Sans tomber dans le cliché, on sait que l’AGE prend souvent très à coeur sa fonction politique. C’est généralement bon signe, puisque son devoir est de représenter, à la manière d’un syndicat, l’ensemble hétéroclite des étudiants.
Justement, les membres de l’AGE devraient pouvoir, afin que leurs droits soient respectés, constater une certaine neutralité de la part de l’association par rapport à certains enjeux. Bien sûr, il est parfois question de se mobiliser contre des mesures gouvernementales. Il est clair que, dans cette situation, on critiquera le parti qui défend celles-ci.
Cependant, on s’explique mal la visibilité offerte par l’association au Parti Québécois et au Bloc Québécois par les temps qui courent.
Comme chacun le sait, ces deux partis défendent globalement la même plate-forme, c’est-à-dire l’obtention de l’indépendance politique du Québec par la biais d’un référendum ainsi que la défense de l’identité traditionnelle québécoise. Que l’on soit pour ou contre ce projet, là n’est pas le propos.
Pour ce qui est de la «Tribune libre» avec Mario Beaulieu, notons tout de même qu’il est présentement le chef du Bloc Québécois. Son invitation, en tant que politicien notoire, reste une idée intéressante et pertinente. Par le passé, l’AGE UQTR a invité de la sorte moult politiciens, d’appartenances politiques variées.
Cependant, n’inviter que celui-ci pour ensuite préparer un débat qui serait un évènement officiel d’une activité interne du Parti Québécois semble tendancieux. Le calendrier d’activités à saveur politique de l’AGE est résolument bleu cette session-ci.
Informer oui, mais sur quoi?
Permettre ainsi à M. Beaulieu de se présenter à la communauté universitaire est peut-être louable, mais qu’est-ce que la course à la chefferie du PQ a à voir avec les étudiants de l’UQTR?
Évidemment, d’aucuns se justifieront encore en disant qu’il s’agit d’informer les étudiants sur les enjeux de cette course, un peu comme quand l’AGE invite les candidats dans les circonscriptions environnantes à venir se présenter lors d’élections. Or, il s’agit d’un cas complètement différent.
En effet, lors d’élections, tous les étudiants (ayant le statut de citoyens du Québec s’entend), ont le droit de vote et sont touchés par l’issue du vote, et ce, de par le fait qu’ils vivent (et étudient) à Trois-Rivières.
Dans le cas de la course à la chefferie du PQ, seuls les étudiants qui possèdent leur carte de membre de ce parti depuis assez longtemps ont le droit de vote sur la question. Ceux-ci représentent évidemment une minorité dans l’ensemble de l’université.
De plus, l’issue de cette course n’aura que peu d’impact direct sur eux en leur qualité d’étudiants trifluviens. À moins d’un hara-kiri de la part du Parti Libéral, le PQ est condamné à encore trois ans d’opposition officielle et, qu’on se le tienne pour dit, ce statut ne lui donne pas grand pouvoir sur les décisions prises à Québec.
Remarquons, aussi, que lors de la dernière course à la chefferie du PLQ, il était évident que l’AGE n’allait pas organiser une telle activité. L’AGE n’aillait certainement pas inviter dans ses locaux ceux-là mêmes qui, quelques mois plus tôt, l’avait fait partir en grève!
On pourrait en déduire que le PQ est considéré comme une sorte d’allié du mouvement étudiant. Ce préjugé, un peu comme celui comme quoi le parti est l’allié des syndicats, mérite que l’on s’y attarde.
Le calendrier d’activités à saveur politique de l’AGE est résolument bleu cette session-ci.
Quiconque s’est impliqué dans le milieu politique étudiant connaîtra la proximité des Fédérations étudiantes (nommément la FECQ et la FEUQ) avec le parti de René Lévesque. Après tout, deux leaders connus de ces groupes (Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin) se sont présentés sous cette bannière aux précédentes élections.
Mais, le parti est-il vraiment si proche des étudiants? Gardons en tête que les coupures budgétaires qui touchent le réseau des universités actuellement sont en fait la reconduction de mesures prises sous le dernier gouvernement péquiste. Il avait, à l’époque, été promis de réinjecter des sommes suite à «l’effort de rationalisation» exigé aux institutions. Cependant, le parti a déclenché des élections avant de pouvoir tenir sa promesse.
N’oublions pas aussi que c’est un ministre de l’éducation péquiste qui a revu le mode de financement des universités à la fin des années 90 et qui a instauré le contrat de performance.
En vertu de celui-ci, les universités ne reçoivent plus leur financement par rapport à la nature des activités d’enseignement qu’elles proposent, mais presque uniquement sur la base de leur capacité à diplômer rapidement le plus grand nombre d’étudiants possible. Pas besoin d’être un grand sage pour en saisir le résultat.
En connaissance de ces faits, il est difficile de justifier la décision de l’AGE de présenter ce débat. En effet, tout semble tendre vers une remise en question de la neutralité de l’association par rapport aux luttes partisanes ou électoralistes.