité en ajoutant le talent incroyable de The XX pour les pièces accrocheuses. Il s’agit par contre d’un rare extrait aussi entraînant. On réalise rapidement dans la seconde pièce, Slow Wave, que le groupe n’est pas si à l’aise que ça avec son nouveau tournant. La chanson au format plus cadré que le précédent album est décevante. On retrouve le son planant habituel mélangé à des arrangements radiophoniques qui enlève le côté imprévisible du groupe. La première partie du disque n’a rien d’impressionnant du tout.
La seconde partie est de loin plus réussie. La chanson Yellow Wood s’approche beaucoup du style d’origine, en conservant un côté planant et imprévisible. La courte Despair est aussi une belle tentative vers un format plus radiophonique où la dissonance des guitares dans le refrain apporte un résultat intéressant. Un travail de production plus poussé rend la pièce Putting Down The Prey l’une des plus captivantes du disque, où l’ambiance lugubre est digne des génériques d’un Tarantino ou encore d’un Burton.
Bref, la musique de Esben and the Witch tente de s’affirmer comme étant plus accessible qu’elle ne l’est vraiment. Cette volonté amène certaines pièces à être sans grand intérêt, voire même insipides. Je suis tout de même curieux d’entendre le prochain disque, puisque le potentiel y est.
Pour une volonté parfois plus grande que l’habileté, Wash the Sins Not Only the Face reçoit un B-.