Je me souviens, il y a un an presque jour pour jour, Patrice Michaud était assis en face de moi au Presse Café du centre-ville pour faire la promotion de son nouvel album Le feu de chaque jour. Le Cap-Chatien était loin de se douter que ce nouvel opus lui vaudrait le Félix de l’album folk de l’année. Il était en Trifluvie ce vendredi 20 mars dernier. Retour sur sa prestation endiablée.
Pas de première partie, pas de mise en bouche, que Michaud et son band de joyeux lurons pour divertir le public. Divertir est le mot juste, puisqu’entre chaque chanson, l’auditoire avait droit à un monologue plutôt amusant. Par exemple, l’artiste a raconté le moment cocasse où il a annoncé à son paternel la nouvelle qu’il serait de la prestation finale de la célèbre émission La Voix en compagnie du légendaire groupe Def Leppard. En apprenant cela, son père plutôt content pour son fils lui répondit : «Avec qui? Tex Lecor?». Visiblement, le garagiste de Cap-Chat en Gaspésie suit la carrière de son gars avec assiduité, mais peut-être pas celle des groupes de musique de renommée internationale.
Les talents de conteur de Patrice Michaud sont indéniables et font de lui une véritable bête de scène. On oubliait presque qu’il s’agit avant tout d’un auteur-compositeur-interprète tellement il était drôle entre ses chansons. Or, une fois quelques notes entonnées, on se souvenait aussitôt ce pour quoi nous nous étions déplacés ce soir-là: des airs accrocheurs, des mélodies solides et un univers musical bien ficelé.
Je me souviens d’un moment du spectacle en particulier, un moment qui m’a révélé tout le talent de Michaud. Durant l’hymne au n’roll «Le crash du concorde» (très beau titre soit dit en passant), le Gaspésien a arrêté la musique, a chuchoté à ses musiciens, puis a dit tout haut: « Ok, Trois-Rivières, vous avez droit à l’extra. C’est pas tout le monde qui a droit à cet extra-là, mais aujourd’hui vous le méritez». Nous, public naïf, on s’est vraiment dit qu’on le méritait ce petit extra, voyons! Donc, au beau milieu de sa chanson, entre le silence et les applaudissements, Michaud, tel un Elvis en herbe, a entonné «Go Johny Go», juste pour nous, juste pour Trois-Rivières. C’est impossible que d’autres endroits où l’ambiance est plutôt moche y aient droit, voyons! On voyait le chanteur se dandiner la patte comme le faisait le King lui-même dans le temps, puis se jeter par terre sur les genoux presque sur son dos en chantant tout près du micro. Tout un showman, il n’avait assurément aucun plaisir, non, voyons!
Je ne peux pas nier que ce fut réellement un spectacle très divertissant et que je recommande d’y assister à quiconque qui voudrait passer une belle soirée.
Personnellement, je le trouve un peu kitsch par moments, et je peux même affirmer sans problème qu’il oscille entre la musique populaire et le style underground. Mais je ne peux pas nier que ce fut réellement un spectacle très divertissant et que je recommande d’y assister à quiconque qui voudrait passer une belle soirée. Pour les emmerdeurs du type «il est trop populaire, il est trop ci, il est trop ça», allez voir ailleurs! Tout simplement.
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Un héritage encore à protéger
J’arrive chez mes parents tout juste après ma partie d’hockey du dimanche soir. Je cherche partout dans la maison l’édition du week-end du Devoir que je n’ai pas encore feuilletée. Je regarde la une, et bien c’est la même photo que j’ai publiée sur mon mur Facebook, la photo qui circulait sur le site web de Globe Montreal où les travailleurs du chantier du CHUM tiennent une pancarte où on peut lire en lettres majuscules rouges sur fond blanc «ICI, ON BÂTIT EN FRANÇAIS» (accent circonflexe et cédille inclus). Si vous pensiez que la haine des Anglos envers les Francos et vice versa était terminée, vous vous trompez. Allez faire un tour sur la page Facebook de Globe Montreal, et on s’en reparlera. Sur cette page se trouve des commentaires du type «Idiots go f**ing work», des commentaires tout simplement racistes envers la minorité francophone du Canada, et je dois l’avouer quelques-uns racistes envers la communauté majoritairement anglophone.
Je sais déjà ce que vous pensez en ce moment. Vous vous dites, pourquoi nous dis-tu ça dans ta chronique d’arts et spectacle? Et bien quand on attaque le français, j’ai toujours l’impression qu’on attaque une partie de ce que je suis, qu’on attaque la raison principale pour laquelle je m’acharne dans cette chronique toutes les deux semaines et dans la vie de tous les jours à faire rayonner les artistes québécois et francophones. J’ai l’impression qu’il faut encore que je me batte pour dire que le français a toujours sa place ici au Québec, qu’il faut que je me batte pour dire qu’une culture de plus sur la face du monde, c’est un plus pour l’humanité. Encore aujourd’hui, en 2015…
Sur la photo, on voit trois ouvriers, probablement moins scolarisés que moi, et je trouvais ça tout simplement beau. Des ouvriers, casque de construction sur la tête, qui tiennent une pancarte sur laquelle on défend ma langue, mon identité. Beau de voir que sur le plancher des vaches, il y avait encore quelque chose pour nous, francophones et Québécois. Ça explique peut-être pourquoi il n’y avait pas un siège vide à la salle Anaïs-Allard-Rousseau vendredi soir dernier.