Fin de session: Lettre d’adieux à Mathieu Roy

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La session se termine; c’est donc maintenant le moment des rétrospections et regards en arrière. Même si, tout l’hiver, il a été question d’austérité libérale et de «grèvage», l’ultime éditorial de la session ne portera pas (directement) sur ces sujets…

Les grandes questions qui ont publiquement secoué le milieu universitaire québécois se rapportent toutes à la notion même de ce qu’est un étudiant. Par exemple, les opposants à la reconnaissance du droit de grève étudiant arguent en premier lieu que la grève est, par définition, l’apanage des travailleurs. Cet argument sous-entend évidemment que les étudiants ne sont pas des travailleurs.

Mais qu’en est-il vraiment? Les tenants de cette thèse ont généralement tendance à considérer les universitaires comme de simples bénéficiaires des services de l’État, au même titre que n’importe qui d’autre recevant des soins à l’hôpital, par exemple.

Or, c’est là considérer que le fait d’étudier ne rapporte des bénéfices directs qu’à la personne qui étudie. Entendons-nous, ces bénéfices existent bel et bien: meilleures opportunités d’emploi, acquisition de connaissances, statut social particulier, etc.

C’est là faire abstraction des bienfaits pour la société en général d’une population cultivée. En premier lieu, divers professionnels nécessaires au fonctionnement de la société sont formés à l’université: enseignants, médecins, infirmiers, psychologues, avocats, etc.

De la même manière, les diplômés des humanités contribuent à un certain retour réflexif et critique sur la société elle-même. Par exemple, les philosophes contribuent à préciser les termes des enjeux de société, les artistes représentent le monde dans lequel ils vivent, les sociologues travaillent à une meilleure compréhension de divers phénomènes, etc.

Les diplômés contribuent donc directement à la société par leur profession elle-même. Mais, en second lieu, le fait même de leur éducation rend service à la société. En effet, il est reconnu qu’une société généralement plus éduquée a moins de problèmes sociaux et que la propension des gens à développer des maladies liées au style de vie (obésité, problèmes cardiovasculaires, diabète de type 2, etc.) est inversement proportionnelle au niveau de diplômation.

Bref, les étudiants ne sont ni de simples bénéficiaires, ni des travailleurs au sens strict du terme. Que sont-ils donc?

Autrement dit, plus les gens sont généralement éduqués, moins les services sociaux coutent cher.

Il s’ensuit qu’il est bien difficile de dire que les étudiants ne sont que les bénéficiaires de privilèges gracieusement offerts par l’État: ils contribuent activement au bon fonctionnement de celui-ci par leur volonté à s’éduquer.

Les étudiants comme travailleurs

Doivent-ils être considérés purement et simplement comme des travailleurs pour autant? Il y a là un terrain de football que nous ne franchirons pas.

Entendons-nous tout d’abord pour dire qu’un travailleur, par définition, est quelqu’un qui fournit sa capacité de travail (qu’elle soit de nature physique ou intellectuelle) à un employeur. Ce dernier réalise un profit grâce au travail de l’employé et rémunère celui-ci en fonction d’une entente commune.

On ne peut donc dire qu’un étudiant en général est un employé de l’université, contrairement au personnel de soutien et aux enseignants. En effet, ceux-ci ne travaillent pas directement au profit de l’université (l’université n’étant de toute façon pas une entreprise devant réaliser un profit).

Un bémol évident est le cas des étudiants gradués: leurs travaux constituent une contribution directe au fonctionnement de l’université. Au même titre que les enseignants-chercheurs, leurs recherches deviennent la propriété de l’établissement, qui peut ensuite s’en servir pour réaliser un certain profit (qui, étant donné la nature de l’université, sert à en financer le fonctionnement).

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une contribution très ponctuelle, qui ne touche qu’une fraction des étudiants du Québec.

Bref, les étudiants ne sont ni de simples bénéficiaires, ni des travailleurs au sens strict du terme. Que sont-ils donc? Bien simplement: des étudiants. Il s’agit ici d’un troisième statut, distingué des deux autres.

Quand on parle de «grève étudiante», il faut donc prendre l’expression dans son ensemble. Il s’agit d’un concept différent d’une grève au sens strict (qui est effectivement l’apanage des travailleurs au sens strict), mais aussi d’un boycott des bénéficiaires/clients d’un service/produit qu’ils reçoivent.

Qu’est-ce donc précisément qu’une grève étudiante? Il s’agit d’une tout autre question. Limitons-nous, pour l’instant, à dire que c’est un moyen de pression qui ne vise clairement pas un rapport de force économique comme les grèves de travailleurs et les boycotts. Pour de plus amples discussions, revenez-nous l’an prochain.

Le mot de la fin

À ceux qui m’accusent ici de couper les cheveux en quatre, je m’excuserai en disant que je ne les ai tranchés qu’en trois. J’ai cru bon de terminer l’année sur ce sujet parce que les évènements de l’actualité, autant sur le campus qu’au niveau provincial, bénéficieraient d’une discussion sur le sujet. Il ne faut jamais oublier le pouvoir des mots.

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