De nombreux scandales à caractère sexuel ont émergé récemment dans les milieux publics. Cette situation semble être due en partie à un manque aigu de conscience éthique chez certaines personnes.
Les gens accusés, qui occupent dans plusieurs cas des positions de pouvoir, se défendent en disant que ladite victime n’a jamais clairement refusé leurs avances, que leur comportement était de la séduction et qu’en gros, ils n’ont rien fait d’illégal. Il y a peut-être une zone grise au niveau légal, mais il y a une faute claire d’éthique.
Les racines de l’éthique
On peut lire dans le Petit Larousse que l’éthique signifie la «Partie de la philosophie qui envisage les fondements de la morale» et l’«Ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un.»[1] La «philo» n’est pas seulement de savoir si une table est vraiment une table ou encore de parler de Platon dans une classe de Cégep pour finir immanquablement avec 60%. C’est aussi de réfléchir sur les relations interpersonnelles en société.
La philo n’est pas seulement de savoir si une table est vraiment une table ou encore de parler de Platon dans une classe de Cégep pour finir immanquablement avec 60%.
Le mot Éthique provient du latin Êthica, qui provient lui-même du grec Êthikon. Ces termes signifient tous deux: morale. Aristote aurait inventé l’adjectif à partir du mot Êthos (habitude, coutume, usage).[2] Il fait de l’éthique, «l’art de diriger la conduite humaine.»[3] Le philosophe grec fait de la question des rapports sociaux une science.
Éthique vs déontologie
Il est primordial que les milieux publics et privés se dotent d’un code éthique. Beaucoup d’entreprises en ont déjà un; d’autres ont plutôt un code déontologique. Dans quelques cas, elles possèdent l’un et l’autre. Il existe une grande différence entre les deux principes. La déontologie s’intéresse aux devoirs et obligations que le personnel doit observer. Les personnes concernées n’ont donc pas besoin de partager les valeurs de l’institution qu’ils représentent. Ils n’ont qu’à respecter les règles dudit code. Dans le cas du code d’éthique, les valeurs doivent être partagées par tout le personnel. Les actions posées sont mues par la morale du particulier et non par la peur d’une sanction quelconque.[4] L’éthique vient ainsi jouer un rôle de pédagogue. L’individu doit en venir à adopter un comportement moral.
En plus de systématiser les interactions entre les individus, l’éthique amène chacun et chacune à réfléchir sur ses actions et à développer un sens moral. Ainsi, on ne peut pas éthiquement se défendre ni se déresponsabiliser en affirmant par exemple: « J’ai certes commis pas mal de péchés, mais jamais de crime ».[5] Ce plaidoyer nous amène à réfléchir aux relations entre professeurs et élèves en extrapolant cette analyse à toute relation de pouvoir entre un supérieur et son subalterne.
«J’ai certes commis pas mal de péchés, mais jamais de crime…» — Jean larose
Pour une éthique en milieu universitaire
Les codes d’éthique ne sont pas toujours très clairs sur les procédures à suivre dans les cas de harcèlement entre adultes. Il en est ainsi pour chaque université, dont chacune gère les cas à sa manière. Par exemple, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a sa propre politique de prévention[6]. D’ailleurs, ma collègue Chloé Rousseau a déjà écrit un article à ce sujet.[7] De son côté, il semble que l’Université de Montréal ait eu beaucoup de difficulté à prévenir et à sévir face au harcèlement dans le cas Jean Larose.[8]
L’Université Concordia semble être la plus en avance avec sa politique sur les liaisons entre enseignants et étudiants. L’Université désapprouve cette pratique, mais ne l’interdit pas. Dans les cas où cette situation se produirait, l’enseignant doit en informer par écrit l’administration et doit se dégager de tout lien professionnel avec l’étudiant. Dans le cas contraire, l’enseignant serait considéré en conflit d’intérêt «réel ou apparent», ce qui est une faute éthique envers l’établissement: «Étant donné l’inégalité du pouvoir qui existe dans le milieu de l’enseignement supérieur […] les relations de ce type constituent à tout le moins un conflit d’intérêts réel ou apparent et devraient être évitées.» (Graham Carr, vice-recteur exécutif aux affaires académiques).[9]
L’intimidation, le harcèlement et les agressions sexuelles de la part d’un.e supérieur.e ne datent pas d’hier, pas plus que les dénonciations.
Interdire ou ne pas interdire
Les institutions universitaires ainsi que le gouvernement du Québec en sont venus à la même conclusion; il serait vain d’interdire ce type de liaison. Des situations de ce genre se produisent de toute manière; mieux vaut encadrer et surveiller la pratique. De fait, le gouvernement provincial a adopté le projet de loi 151 en décembre dernier. Toutes les universités du Québec devront, d’ici le 1er janvier 2019, se munir d’une politique concernant la violence sexuelle et d’un code de conduite en matière de relation d’autorité. De plus, un comité permanent de révision sera formé pour surveiller les institutions universitaires.[10]
De la place de l’éthique
Reste que la conjoncture commence tout juste à changer. L’intimidation, le harcèlement et les agressions sexuelles de la part d’une personne hiérarchiquement supérieure ne datent pas d’hier, pas plus que les dénonciations. Pourtant, ce n’est que depuis peu que l’on commence à se réveiller de ce long hiver durant lequel la réussite sociale de certain.e.s leur permettait d’agir immoralement. Idéalement, ça ne serait pas aux lois de nous convaincre d’agir correctement envers autrui, mais plutôt à notre sens moral. Puisqu’elle n’est malheureusement pas innée, l’éthique doit être inculquée pour qu’ensuite nous puissions internaliser ce sens moral.
[1] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9thique/31389
[2] https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2006-2-page-367.htm#pa5
[3] Ibid.
[4] http://gpp.oiq.qc.ca/distinction_entre_ethique_deontologie.htm
[6] https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/vrsg/Reglementation/127.pdf