
«Le Front de Libération du Québec n’est pas le messie, ni un Robin des Bois des temps modernes.» Cet incipit est surement l’un des plus connus de l’histoire du Québec, à côté de celui du célèbre roman Prochain épisode d’Hubert Aquin («Cuba coule en flammes au milieu du lac Léman pendant que je descends au fond des choses.»)
L’histoire du Front de Libération du Québec (FLQ) connait un renouveau dernièrement à la suite de la publication de deux œuvres cinématographiques dans le cadre des 50 ans de la crise d’Octobre : Les Rose et Le dernier felquiste. Le long-métrage et la série documentaire ont été réalisés par Félix Rose. Afin de mieux comprendre la dynamique de ces derniers, Zone Campus est allé à la rencontre du réalisateur.
Des documentaires généalogiques
Félix Rose nous a cordialement accordé une entrevue par téléphone. Parmi ces deux énormes projets qu’il présente, Les Rose constitue une fresque généalogique entremêlée à la crise d’Octobre de 1970. Le dernier felquiste, lui, comprend un documentaire en six parties sur le meurtre de Mario Bachand, qu’on a traité ici.
La conception de Les Rose est intimement liée à l’histoire familiale de Félix Rose.
La conception de Les Rose est intimement liée à l’histoire familiale de Félix Rose. En effet, c’est un choc que ce dernier a, lorsqu’il apprend, vers l’âge de 6 ou 7 ans, que son père était impliqué dans la mort d’un homme.
NDLR : Paul Rose, le père de Félix Rose, est l’un des acteurs de la crise d’Octobre de 1970. Lors de cet évènement, les membres du FLQ ont participé à l’enlèvement du diplomate James Cross et du ministre Pierre Laporte. La Cellule Chénier, celle responsable de l’enlèvement de Pierre Laporte, avait parmi ses membres Paul Rose et Jacques Rose, respectivement le père et l’oncle de Félix Rose. De l’enlèvement de Pierre Laporte a résulté sa mort, accidentelle ou non, selon les sources.
Deux figures d’un même père
«Mon père ne correspondait pas vraiment à l’image d’un tueur, c’est un papa poule, assez doux… qui ne répondait pas à l’image d’un terroriste que j’ai appris à connaître dans les médias.» À la lumière de tout ça, le réalisateur s’est tourné dans sa jeunesse vers deux passions : la généalogie et le cinéma.
Ces nouvelles passions lui ont permis de se rapprocher de son père, et de comprendre les injustices systémiques des ouvrierÈs canadienNEs-françaisES des années 60-70. Le tout a culminé par un voyage en Irlande avec son père, où ce dernier avait été reçu en héros par l’IRA, et qui a donné l’inspiration de faire un projet avec tout le travail qu’il avait amassé jusqu’à maintenant.
La passion pour la généalogie de Félix Rose lui a permis de se rapprocher de son père, Paul Rose.
Pourquoi la violence?
Touché énormément par la souffrance de ses parents et de ses camarades, Paul Rose en est venu à prendre les armes pour combattre les injustices sociales. «La rue faisait partie d’un endroit pour pousser nos idéaux… mais à chaque fois on se faisait battre (…). Y’avait beaucoup de violence policière.» Ce sont les mots de Paul Rose relatés par son fils, auquel ce dernier ajoute que : «Le jour où on a enlevé le droit de manif à Montréal, des gens comme mon père ont décidé de rejoindre le FLQ. Dans le contexte mondial, les révolutions se faisaient surtout de façon armée comme à Cuba ou en Algérie».
Dans tous les cas, il y a eu une compréhension que cette révolte n’était pas gratuite, même si les conséquences et les actes commis peuvent nous sembler répréhensibles.
Un lègue pour l’avenir
Le réalisateur nous informe qu’il a consacré énormément de temps à la recherche d’archives pour la création de Les Rose et qu’à travers tout ce fouillis, il s’est constitué assez de matériel pour fabriquer le documentaire Le dernier felquiste. Pour Rose, il est clair qu’«avec ces projets, mes intentions étaient de trouver les motivations derrière les gestes».
On a également demandé à Félix Rose ce qu’il pensait de Mario Bachand. Personnage polarisant, il se présente comme un pur au sein du mouvement souillé. Ce personnage est fascinant, il ne laisse personne indifférent. Après la mort de Bachand, le FLQ est tellement infiltré qu’il s’effondre. Dans les années 80 et 90, certaines personnes essaient de se faire FLQ, mais les tentatives n’avaient pas de liens avec le mouvement de 1963 à 1972.
Pour terminer, nous avons demandé à Félix Rose s’il croyait après ce projet à une alliance des différents mouvements sociaux dans le futur. Pour lui, l’important est de s’inscrire dans les luttes précédentes et de faire avancer les causes tout en changeant les mentalités: «Pour eux [le FLQ], ils continuaient les luttes qui n’avaient pas abouti (…). Mon père disait: évidemment, on ne peut pas régler tout ce qui est problèmes sociaux en deux ou trois générations (…). C’est aux jeunes d’aujourd’hui de poursuivre les luttes qui n’ont pas été abouties.»
Zone Campus remercie Félix Rose pour nous avoir accordé cette entrevue.